A l’issue de son conseil trimestriel de septembre, Bank Al Maghrib a maintenu son taux directeur à 2,75%. La BCE, (banque centrale européenne) le 12 du même mois, a baissé ses taux d’intérêt directeurs dont le principal est passé de 4,25% à 3,65%, quand la FED elle, a pour la première fois depuis 2020, consenti à une diminution de ses taux d’un demi-point de pourcentage à 4,75%.
Si habituellement, la banque centrale de chaque pays se base sur le comportement des données internes pour agir sur son taux directeur, les décisions du mois de septembre elles, se sont appuyées toutes sur la baisse du taux d’inflation qui a été continue depuis le début de l’année 2024.
Ce constat a été partagé à Jackson Hole dans le Wyoming, aux États-Unis, où s’est tenu le symposium annuel de la FED, qui a réuni les banquiers centraux le 22 aout dernier. Un rendez-vous que les banquiers centraux ne manquent jamais y compris le Gouverneur de Bank Al Maghrib, M. Abdellatif Jouahri.
En effet, trois jours durant, les grands argentiers du monde ont débattu de l’efficacité des moyens qu’ils mettent en place pour lutter contre l’inflation qui a sévi au niveau de la planète ces dernières années. Celle-ci dont les taux ont atteint 7 % dans les pays occidentaux, sous leur contrôle revient vers leur cible de 2 %.
Même si en réalité, l’inflation persiste dans nombre de pays notamment les dits « émergents ». C’est le cas de la Turquie où elle dépasse les 50%, de l’Iran à 30%, quand en Argentine elle explose à plus de 100%.
Aussi, à ce symposium, un autre constat d’importance a été fait, sur la lenteur des délais de transmission des mouvements des taux directeurs. Il s’agit de l’impact à la baisse des taux directeurs sur les taux d’intérêt bancaires, un réajustement nécessaire. Ce qui impose aux banquiers centraux de relâcher la pression sur les taux d’intérêt, au risque de faire plonger l’économie dans la dépression.
Car, la conduite de la politique monétaire n’est plus aussi facile, son rôle ne se limite plus à la lutte contre l’inflation. Du comportement de son principal instrument, le taux directeur, relève la santé d’une économie. De fait, dans les pays occidentaux, les banques centrales sont contestées et se doivent de faire évoluer leur politique monétaire en fonction du changement structurel de l’économie jouant ainsi un rôle politique.
C’est d’ailleurs ce qu’avait annoncé en mars 2024 la BCE, en décrétant un changement dans le pilotage de sa politique monétaire afin de tenir compte de la conjoncture économique.
Comme, après la crise de 2008, quand les banques centrales avaient cherché à stabiliser les marchés par l’injection répétée d’importantes liquidités.
L’autre préoccupation importante des banques centrales réside dans l’accompagnement des États dont la dette dépasse le PIB et le déficit budgétaire devient abyssal, alourdi par les charges de la dette notamment.
Cette tendance est particulièrement prononcée en France avec un niveau d’endettement de plus de 120% du PIB et un déficit budgétaire de près de 7%, mais aussi en Grande Bretagne, en Italie et en Espagne, mais aussi aux Etats-Unis avec une dette de 123% et un déficit budgétaire de 6,3 %.
De ce fait, la politique monétaire devient une arme à la disposition des gouvernements et des banquiers centraux pour contrer les crises et faciliter la relance de l’économie. Les orientations à venir en matière de taux directeurs devront donc se partager entre la sauvegarde du pouvoir achat des citoyens et la soutenabilité de la dette publique.
Par ailleurs, la politique monétaire se basant sur les indicateurs économiques des pays, devient sensible et ne sert plus d’ancrage aux marchés financiers qui en attendent des indications claires sur l’orientation de sa politique monétaire. Preuve en est que l’été dernier, si la Fed n’avait pas repris le contrôle de sa communication sur la politique monétaire pour guider les marchés, elle aurait pu provoquer une récession économique, parce que les marchés américains en particulier et mondiaux en général, ont deux ancres, la croissance économique et la politique monétaire. Des erreurs de la FED peuvent conduire à une perte de confiance des marchés. Ce fut le cas par exemple quand elle a qualifié l’inflation de transitoire, fin 2021…
Pour ce qui concerne Bank Al Maghrib, elle joue dans la cour des grands en étant membre de la coopération internationale entre banques centrales. Elle profite ainsi des échanges d’expertise, du partage des meilleures pratiques et des actions de développement. De même que la participation de M. Jouahri au symposium de Jackson Hole, l’implique dans les discussions au niveau mondial sur le rôle de la politique monétaire au-delà de la maîtrise de l’inflation. Ce qu’il démontre d’ailleurs dans chacune de ses présentations aux conseils de la banque, en retraçant la situation économique et financière à travers le monde, en particulier celles des pays leaders.
Ainsi, si la décision de son Conseil ressort de discussions basées sur les données au Maroc, la ligne de la politique monétaire menée par M. Jouahri a elle aussi beaucoup évolué devenant un soutien de politique économique et de la soutenabilité de la dette intérieure du pays. Notamment à travers ses taux et leurs impacts sur les charges d’intérêts dans le budget public, sachant que celle-ci constitue plus des deux tiers de la dette publique…
Afifa Dassouli