Attijariwafa Bank a récemment organisé un webinaire dans le cadre des Rencontres de l’Entreprise, sur le thème : « Le risque de change : comment activer les bons leviers ? ». Participant à cet événement, Victor Lequillerier, responsable d’études économiques à Bpifrance, a mis en lumière la situation actuelle du régime de change au Maroc et les stratégies pour mieux gérer les fluctuations monétaires.
Depuis 2020, le régime de change marocain, auparavant strictement fixe, a été assoupli, permettant une variation de 5% autour d’un cours pivot. Ce régime est indexé sur un panier de devises composé à 60% d’euros et à 40% de dollars, reflétant l’intégration économique du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales.
Victor Lequillerier a souligné l’importance de la politique monétaire de la Banque centrale (BAM) pour stabiliser l’inflation, atteignant récemment l’objectif de 2 %. L’intervention de BAM a également été cruciale pour limiter l’impact de l’inflation mondiale et de la hausse des prix des biens importés, notamment suite à la crise en Ukraine. Cependant, l’augmentation des taux d’intérêt aux États-Unis a favorisé l’appréciation du dollar, nécessitant une intervention de BAM pour maintenir la stabilité du dirham, selon M. Lequillerier.
Au-delà des facteurs monétaires, l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales et la gestion des déficits courants jouent également un rôle clé dans l’évolution du risque de change. Le soutien du FMI, avec un prêt de 5 milliards de dollars accordé en avril 2023, a permis de restaurer la confiance des investisseurs et de renforcer les réserves de change du pays.
En parallèle, Yasmina Bounhar, responsable du portefeuille Corporate Trading à Attijariwafa Bank, a abordé les enjeux spécifiques du risque de change pour les entreprises. Elle a expliqué que ce risque se manifeste à deux niveaux : d’une part, le risque de change économique, qui résulte des fluctuations entre le prix initialement convenu et le taux au moment du règlement, et d’autre part, le risque de change commercial, qui se concentre sur les montants comptabilisés. Pour les entreprises marocaines, notamment les importateurs et exportateurs, il est crucial de couvrir ces risques afin de préserver les marges et d’assurer la compétitivité. L’utilisation des instruments financiers, comme le « change à terme », permet de fixer à l’avance les taux de change pour des transactions futures, minimisant ainsi l’impact des fluctuations du marché.
Pour M. Lequillerier, les perspectives à court terme pour le Maroc restent mitigées, avec une combinaison d’opportunités et de défis. Si la stabilité politique et la bonne réputation du pays auprès des investisseurs internationaux sont des atouts majeurs, le Maroc devra naviguer dans un environnement économique marqué par la hausse des taux d’intérêt, notamment en zone euro. À moyen terme, une plus grande flexibilité du dirham est envisagée, ce qui pourrait accroître la volatilité, mais offrirait également plus de marge de manœuvre pour la politique monétaire.
A. Loudni
Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter à un environnement économique mondial en constante évolution afin de mieux maîtriser le risque de change ?
Selon Victor Lequillerier, malgré l’existence d’outils de couverture du risque de change, comme ceux proposés par des institutions financières, certaines répercussions externes, telles que la crise en Ukraine, sont difficiles à anticiper et à maîtriser pleinement. Les entreprises doivent rester vigilantes, car des facteurs imprévisibles, notamment les événements mondiaux, peuvent affecter les politiques monétaires et économiques.
M. Lequillerier souligne l’importance pour les entreprises marocaines d’adopter une lecture attentive des principaux indicateurs financiers, en particulier ceux provenant des États-Unis et de l’Europe, car ils influencent fortement les décisions de politique monétaire au Maroc. Une bonne gestion passe par l’utilisation régulière d’outils de couverture et une adaptation aux évolutions des marchés internationaux.
Cependant, il admet qu’il n’existe pas de solution parfaite pour se prémunir totalement contre les risques de change. Malgré une volatilité à court terme, il perçoit que le Maroc, grâce à son intégration croissante dans les chaînes de valeur mondiales et ses réformes économiques, est en bonne position pour atténuer les risques liés aux fluctuations monétaires. Cette perception positive de l’extérieur rassure sur la capacité du pays à naviguer dans cet environnement incertain.