C’est la rentrée, celle des écoliers, des parents, des étudiants, des salariés, et tout le monde s’affaire à ses priorités du quotidien après la pause estivale. Mais, l’été n’a pas été synonyme de détente et de farniente pour tout le monde. Les diplomates marocains notamment ont eu un été chaud et pour le coup, ce n’est pas à cause du réchauffement climatique.
L’Afrique s’est embrasée cet été avec des coups d’État militaires au Niger et au Gabon, deux pays hautement stratégiques et dont les conséquences sont multilatérales. Au Niger, ce qui se joue actuellement c’est la sécurité de la zone subsaharienne dans sa globalité, connue pour abriter des groupements terroristes islamistes et donc les flux et les routes migratoires clandestins, les trafics en tout genre. Au Gabon, bien que le coup était plus inattendu, la dynastie Bongo a fini par perdre son emprise sur ses concitoyens à force de réformes électorales alambiquées et impopulaires. Pourtant, la « petite Suisse » d’Afrique semblait stable en comparaison avec le Niger. Alors que l’incendie fait déjà rage, les pompiers et les pyromanes sont difficilement distinguables dans ce contexte. Parce qu’en dehors des pays africains voisins et limitrophes, ce n’est pas moins que la France, la Russie, la Chine et les États-Unis qui sont impliqués directement dans ces événements et leur gestion. La France connait une situation de rejet et de recul dans son « jardin » habituel qui est inédite et dans laquelle s’engouffrent naturellement ses concurrents. Et avec le recul de l’Histoire, cette période sera certainement qualifiée comme une forme de « guerre froide » où les grandes puissances s’affrontent à visage demi-couvert dans des zones périphériques du monde où leurs intérêts s’entrechoquent. Difficile aussi de ne pas y voir un lien avec le soutien occidental continu à l’Ukraine face à la Russie de Poutine qui « grâce » au décès de Prigojine va reprendre la main sur les milices de Wagner, dont le nom importe moins que le donneur d’ordres.
Et le Maroc dans tout cela ? Il est bel et bien concerné en premier chef par le rôle actif qu’a pris le Royaume ces 20 dernières années en Afrique subsaharienne, économiquement, politiquement et diplomatiquement, c’est indéniable. D’autant qu’il faut ajouter au premier cercle des participants à cette foire d’empoigne, notre voisin algérien, qui après la déconvenue de l’épisode des BRICS, n’a clairement pas passé un bel été. Dans ce contexte, le Maroc n’a pas joué des bras ni cherché à être au-devant de la scène. Bien au contraire, c’est avec minutie et retenue que la diplomatie marocaine s’est activée, au point que l’ampleur de sa contribution n’est pas palpable. La réalité est que le Maroc maintient le cap et sa mobilisation pour sa cause nationale. Car il faut se le dire, tant que le Sahara occidental marocain ne sera pas reconnu comme tel par l’ensemble de la communauté internationale, les risques de déstabilisation y compris du reste de la région sahélienne augmentent tant les liens entre les séparatistes du polisario et les organisations terroristes et les trafiquants de la région sont avérés. La discrétion du Maroc est d’autant plus claire et justifiée lorsqu’on apprend la venue de Joshua Harris, secrétaire d’État adjoint au Bureau des Affaires du Proche-Orient au département d’État américain, en visite dans la région pour notamment réaffirmer le plein soutien des États-Unis au plan marocain. De même, ce n’est pas anodin ou fortuit que l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, Staffan de Mistura, soit en visite également en ce moment au Maroc.
Cette situation géopolitique faite d’instabilité et d’incertitudes, peut expliquer également la réaction du Maroc après le drame survenu la semaine dernière avec le décès de ressortissants marocains tués par les garde-côtes algériens. Ce fait divers, digne d’un film d’action américain, présente encore des zones d’ombre qui nous l’espérons seront mis en lumière par l’enquête diligentée par le Maroc et la France pour faire justice à des victimes dont le sort tragique a fortement ému l’opinion publique. Mais, en réalité, la réaction officielle et diplomatique du Maroc témoigne de la sensibilité du contexte, même si pour beaucoup de Marocains c’est un cas de casus belli. Le Royaume a certainement raison d’avancer avec prudence et de ne pas céder aux sirènes qui s’appliquent à mettre de l’huile sur le feu, d’autant que le Maroc, loin d’être naïf ou d’être tombé de la dernière pluie, connait parfaitement les implications de l’adage « Si vis pacem, para bellum ».
Zouhair Yata