Mme Kristalina Georgieva Directrice Générale du FMI et M. Abdellatif Jouahri, Gouverneur de Bank Al Maghrib
Par Afifa Dassouli
Le Maroc, pays hôte de l’évènement planétaire de la tenue des Assemblées du FMI et de la Banque Mondiale en octobre prochain, est aussi engagé dans « la route vers Marrakech », qui sera jalonnée d’évènements d’importance pour mettre en avant les avancées du Maroc et recentrer les intérêts de ces institutions internationales sur le continent africain.
C’est dans ce cadre que Bank Al-Maghrib a organisé hier conjointement avec le FMI une table ronde de haut niveau, sur les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) et la nouvelle vision du rôle du secteur public dans la monnaie et les paiements.
En présence de la Directrice Générale du FMI, Mme Kristalina Georgieva, M. le Gouverneur Abdellatif Jouahri, dans son allocution de bienvenue, a apporté la précision que « les équipes du Fonds se sont mobilisées aux côtés des services de BAM pour faire aboutir cette conférence comme ils le sont de façon globale avec la Banque mondiale et les autorités marocaines, dans les travaux de préparation pour faire des assemblées annuelles de Marrakech un rendez-vous à la hauteur des attentes du continent, de la région et de toute la communauté économique et financière internationale ».
Mme Kristalina Georgieva, dans son intervention, a pour sa part remercié le Maroc d’accueillir les assemblées annuelles du FMI et de la BM, qualifiant notre pays de pont entre l’Afrique, le Moyen Orient et l’Europe, endroit idéal pour discuter de solutions aux challenges communs au monde dans son ensemble.
Le choix du thème de cette table ronde a été arrêté dans l’objectif principal d’élargir la discussion très importante sur les monnaies numériques de banque centrale à l’Afrique et au Moyen Orient, pour mettre en avant les liens entre la numérisation technique et les réformes économiques. La directrice du FMI a d’ailleurs précisé que la transition numérique sera au cœur des assemblées d’octobre 2023 pour poursuivre le dialogue sur les MNBC. Car, grâce aux MNBC, l’inclusion financière, en permettant à davantage de personnes d’accéder aux services financiers, à moindre coût, pourrait renforcer la résilience et l’efficacité des systèmes de paiement et rendre les paiements et les envois de fonds transfrontaliers moins chers et plus rapides. Cependant, si elles sont mal conçues, les MNBC pourraient également entraîner des risques pour la stabilité financière, la confidentialité des données et des défis juridiques, l’intégrité financière et les cyber-risques, ainsi que des risques opérationnels pour la banque centrale.
Pour la directrice du FMI, « les MNBC pourraient réduire le nombre d’intermédiaires dans les paiements transfrontaliers, favoriser la concurrence et améliorer la transparence », alors que le FMI a pour mandat d’aider à garantir que la monnaie numérique favorise la stabilité économique et financière nationale et internationale. A cet égard le FMI prépare une étude sur « la MNBC et les paiements numériques privés en Afrique subsaharienne », et une feuille de route pour la MNBC au Moyen-Orient et en Asie centrale.
M. Jouahri, allant dans le même sens, considère que les banques centrales ont compris que le statu quo n’est plus une option ! Si elles veulent préserver leur rôle central d’émetteur de la monnaie, elles se doivent de mobiliser les innovations technologiques au service de leurs missions tout en appréhendant les risques dont elles sont porteuses.
Les réflexions menées sur la MNBC, s’accélèrent avec l’implication d’organisations internationales comme le FMI ou la BRI, même si les défis d’une MNBC diffèrent d’un pays à l’autre, en particulier entre les économies avancées et celles émergentes ou en développement. Les banques centrales de leur côté avancent dans l’exploration des MNBC, comme au Maroc dont la Banque centrale a mis en place en 2021un groupe dédié à la MNBC.
C’est ce qu’ont démontré les différents panels de la table ronde sur les Monnaies Numériques de Banque Centrale qui ont réuni des intervenants ciblés et de haut niveau sur les différents thèmes suivants ; La première session a porté sur le sujet du débat politique, pour répondre à la question essentielle de savoir où en sommes-nous et où allons-nous ? M. Jouahri et Mme Georgieva, aux côtés du Directeur général du Fonds monétaire arabe et du Gouverneur de la banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, s’accordent à dire que la création de la MNBC est certes éminemment politique !
La seconde session de la table ronde est entrée dans le vif du sujet en débâtant des objectifs de conception et d’impact de la MNBC avec des panellistes de haut niveau totalement impliqués dans la prise de décisions en la matière, comme le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le Gouverneur de celle de Maurice et les vice-gouverneurs des banques centrales du Ghana et du Nigéria.
Cette table ronde a clairement démontré que les pays africains anglophones sont nettement plus avancés dans la création de la monnaie numérique de banque centrale, son expérimentation et son utilisation avec une implication très forte en faveur de l’inclusion financière qui chez certains atteint le taux de 90%.
La troisième session de cette table ronde a naturellement porté sur les « MNBC, enseignements et prochaines étapes » indiquant clairement la nécessité de l’introduction de cette monnaie publique face à celles privées existantes pour plus de sécurités avec plus de régulations.
Un événement en somme à la hauteur des enjeux traités et qui témoigne de la coopération dense et dynamique entre les institutions financières internationales et leurs interlocuteurs marocains autant que régionaux et qui est de bon présage pour les assemblées annuelles d’octobre.