Il y a certains débats, certaines valeurs, qui semblent traverser les frontières, l’internet et les réseaux sociaux en étant le véhicule, et qui nourrissent les prises de position d’une jeunesse marquée par une volonté de rupture avec les pratiques et habitudes des générations précédentes.
La lutte pour le climat en est un exemple probant, le hashtag #metoo également, même s’il a également permis de libérer la parole des femmes de toutes générations. Dans un monde où les inégalités économiques sont criantes, durablement installées, les injustices sont de moins en moins tolérées et le statu quo ante n’est plus acceptable pour la majorité.
Le népotisme fait partie de ces pratiques révulsantes pour les nouvelles générations et l’actualité en témoigne. Aux États-Unis, le prestigieux New York Times a dédié sa Une et une enquête aux « Nepo babies », les enfants de stars ou de personnalités influentes qui bénéficient de carrières préfabriquées grâce à leur réseau et dont le mérite ou le talent peuvent être remis en question en conséquence.
Au Maroc, c’est le même sujet qui enflamme l’opinion publique avec le scandale du concours d’admission à la profession d’avocats. Aujourd’hui, au Maroc, un jeune qui a mis toute son énergie dans la préparation d’un examen et qui estime avoir une chance de le réussir, ne peut plus accepter que sa place soit déjà acquise à un autre, sans mérite.
Tout le monde est le fils de quelqu’un, et la cooptation des élites, « les fils de cadres qui deviennent cadres » comme l’expliquait déjà Bourdieu il y a des décennies, n’est pas une nouveauté. De même, les entreprises familiales sont au cœur du tissu économique marocain, de la plus petite aux plus grands groupes, et la question de la transmission familiale est un sujet commun.
En revanche, le népotisme est un raccourci à toutes les contraintes, qui s’accompagne souvent aussi de fraudes et de corruption. D’ailleurs, l’INPPLC, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption, a été saisie dans ce dossier qu’elle estime entrer dans son mandat.
D’un point de vue politique, cette énième affaire de passe-droits, embarrasse la majorité gouvernementale qui selon l’adage « qui ne dis mot consent », semble vouloir laisser l’opinion publique se saisir du sujet.
La méritocratie n’est pas une réalité, pas plus que la démocratie, ce sont des idéaux, des objectifs vers laquelle le progrès d’une société nous fait tendre. Dans ce sens, le courage et la mobilisation de la jeunesse marocaine contre les résultats de ce concours sont éloquentes d’un changement de paradigme dans notre société, certaines choses ne passent tout simplement plus.
Les réseaux sociaux en tant que caisse de résonnance du pouls de la société marocaine sont de plus en plus explicites sur l’intolérance aux injustices de nos concitoyens. Reste à comprendre pourquoi les personnes concernées, les décideurs, hommes politiques et autres responsables, ne mesurent pas le vent du changement qui leur souffle dans le dos. Pourquoi se sentent-ils encore dans leur droit même quand le pot aux roses est dévoilé, et pourquoi l’humilité de reconnaitre leur erreur, leur fait autant défaut. La société marocaine se développe, les parents de ces jeunes candidats ont fait d’innombrables sacrifices pour permettre à leurs progénitures de s’élever par l’éducation, l’égalité des chances est un droit qu’il est grand temps d’exercer pleinement.
Zouhair Yata