Rachid Hamimaz
Économiste, Professeur à l’IAV Hassan II
II – Les effets des pesticides utilisés dans les céréales sur la santé
Les sols se comportent, selon les cas, comme un lieu de stockage provisoire ou un filtre passif ou actif, selon leur nature plus ou moins « fixatrice » (absorbante) et selon qu’ils permettent ou non la dégradation ou biodégradation de certains produits phytosanitaires. Ce « filtre » est plus ou moins sélectif, car les molécules de pesticides ou leurs résidus sont plus ou moins capables de se fixer sur le sol ou d’être métabolisés par la vie du sol (bactéries, champignons…).
À titre d’exemple, l’oxychlorure de cuivre n’est pas biodégradable et s’accumule dans les sols. En France on a pris conscience de ce problème de produits à base de cuivre largement utilisés dans la vigne (produits bon marché) et on ne les a pas interdits mais on a limité leur utilisation (au max 2 traitement / cycle). Il a ainsi entraîné la stérilisation de 50 000 ha de certains sols de bananeraies au Costa Rica.
La plupart des résidus de pesticides qui sont fixés ont tendance à être lipophile et peuvent se « bio accumuler » dans le corps. Des préoccupations ont été soulevées sur le rôle possible d’une exposition chronique à faible dose dans l’apparition de certains cancers. Les résidus de pesticides ont un large éventail d’effets potentiels sur la santé. Ils peuvent causer une irritation physique de la peau ou agir comme des agents cancérigènes, perturbateurs endocriniens et perturbateurs du système nerveux.
Un rapport du ministère de l’Agriculture Français a fait la lumière sur certaines pratiques agricoles et montre que désormais les semences sont traitées automatiquement à l’état de graine sans attendre qu’un risque se présente. Les quantités de substances actives vendues pour les traitements de semences ont connu une progression phénoménale. Il s’agit de traitements phytosanitaires systémiques, qui sont appliqués sur les semences avant même le semis pour les protéger contre les bio-agresseurs, principalement sous forme d’enrobage, obligeant ainsi les agriculteurs à traiter les cultures sans tenir compte de la présence ou non de ravageurs.
Cette utilisation préventive et systématique de produits de traitements de semences, généralement des néonicotinoïdes, précipite l’apparition de bio-agresseurs résistants aux pesticides. Au fur et à mesure que ces résistances s’accroissent, le besoin de pesticides augmente, entraînant l’agriculture dans une spirale toxique (lutte chimique / résistance) que personne aujourd’hui n’est capable de maîtriser. Les semences de blés sont bien évidemment concernées en haut lieu. Un rapport du ministère français (juillet 2013) estime ce taux à 94 et 95 pour cent pour les blés (blé tendre et blé dur).
Comment éliminer les résidus de pesticides des produits agricoles et alimentaire ? Très difficile ! Les seules solutions sont l’opération de nettoyage systématique (dans le cas des céréales) qui permet de réduire, en surface seulement, les résidus de surface, le séchage dans la mesure ou l’exposition longue aux rayons du soleil semble dégrader les résidus (mais on n’est pas sûr) et enfin le brossage (qu’on doit retrouver dans l’indispensable opération de nettoyage des blés précédant la mouture). C’est pour ces raisons que nous avons demandé aux minotiers marocains si ces opérations avaient bien lieu.
La question des pesticides ne concerne pas que le blé importé, mais également le blé local, produit au Maroc. Ce sont des solutions radicales qu’il faut parfois adopter à l’image de celles prises par Sa Majesté le Roi Mohammed VI (qu’Allah le protège et l’assiste) qui a décidé d’interdire (il y a plus d’un an et demi), dans le cas de ses propres productions agricoles, l’utilisation du glyphosate, un herbicide très utilisé en agriculture, soupçonné de développer certains types de cancer et d’avoir des effets nocifs sur la biodiversité. Le glyphosate est utilisé pour préparer les sols avant les cultures, notamment de céréales. Il permet un gain de temps et de rendement importants pour les agriculteurs qui ne voient plus la nécessité de labourer.
Selon des analyses réalisées en France par l’ONG Générations futures et citées par le journal le Monde (14 septembre 2017) « sept céréales de petit déjeuner sur huit » (Nestlé, Kellog’s, Jordan…) contenaient du glyphosate, « soit 87,5 % ».
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS, a qualifié le glyphosate comme « cancérogène probable » en 2015. Cette mesure royale est sans précédent alors qu’en Europe, à Bruxelles, on discute encore pour savoir s’il faut l’interdire ou pas. La France vient à peine (Janvier 2021) d’interdire sa commercialisation. Désormais, le consommateur peut constater, par lui-même, que dans les magasins des domaines, les magasins royaux, les produits affichent : « sans glyphosate ». Le Roi a pris les devants. Pourquoi ? Parce que tout simplement il aime son peuple et a le souci de la protection de la santé de ses sujets. Il n’a d’ailleurs rien à prouver tant sa mobilisation, son abnégation et son esprit de sacrifice pour son peuple n’ont pas d’équivalent. Nous invitons nos industries agro-alimentaires à s’inspirer du modèle incarné par leur souverain et à aimer leurs concitoyens et à faire passer leur santé avant les gains et les bénéfices.
Voyons maintenant si les textes réglementant la production et la qualité des céréales (grains et farines) ont omis certains aspects de nature à protéger le consommateur. Nous pensons que ces textes ont été élaborés en tenant compte exclusivement du volet quantitatif et non qualitatif au niveau de la production. Pourquoi ? C’est là qu’on touche au cœur de la problématique. Et c’est ce qu’on va essayer de comprendre.
III – Une réglementation qui ignore le consommateur
Dès les années 90, nous avions abouti, dans un article paru dans la revue Tiers-Monde et intitulé : « État et stratégies de Fraudes au Maroc : l’exemple de la meunerie industrielle » (Revue RT, Tome XXVI, N° 144, à des résultats troublants. Nous avions repris et comparé les critères auxquelles doivent se soumettre les différentes farines et fixés par différents arrêtés ministériels. Nous avions montré que :
- Les marges d’extractions concernant la farine nationale de blé tendre (seule farine subventionnée depuis 1988) sont de plus en plus importantes. Quant à la farine de luxe et autres farines (farine ronde courante et farine ronde spéciale), le taux d’extraction n’est même plus prévu par les deux arrêtés de 1988. Autrement dit, cette appréciation est désormais laissée au minotier.
- Les minoteries ont la possibilité de créer de nouvelles farines (farine ronde issue du blé tendre) pouvant se substituer à la semoule de blé dur. C’est le texte de 1973 qui annonce de manière encore imprécise la possibilité de créer de la farine ronde (circulaire conjointe du 1 août 1988 n°79) ; les arguments avancés dissimulent mal le vrai mobile : créer un peu plus de confusion dans l’esprit du consommateur en rapprochant cette farine du point de vie granulométrique de celle du blé dur. Ainsi tous les dérivés (pâtes, couscous) pourront être fabriqués à partir de cette farine, même si en aval, les utilisateurs reconnaissent eux-mêmes l’impossibilité de produire des pâtes qui, en termes de qualité, puissent se substituer à celles fabriquées à partir de blé dur ; demandez à un italien s’il est prêt à consommer des pâtes à partir de blé tendre !
- De nouvelles marges plus souples, dans la production de cette farine, sont aménagées, notamment le passage en 1988 de 0 pour cent de refus pour le tamis à 0,52 mm d’ouverture à 15 pour cent et pour le tamis de 7 XX le passage de 10 à 25 pour cent.
Nous avions conclu que l’évolution des textes réglementaires arrêtant les critères auxquelles doivent se soumettre les farines allait plus dans le sens des intérêts des industriels.
Aujourd’hui, avec l’ouverture totale du marché marocain, de nouvelles farines sont prévues par la loi. Il s’agit pour la profession de se trouver de nouveaux segments porteurs sur le marché. Tout récemment, le 4 novembre 2020, un arrêté a été publié dans le bulletin officiel. Il prévoit la fabrication de nouvelles farines
- A partir de blé tendre :
- « Farine de blé tendre…, « suivi selon les cas d’un des qualificatifs suivants : Farine Extra, Farine fleur, pâtissière, biscuitière, luxe, viennoiserie, ménagère, boulangère, ronde grosse, ronde fine, ordinaire ou complète ».
- « Farine Nationale de blé tendre »
- « Farine spéciale de blé tendre »
- A partir de blé dur :
- « Farine de blé dur extra, farine de blé dur complète, farine de blé dur ordinaire »
- « Semoule grosse, semoule fine ou finot »
- Pour le son issu de la mouture des grains de blé : « Son de blé »
- Pour le germe issu de la mouture des grains de blé : « germe de blé »
La réglementation prévoit en outre des ingrédients qui peuvent être ajoutés à la farine de blé tendre telles la farine de soja, la farine de légumineuses, farine de malt, gluten vital de blé.
Ces nouvelles dispositions sont surprenantes à plus d’un titre. Les marocains ont-ils une différenciation des besoins telle, qu’elle justifierait cette diversification impressionnante des farines. Qui dans le monde rural peut-il se permettre cette diversité de choix ? Qui dans le monde urbain peut-il également se permettre ce choix varié ? Les riches ? Est-ce une réglementation pour les riches ? Demandons à un commerçant ou un épicier ce qu’il connait des farines ? Encore une fois les rédacteurs des notes de règlementation prouvent à quel point ils sont déconnectés des réalités de leur pays.
Une autre question se pose : Si cette réglementation répond à un besoin, celui des minotiers et des boulangers, quel type de produits, ces acteurs, comptent-ils proposer aux marocains ?
Ce qui est extraordinaire dans cette affaire c’est qu’on semble avoir dépassé même des pays comme la France qui possède seulement 6 farines répertoriées :
- Type 45 : Farine blanche à pâtisserie ou « fleur de farine » destinée à la pâtisserie.
- Type 55 : Farine blanche ordinaire destinée aux pains blancs, pâtes à tarte et pizzas.
- Type 65 : Farine blanche pour pains spéciaux et pizzas.
- Type 80 : Farine bise ou semi-complète pour les pains spéciaux.
- Type 110 : Farine complète pour pains bis et pains complets.
- Type 150 : Farine dite intégrale pour pains au son.
Sommes-nous alors plus développés que la France ? Avec un marché plus diversifié ? Des besoins beaucoup plus variés ?
Je crois que le lecteur aura compris que le consommateur marocain (dans sa totalité !) est le grand oublié de qui se joue dans les hautes sphères de l’administration. C’est triste !
L’inexistence de contre-pouvoirs dans l’élaboration des lois et des textes pose une question qui dépasse l’objet de cet article. Ce questionnement est éminemment politique. C’est toute la question du système politique que nous sommes en train de bâtir, une démocratie à venir, à l’image des grandes démocraties occidentales. Or toute démocratie est basée sur un principe irréfragable : l’existence de contre-pouvoirs. Si au cours du processus de production des textes réglementaires, il n’y a pas de contre-pouvoirs il est à craindre que les textes de loi reflètent uniquement les intérêts des groupes les plus puissants. Dans notre cas, l’absence des associations de consommateurs (et d’autres contre-pouvoirs éventuels) dans les commissions interministérielles qui élaborent les textes, laisse le champ libre à un ajustement des textes compte tenu des seuls intérêts du groupe dominant. Ces contre-pouvoirs doivent être autonomes et indépendants à l’image de la presse dans notre pays qui joue ce rôle fondamental pour l’avenir de notre système politique.
Questions aux responsables et acteurs institutionnels de la filière céréalière
- Pourquoi la fédération nationale de la minoterie ne publie-t-elle pas sur son site internet, les informations destinées à rassurer le consommateur ? le processus de lavage et de nettoyage des blés ? Les mesures prises par les minotiers pour s’assurer d’une farine saine pour le consommateur ? les conditions de stockage ? les types de traitements utilisés ?… En Europe par exemple, seules certaines matières actives sont homologuées pour le traitement des céréales stockées. Au Maroc, qu’est ce qui est homologué et qu’est ce qui ne l’est pas ?
- La loi de la répression de fraudes du 5 Octobre 1984 définitif les conditions de production de la farine de blé tendre (farine dite de luxe). 100 kilogrammes (1 quintal) de blé tendre devrait laisser 68 kg de farine de luxe, 9 kg de farine dite seconde et 21 kg d’issues (son). La farine seconde, en raison de sa faible teneur en gluten, était réservé jusque-là à l’alimentation animale. Aujourd’hui en vertu de ce qu’on appelle la mouture commune, cette farine seconde est-elle mélangée à la farine nationale de blé tendre pour être vendu au consommateur ?
- Que font les services de contrôle sanitaire de la qualité pour éviter qu’il n’y ait une intoxication massive à l’exemple de celle, en France à l’été 1951, de « l’affaire dite du pain maudit » de Pont-Saint-Esprit : intoxication par le dicyandiamide de méthylmercure, un produit contenu dans un fongicide (Panogen) utilisé pour la conservation des grains ayant servi à faire la farine ?
- Pour revenir sur l’autre problème grave des mycotoxines dans les farines, soulevé dans l’article précédent, les minotiers contrôlent-ils le taux d’aflatoxine présent pendant le stockage des grains et après mouture ? Dans la réglementation européenne et celle du Codex alimentarius, les limites maximales résiduelles (LMR) des mycotoxines à ne pas dépasser sont fixées. Les teneurs en mycotoxines pour les denrées alimentaires céréales et oléoprotéagineuses destinées à l’alimentation humaine sont fixées à 2 µg / kg pour l’aflatoxine B1 et à 4 µg / kg pour le total des aflatoxines (B1+B2+G1+G2). Le Maroc a-t-il une réglementation similaire en matière de LMR ? Si oui, les minotiers et boulangers s’y réfèrent-ils ?
- Un des derniers maillons de la filière n’a pas été examiné dans cet article. Ce sont les boulangeries et pâtisseries. Quel est l’état de leur stockage de farine ? Qui le contrôle ? Est-il seulement contrôlé ? Qui peut nous assurer que leur stockage n’est pas défectueux et ne crée pas des aflatoxines au niveau des farines ? Parfois, le pain acheté dans une boulangerie sent la moisissure ? D’où provient-elle ? des conditions de stockage de la minoterie en amont ? des conditions de stockage de la boulangerie en aval ? Les aflatoxines se développent à des températures comprises entre 6 et 50 degrés. Il est peu probable que la cuisson des pains les élimine !
- Amar Hamimaz parlait dans son article de la dégradation progressive de la qualité du pain marocain qui moisit vite et qui laisse des quantités impressionnantes de mie, constituant par là un gâchis pour un pays qui n’est pas encore parvenu à l’autosuffisance. Rien à avoir avec la qualité des pains obtenue dans les années 60 et même 70. Deux causes peuvent être avancées : la quantité d’eau dans la cuisson de la farine qui donne le pain. Les taux d’humidité du pain marocain sont-ils mesurés au niveau des boulangeries ? La seconde cause est au niveau des minotiers. La responsabilité des minoteries s’arrête à la sortie de l’usine. Le contrôle de la farine ne peut se faire là que par sondage. Il faudrait mobiliser des inspecteurs de la qualité, jour et nuit dans la meunerie pour vérifier les taux d’humidité de toutes les farines. Taux d’humidité fixé par la réglementation à 15 pour cent. Ce qui est impossible ! Or on peut arriver (et cela a été constaté et vérifié) à des taux d’humidité sortie usine de 16, 17 et 18 pour cent. A qui attribuer la responsabilité ? Aux commerçants ? ce serait injuste ! c’est donc une véritable fuite devant les responsabilités de la part de professionnels puissants.
- Les minoteries disposent-elles d’un laboratoire qui permet d’analyser la teneur de mycotoxines (aflatoxines notamment) dans les céréales ? la teneur de résidus de pesticides ? Le cas échéant, des échantillons sont-ils transmis au laboratoire officiel d’analyses et de recherches chimiques de Casablanca (LOARC) ? Les minoteries essaient-elles de suivre ces indicateurs pour s’assurer que leurs farines sont saines pour la santé du consommateur marocain ?
- Pourquoi lors du processus de production des textes réglementaires, les associations de consommateurs ne sont-elles pas présentes dans les réunions de la commission interministérielle ? Pourquoi ne sont-elles pas consultées ? Comment se fait-il que la voix du consommateur soit à ce point muselée ?
- Pourquoi les besoins exprimés pour une modification des textes ne proviennent que de l’administration sur demande des acteurs économiques ? Pourquoi les consommateurs, via les associations de consommateurs, ne sont-ils pas impliqués dans tout ce qui concerne le consommateur ?
- Pourquoi les associations de consommateurs n’informent-elles pas et ne sensibilisent-elles pas les consommateurs à ces problèmes ? Pourquoi ce mutisme, ce silence et cette timidité troublante ? Pourquoi ces associations ne sont-elles pas aussi dynamiques que les nombreuses ONG de développement dans notre pays ? Est-ce une question de moyens ? Auquel cas il faut les demander, voire les exiger, car la santé du consommateur marocain est une affaire nationale. Est-ce une question de ressources humaines ? Auquel cas il faudrait faire appel à des personnes qualifiées qui connaissent parfaitement les dossiers à l’image de plusieurs experts séniors, dont une grande partie sont aujourd’hui à la retraite. Il faudrait s’approcher de ces derniers et louer leurs services. Pourquoi faut-il attendre une tribune du consommateur dans le journal Nouvelle Tribune pour que des experts abordent des problèmes qui sont du ressort et entrent dans les compétences des associations de consommateurs ?
Les associations de consommateurs au Maroc sont invisibles. De manière rarissime, il leur arrive de faire une sortie médiatique, à l’image du dernier article paru dans Tel Quel, puis plus rien. Elles retombent ensuite dans une léthargie inexpliquée.
Dans les pays avancés, le mouvement consumériste est puissant. En France, deux revues, « 60 millions de consommateurs » de l’Institut National de la consommation et « Que Choisir ?» de l’Union fédérale des consommateurs font un travail remarquable pour guider les choix des consommateurs, notamment à coup de tests et d’essais comparatifs. Pourquoi, depuis le temps, n’y a-t-il pas une revue des consommateurs marocains en version papier ou sur site électronique destinée à faire la lumière sur les nombreux dossiers polémiques dont nous donnons un modeste aperçu dans cette tribune du consommateur ?
Aux USA, le mouvement consumériste a fait du chemin depuis que l’avocat Ralph Nader a impulsé, dans les années 60, une dynamique incroyable des associations des consommateurs qui représentent aujourd’hui un contre-pouvoir crédible à la toute-puissance de l’industrie capitaliste. A quand un Ralph Nader marocain qui pourra impulser cette dynamique consumériste qui nous manque tant ?
Nous pensons que l’efficacité et le rayonnement des associations de consommateurs doit être porté par des acteurs qui ont le sens de l’abnégation, du sacrifice, qui aiment leurs concitoyens et qui ont le souci de leur santé. « Les actes ne valant que par leurs intentions » ainsi que le déclarait notre bien-aimé Prophète, les objectifs de ces acteurs ne doivent être ni la recherche d’honneurs, ni la convoitise de postes politiques ou de responsabilités. L’association de consommateurs ne doit pas être un tremplin pour réaliser d’autres visées. C’est un dévouement total à la cause du consommateur qui doit être le leur. Nous espérons que ce type d’homme ou/et de femme puisse voir le jour dans notre pays et donner une impulsion nouvelle à la dynamique consumériste. Aux USA, c’est en étant comme cela que Ralph Nader a pu réussir son extraordinaire combat, dans les années 60 !
- Une autre question se pose s’agissant des associations de consommateurs (AC). Pourquoi sont-elles des associations d’hommes ? Ou sont les femmes ? Où est la fameuse parité homme femmes dont tout le monde parle aujourd’hui dans les administration et organisations ? Tout le monde sait que la femme a une sensibilité consumériste plus grande, dans la mesure où elle est davantage en contact avec l’alimentation que l’homme. Pourquoi doit-on toujours voir des hommes parler au nom des AC ? En France, c’est une femme, Anne Gaillard qui, dès 1971, a lancé sur France Inter, une émission quotidienne de défense des consommateurs.
- Le Roi Mohammed VI (qu’Allah le protège et l’assiste) a été le précurseur de la suppression du glyphosate de ses propres cultures agricoles ? La réglementation marocaine l’a-t-elle suivie ? Cet herbicide largement controversé a-t-il été supprimé ? Quel est le rôle du pouvoir législatif marocain ?
- Les blés importés sont-ils soumis à la réglementation du pays exportateur et des normes du Codex alimentarius, en matière de moisissures type aflatoxine et en termes de résidus de pesticides ?
- Le professeur Joël Abecassis que nous avons interrogé explique que plusieurs techniques sont aujourd’hui en cours de développement, dans les pays européens, pour améliorer la conservation des grains tout en évitant l’usage des insecticides : « Celle qui devrait le plus rapidement se développer est la technique de fumigation qui ne laisse aucun résidu mais qui nécessite cependant des silos rendus parfaitement étanches ainsi qu’une main-d’œuvre qualifiée. Alternativement, sont en cours de mise au point des « bio-pesticides » à base de molécules naturelles mais qui devraient être davantage utilisées pour la prévention que pour la décontamination ». Les minoteries marocaines essaient-elles de se mettre à la page et développer ces nouvelles techniques, davantage protectrices de la santé des consommateurs, à l’instar des pays européens ? Qu’on informe le consommateur sur ce qui est réalisé et sur ce qu’on compte réaliser !
- S’agissant du nettoyage des blés, certaines technologies récentes sont développées en Occident. Le Professeur Joë Abecassis explique en quoi consiste ces nouvelles techniques et leur degré d’efficacité : « Parmi les technologies développées récemment, on peut citer le tri optique et le debranning. Le tri optique permet d’éliminer les impuretés constituées par des grains et graines colorés, par exemple les graines noires comme l’ergot ou les grains de blé fusariés souvent contaminés par des mycotoxines (DON). Le « debranning » est une technique de décorticage avant mouture. Beaucoup plus efficace que le brossage, cette technique permet d’enlever les couches les plus périphériques du grain (environ 5 à 8% du grain). C’est dans ces couches les plus périphériques du grain que se concentre la majeure partie des contaminants. C’est donc une technique très efficace pour diminuer significativement la présence des contaminants même s’il n’est pas possible d’enlever ceux présent dans le sillon. Ces techniques sont aujourd’hui largement utilisées, notamment pour le blé dur, pour améliorer la qualité sanitaire des grains avant mouture ». Nous posons donc la question aux minoteries : Ces technologies sont-elles connues ? Sont-elles développées ? Si non, qu’attend-on pour les adopter afin de solutionner ces problèmes des résidus des pesticides consécutifs à l’opération de stockage ?
Ainsi prend fin cet article. Nous formulons l’espoir que les acteurs et responsables interpellés puissent répondre aux questions que se pose le consommateur. Et qu’ils n’adoptent par l’attitude attentiste qui paralyse le développement de ce pays. Il s’agit, comme le rappelle si bien l’expression française connue, de « prendre le taureau par les cornes » et de faire preuve d’une transparence totale face au consommateur et de dire ce qui est fait et de dire ce qui n’est pas encore fait. C’est la moindre des choses. La santé du citoyen consommateur marocain n’a pas de prix. Elle ne se négocie pas et elle n’est pas sacrifiée sur l’autel des intérêts, des gains ou des bénéfices.