Lors des journées dédiées aux «rencontres économiques d’Aix à Paris», les 3, 4 et 5 juillet derniers, un panel a été organisé sur les voies et moyens de transcender les difficultés financières que la crise sanitaire a causées aux entreprises. Et c’est la piste de la mobilisation de l’épargne des ménages, sous des conditions précises, qui a été privilégiée… Mobiliser l’épargne pour investir dans notre avenir est une exigence incontournable pour une sortie de crise rapide ! En effet, le monde vient de vivre la situation d’une économie sous contrainte sanitaire s’accompagnant de déséquilibres financiers dans nombre de pays avec un contraction importante de leurs PIBs qui dépasse les 10% et qui représente des centaines de milliards de pertes comme c’est le cas en France avec 200 milliards d’euros.
Mais c’est l’équilibre financier fondamental entre l’épargne et l’investissement qui a été le plus touché. En effet l’État et les entreprises ont vu leur épargne fondre alors que, globalement, les ménages ont préservé leurs économies. L’épargne des ménages est aujourd’hui partout très élevée après le Covid, elle devient une épargne de masse et de précaution, mais aussi liquide et sans risque, alors que les États sortent de la crise avec des taux d’endettement de loin supérieurs à 100% de leurs PIBs, dont la France à 125% quand l’Allemagne frôle les 100%. Quelle dynamique va-t-elle sortir de ce déséquilibre temporaire et que faire pour que cela débouche sur une reprise économique ?
L’idée proposée porte sur la création d’un fonds dit «Productif» dédié aux entreprises pour combler la baisse de leurs résultats et donc de leur épargne afin de financer leurs investissements sachant que le coût ou risque de ces derniers est lointain donc élevé. L’épargne des ménages, dont une partie se transformera certainement en consommation, restera suffisament élévée à cause du manque de confiance actuel de ces derniers.
C’est pourquoi les canaux de financement des investissements doivent s’adaper. Tout d’abord pour orienter l’épargne vers l’investissement privé et les entreprises, il ne faudrait pas que l’État joue un rôle d’éviction en mobilisant trop d’épargne pour le financement de ses grands projets. Au contraire l’Etat se devra de prendre en charge les coûts des investissements sociaux, du changement climatique et du tournant technologique. Mais, la question actuelle qui s’impose fortement est relative aux prêts garantis par les États et leur avenir. S’ils ont servi aux entreprises pour garder la tête hors de l’eau pendant la crise sanitaire et l’arrêt de l’activité économique, ils resteront un poids pour les entreprises après.
Et donc, les entreprises ne pouvant vivre sous ce couperet, il faudrait développer des prêts participatifs dont les remboursement se feront par leurs bénéfices futurs. Par ailleurs, il s’agirait d’inciter les épargnants et les investisseurs à détenir des actifs risqués, ce qu’ils ont perdu l’habitude de faire. Pour orienter l’épargne accumulée pendant le confinement vers les investissements, il faut les rendre séduisants et attractifs pour les épargants et les différencier des produits classiques. Une réflexion en ce sens est déjà menée par des sociétés de gestion qui ont proposé, lors de ce panel pour la relance, une solution qui se base sur l’orientation de l’épargne des ménages vers le haut bilan des entreprises même si le risque y est plus élevé.
Mais comment les épargnants, qui disposent déjà de différents produits encouragés fiscalement comme le PEA (plan d’épargne actions), ou le PER, (plan d’épargne retraite), vont-ils s’orienter vers des contrats d’épargne de relance avec de nouveaux produits adéquats à la crise actuelle et qui pourraient être très grand public et même se substituer au livret A dont les volumes sont très importants et le rendement est très faible ?
Pour l’orientation de l’épargne vers des investissements longs risqués et destinés au financement des entreprises il faut un accompagnement des États sous forme de garanties surtout pour ceux orientés vers le capital, et ajuster la fiscalité pour attiter les épargnants. Ainsi, il s’agit d’une transformation des industries de gestion collective vers les moyen et long termes avec des garanties pour les sécuriser afin de dépasser les réticences des épargnants et augmenter le rendement de leur investissements. Ce faisant, l’épargne de la peur s’orienterait vers l’investissement de la reconquête !
Car si les entreprises contribent à financer l’État Providence, elles ne bénéficient pas de l’épargne nationale pour financer leurs activités durables par des capitaux propres, elles sont au contraire très endettées. De plus, en impliquant les épargants dans des investissements solidaires, elles peuvent contribuer à l’amélioration de leur propre sort individuel, tout en augmentant le rendement de leur épargne. Et ces nouveaux produits de financement des PME doivent être destinés aux entreprises non cotées, souvent les moins capitalisées. Mais également permettre aux ménages d’avoir accès au risque avec la garantie de l’État.
C’est donc un nouveau visage du capitalisme inclusif surtout si ces investissements vont vers la transition écologique et technologique. Mais, dans le même temps, de nouveaux produits du genre créront une diversification attendue des actions et obligations alors que o les épargnants se sont éloigné de ces marchés et surtout revaloriseront le rendement du capital quand le rendement financier en est dépourvu. Si l’épargne sans risque ne rapporte plus, il faut valoriser l’épargne à risque qui est très bien rémunérée, à des taux compris entre 10% et 20%. Les taux bas ont un effet d’euthanasie sur les produits d’investissements classiques, il faut des produits risqués sur le très long terme avec une rentabilité élevé garantie par l’État, pour qu’ils soient attractifs et intéressants. Car le temps long intégre facilement les fluctuations intermédiaires et ces produits risqués correspondent en même temps à l’investissement du haut bilan des entreprises. In fine, le cycle financier peut être régulé pour protéger les épargnants des contrecoups et des aléas de la conjoncture.
Afifa Dassouli