Julie Nyangui dans son magasin de Libreville, le 8 juin 2019 © AFP SONIA BAKARIC
En bordure de l’océan Atlantique, à quelques kilomètres du luxuriant parc national Raponda Walker, une Gabonaise, Julie Nyangui, fondatrice des chocolats portant son nom, inspecte sa plantation de cacao où des arbres vertigineux dominent une nature verdoyante.
Machette à la main, ses employés appartenant « au peuple de la Forêt des Abeilles » – les Bakotas, peuple autochtone pygmée – s’activent pour débroussailler et vérifier la bonne croissance de ses plants de cacao, mais aussi de citronniers et autres arbres fruitiers dont les récoltes entrent dans la fabrication de ses chocolats.
Considérée au Gabon comme une véritable « pionnière » dans le secteur de la fabrication artisanale de chocolats, Julie, utilise ses propres cueillettes.
Elle décline dans ses chocolats les saveurs fraîches de la cannelle, citron, poivre, fruits rouges de la forêt, banane, café, badames – « l’amande des Tropiques » – ananas, piment, et fabrique aussi des pralines au miel ou au curcuma.
Au Cap Esterias, à une quarantaine de kilomètres de Libreville, au bout d’un long chemin de terre défoncé couleur ocre, elle évoque sa passion pour le chocolat au milieu de sa plantation dans le village de Miondi, où vivent une antilope, un boa et un petit crocodile.
« Avant, je faisais venir du chocolat d’Europe et de France, mais un jour une dame m’a dit pourquoi ne pas faire du chocolat ici? Alors, j’ai commencé à en faire avec des fèves du Gabon », il y a quelques années, confie Julie, la quarantaine, qui se présente comme « autodidacte ».
« J’ai suivi deux formations flash et je me suis améliorée avec le temps. J’invente de nouvelles recettes, c’est une aventure passionnante mais c’est un travail rigoureux et tout doit être parfait », explique-t-elle, fière d’employer aujourd’hui dans sa start-up 18 personnes, majoritairement des femmes.
« On est présents, poursuit-elle, sur toute la chaîne de production et nous vendons un chocolat noir à 80% ».
Un fait rare en Afrique, et particulièrement au Gabon, où la plupart des produits alimentaires sont importés du Cameroun voisin ou d’Europe. Tout comme la transformation des matières premières qui sont souvent exploitées sur le continent mais sont rarement transformées pour parvenir à un produit fini permettant aux populations d’en tirer un profit.
L’ensemble des équipes de Julie, selon elle et son époux français Hervé Ambiehl, « font vivre 30 familles ».
– Fèves croquantes –
Touchant presque maternellement des cabosses de cacao contenant les précieuses fèves fraîches croquantes au goût de kiwi – qui seront torréfiées avant d’être moulues et fondues dans des moules spéciaux -, Julie reconnaît que « cela n’a pas toujours été facile ».
Le terrain bordé d’acacias où est située sa plantation était autrefois utilisé pour la culture du manioc. La plantation est nichée entre les côtes de l’océan Atlantique et la salinité des mangroves de l’estuaire.
Mais après plus de dix ans de travail intense, l’équipe de Julie conduit désormais un véritable projet de plantations de cacao durable.
Son modèle s’inspire du modèle villageois des plantations de sa grand-mère, de la connaissance ancestrale des Bakota, renforcée par un bon sens paysan pragmatique appliquant les nouvelles techniques d’agroforesterie.
Plusieurs variétés de cacao poussent dans sa plantation: Criollo aux arômes intense et complexe, cabosses petites et généreuses en Forastero acidulées, fruitées et riches en beurre de cacao, et Trinitario, mélange robuste issu de ces deux variétés.
– « C’est gabonais » –
Pour pénétrer dans une des ses boutiques à Libreville, où une odeur de chocolat flotte agréablement dans l’air, il faut sonner.
Sortant de taxis rouge et blanc, de nombreux clients se pressent pour choisir des chocolats alignés vendus à des prix abordables.
« On vient ici parce que c’est gabonais, c’est une fierté pour nous d’avoir des chocolats fabriqués avec des produits locaux », explique une cliente, Coumba Djamila, 40 ans, entrepreneuse.
« Il y a, selon elle, quelque chose de différent dans tous ces chocolats, Julie y met une touche spéciale ».
Vêtue d’un tablier noir et cheveux enveloppés dans un foulard noir, Julie, récompensée notamment d’un prix à Pérouse (Italie) en 2015 pour ses ganaches et tablettes de chocolat noir, s’active autour de ses gelées au citron et fruits rouges de la forêt, car « il faut aussi diversifier la production ».
Mais le chocolat, assure-t-elle, « j’en mange tous les jours ». « Ça remonte le moral » dans un pays miné par la crise économique.
LNT avec AFP