Petit à petit, semble-t-il, la normalité reprend ses droits à Al Hoceima et Imzouren, affectées depuis de longs mois par des mouvements de contestation populaire.
La première expression de ce retour au calme est bien évidemment l’annonce par le nouveau gouverneur de la ville du retrait des forces de maintien de l’ordre des points névralgiques dans les deux agglomérations.
Cette mesure d’apaisement, prise sur instructions royales, confortera tous ceux qui avaient salué l’énergique admonestation du Souverain adressée aux membres du gouvernement lors du Conseil des ministres tenu à Casablanca au dernier jour du mois de Ramadan, le 25 juin.
Qui veut, peut !
Avec la fin de la présence policière massive, les habitants de la région ont compris que les paroles royales étaient rapidement suivies d’effets, ce qui contribuera fortement donc à désamorcer la tension.
Second signe de cette volonté de normalité, le branle-bas de combat gouvernemental, traduit d’abord par la prestation télévisée du Dr El Othmani, sans doute plus à l’aise devant une assemblée de oulémas que devant des journalistes, même si ceux-ci n’avaient guère envie de le malmener.
L’opinion publique a ainsi compris que désormais la transparence et une certaine méthodologie de communication seraient de mise, même s’il faudra de nombreux exercices du genre pour que la crédibilité accompagne ce type de démarche.
Troisième témoin d’un retour à la normale, l’activisme gouvernemental, marqué notamment par le séjour dans la région d’Al Hoceima du Ministre Aziz Akhannouch, qui est apparu, non seulement en tant que responsable du Département de l’Agriculture et de la Pêche maritime, aux moyens d’action réels donc, mais aussi, quasiment, en « missus dominicus » royal.
Il est vrai que sa proximité avec le Roi Mohammed VI a conféré à sa présence et à ses initiatives un caractère particulièrement probant et convaincant, M. Akhannouch se prêtant même à l’exercice des déplacements avec une escorte réduite pour aller nuitamment discuter avec les jeunes d’Al Hoceima.
Autre marqueur de cette débauche d’actions gouvernementales, le séjour fort médiatisé de M. Mohamed Sajid notamment accompagné de la Secrétaire d’Etat, Mme Lamiae Boutaleb et du DG de l’ONMT, M. Abderrafie Zouiten.
Les pouvoirs publics veulent (et vont) mettre le paquet pour « sauver » la saison estivale dans cette région, sachant que l’une des rares activités pérennes d’Al Hoceima (et avouable de surcroît) est liée à la fréquentation touristique.
27 millions de dirhams seront mis dans l’escarcelle des Hoceimis, tandis que RAM renforcera sérieusement ses fréquences sur la ville, avec une tarification spécialement basse, et que l’ONMT, de concert avec les opérateurs, s’emploiera à proposer des packages attractifs et à des prix avantageux.
Tout ceci prouve d’ailleurs que les pouvoirs publics sont capables du meilleur quand le pire est trop souvent la seule option choisie !
Et l’équipe d’El Othmani, tancée par le Souverain, nous donne la preuve de la pertinence de l’adage « qui veut, peut » !
Fuite ou manipulation ?
Enfin, dernier (et paradoxal) signal d’une normalisation en cours, l’affaire des fuites du pré-rapport du CNDH sur les accusations de torture portées par plusieurs détenus proches de Hirak à l’encontre de certains services de police, notamment à Al Hoceima.
On a le sentiment très net en effet que cette « fuite » a été soigneusement organisée, bien orchestrée, adressée à des organes de presse bien précis, comme s’il s’agissait de mettre la DGSN en situation de culpabilité avant que ne soit annoncé le retrait des forces de sécurité publique présentes en nombre à Al Hoceima.
Bel effet du hasard que d’obtenir ce départ, qui permet, d’ailleurs, de clore la polémique sur « la militarisation de la région », quelques heures à peine après les révélations largement médiatisées d’extraits partiels d’un rapport destiné à « usage interne »…
Et belle réactivité à la fois du CNDH, (source de la fuite ?), de la DGSN qui s’est empressée de démentir, mais aussi du Ministère de la Justice annonçant que la mouture définitive de ce rapport du Conseil National des Droits de l’Homme a été transmise aux autorités judiciaires compétentes, pour leur prise en considération par les juges en charge des dossiers de ces plaignants-détenus.
Cette concomitance heureuse ne pourra que conforter dans leur conviction tous ceux qui estiment que la tension a commencé sa lente mais réelle décrue dès l’intervention royale et que les choses iront progressivement en s’améliorant, mais avec deux précisions d’importance.
La première, c’est que l’on s’achemine sans doute vers des mesures de clémence à l’endroit des jeunes qui ont été condamnés à des peines de prison lors des premiers procès, à Al Hoceima même.
Par contre, tout semble indiquer, comme pressenti déjà dans ses colonnes, que les organisateurs et animateurs du Hirak auront bel et bien à répondre de leurs actes devant la justice casablancaise.
La seconde précision, qui vaut sans doute reconnaissance tardive, est celle des graves dérapages médiatiques qui ont accompagné la turbulence d’Al Hoceima.
La manipulation, notamment par le bais des réseaux sociaux, la fabrication de « fake news », notamment par des soutiens de Hirak, à l’extérieur et à l’intérieur du pays, ont atteint des sommets jusque-là inégalés, donnant à croire à l’opinion publique nationale et à plusieurs médias étrangers que le Rif, voir le tout Nord du Maroc, étaient au bord de l’explosion sociale ou, pire encore, de la révolution, en un remake réussi du #Feb 20 !
L’agitation qui a secoué Al Hoceima et Imzouren, principalement, n’a en fait, concerné que quelques milliers de personnes, bien encadrées et motivées. Mais, la colère et la grogne étaient circonscrites, géographiquement et numériquement.
Sinon, comment expliquer que Nador, autrement grande et peuplée, elle-même assaillie par des maux similaires, ne se soit pas portée aux côtés d’Al Hoceima ?
Fahd YATA