Mardi 9 mai dernier, Casablanca Finance City Authority a organisé pour les entreprises ayant le statut CFC, conjointement avec son partenaire et homologue Luxembourg For Finance, une conférence dédiée aux enjeux, opportunités et défis de la révolution FinTech au Maroc et en Afrique.
Pour rappel, les Fintechs sont des start-ups nées à l’ère digitale qui utilisent la technologie pour transformer les services financiers et bancaires classiques. Paiement et bancarisation mobile, épargne, prêts, les Fintechs interviennent dans tous les domaines à travers des produits innovants et dématérialisés. La digitalisation accélérée de l’économie mondiale a favorisé l’émergence de ces nouveaux acteurs qui concurrencent et imposent le changement aux secteurs traditionnels comme la banque tout en répondant à des usages et des besoins d’une clientèle nouvelle.
A titre d’exemple, en 2016 le montant des investissements FinTechs a atteint 24,7 Milliards de dollars sur un ensemble de 1076 deals alors que de 2010 à 2016, le montant cumulé des investissements FinTechs à travers le monde était de 132 Milliards de dollars.
Jean-Jacques Le Bon, Partner & co-fondateur de B-Part Consulting, explique le succès fulgurant des Fintechs par une citation attribuée à Bill Gates : « Banking is necessary, but banks are not ». Pour lui, les Fintechs « ubérisent » les business models de l’industrie financière et ont bénéficié pour cela de deux facteurs forts : d’une part la baisse du coût de la technologie et d’autre part la crise financière mondiale de 2008.
En réalité, les Fintechs n’ont rien inventé, elles ont copié le secteur bancaire mais elles y ont ajouté deux vecteurs, la spécialisation (épargne, investissement, paiement en ligne, crédit…) et l’adaptation profonde et continue aux nouveaux usages de consommation des internautes.
Il tempère néanmoins : si le succès des Fintechs a permis à certaines de devenir des géants, elles font face à des risques importants liés à leur jeunesse et aux besoins de leur croissance. D’autant que la réglementation, même dans les pays les plus avancés dans ce domaine, peine à anticiper et se contente d’accompagner les besoins du marché avec plus ou moins de diligence.
Les Fintechs une menace pour les banques ?
La nature même de l’activité des Fintechs présage d’une compétition frontale avec les banques. La technologie et la connectivité, au cœur du dispositif proposé par les Fintechs, intègrent également de fait des acteurs de taille à la bataille que sont les TelCo.
Mais, les stratégies ne sont pas toutes cloisonnées et de nombreuses banques collaborent déjà avec des Fintechs quand elles n’ont pas pris carrément le parti de créer leur propre structure. Pierre-Antoine Balu, Partner PwC, résume le contexte avec la formule « It’s all about unbundling the banks! ». Le Maroc connait d’ailleurs depuis quelques années ce phénomène à travers la success story de WafaCash, première Fintech marocaine et pourtant filiale d’un des plus grands groupes bancaires marocains.
Pierre-Antoine Balu, a présenté les conclusions du « Global FinTech Survey 2017 » de PwC duquel ressort que 56% des institutions financières consultées pour cette étude indiquent adopter la nature disruptive des Fintech au cœur de leur stratégie de développement. Les sondés indiquent également à 82% prévoir une croissance des partenariats avec les Fintech dans les 3 à 5 années à venir.
Et l’Afrique dans tout cela ?
L’Afrique est un marché quasi-vierge offrant un énorme potentiel à la fois de développement et d’expérimentation pour les Fintechs. Ainsi, comme le précise Mme Samira Khamlichi, Directrice générale de WafaCash, certains pays vont passer rapidement de la non-bancarisation à une inclusion financière facilitée grâce à l’apport de la technologie. Reste néanmoins à éviter l’écueil du « plug & play » qui voudrait que les expériences réussies de certains pays s’imposent également dans d’autres pays. Les comportements socio-économiques différent d’un pays à l’autre et il n’existe pas de recette magique à transposer.
Selon l’étude de PwC, les tendances technologiques Fintech à suivre en Afrique sont principalement les solutions de paiement, les transferts de fonds, les micro-prêts, le crowdfunding et le blockchain, cette technologie révolutionnaire qui permet notamment de sécuriser la transformation des marchés et acteurs financiers.
Les régulateurs marocains Bank-Al-Maghrib et l’AMMC, respectivement représentés par Mme Asmaa Bennani, Directrice en charge de la Surveillance des systèmes et moyens de paiement et de l’inclusion financière et M. Hicham Elalamy, Directeur, étaient également conviés à cette conférence pour partager leur vision des enjeux de cette révolution.
Leur apport au débat a permis d’insister sur la nécessité d’un cadre juridique pour accompagner le développement des Fintechs au Maroc et en Afrique en faisant preuve de flexibilité et de réactivité face à des évolutions continues de ce marché et en s’appuyant sur les expériences réussies et la coopération entre régulateurs.
C’est d’ailleurs la conclusion sur laquelle tous les acteurs présents semblent s’accorder, plus qu’une confrontation, c’est une « coopétition » qu’il faut mettre en place entre les acteurs traditionnels de l’industrie financière et les Fintechs. Un fin et nécessaire équilibre à construire.
Zouhair Yata