
Comme de coutume chaque année, la Trésorerie générale du Royaume, TGR, a tenu, vendredi et samedi derniers à Rabat, son colloque annuel en partenariat avec la Fondation internationale des Finances publiques, FONDAFIP, le ministère de l’Économie et des Finances, en présence d’éminents spécialistes des finances publique, nationaux et étrangers et de nombreuses personnalités.
C’est une assistance attentive qui a écouté les successives interventions des panélistes sur une thématique dont l’intérêt, l’actualité et l’importance n’échappera à personne, « Finances publiques et Souveraineté des Etats ».
Ce colloque a permis, entre autres d’analyser les composantes d’une problématique axée sur les multiples facteurs, décisions, causalités et pressions que subit l’Etat du fait des grandes mutations entraînées par la mondialisation et de libéralisation des économies et des échanges.
Quel peut et être donc la réaction de l’Etat dans ce nouveau contexte, notamment à travers la mise en place de sa politique économique et les déclinaisons de sa politique de finances publiques, fiscale et monétaire.
Au programme de cet événement qui s’étalait sur deux jours, trois panels : « Souveraineté financière : Quelle réalité ? », « Souveraineté budgétaire : Quel devenir ? » et « Finances publiques et souveraineté des Etats : Quels enjeux pour demain ? ».
Des interventions et débats, d’une richesse impressionnante, on retiendra notamment le rapport introductif de M. Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, qui a notamment a mis l’accent sur la souveraineté budgétaire de l’Etat, laquelle s’exprime à travers la politique budgétaire qui constitue, avec la politique monétaire, l’un des principaux leviers de la politique économique dont dispose l’État pour influer sur la conjoncture économique.
A ce titre, a estimé le Trésorier général, l’Etat peut par exemple compenser une diminution ou un ralentissement de la demande par une augmentation des dépenses publiques.
M. Bensouda a fait savoir que les principaux instruments budgétaires de l’Etat sont les dépenses, notamment les transferts et les subventions, les impôts, les incitations et les exonérations fiscales, ainsi que l’emprunt devenu nécessaire pour combler l’écart entre les recettes et les dépenses.
Le Trésorier général du Royaume a également mis l’accent sur la souveraineté monétaire des Etats dont les prérogatives sont de battre monnaie, de fixer les taux d’intérêt, de déterminer la masse monétaire en circulation et le cours de la devise ou le taux de change.
La politique monétaire représente l’ensemble des moyens dont disposent les Etats à travers les banques centrales pour agir sur l’activité économique par l’intermédiaire de l’offre monétaire, en fixant les conditions de financement de l’économie, a-t-il encore énoncé.
Pour M. Boussaid, dont l’allocution d’ouverture a été lue par M. Noureddine Bensouda, le colloque a été l’occasion d’appeler les entreprises du secteur privé à faire preuve davantage de civisme fiscal, pour éviter un déséquilibre du budget de l’Etat et un endettement public élevé.
Le ministre de l’Économie et des Finances a souligné que « les entreprises du secteur privé doivent faire preuve davantage de civisme fiscal, car un budget de l’Etat déséquilibré et un niveau d’endettement public élevé se répercutent tôt ou tard sur la qualité des infrastructures et des services publics, sur les délais de paiement, et se traduisent, in fine, par l’augmentation des taux d’imposition ou par la création de nouveaux impôts et taxes ».
Il a également noté que le budget de l’Etat « doit être moins dépendant des recettes à caractère exceptionnel, tels les dons des pays du Golfe, les fonds de concours et la privatisation ».
« L’Etat doit procéder à l’évaluation des politiques publiques et inscrire les finances publiques dans une vision de long terme, loin des contingences de court terme liées à la conjoncture économique et financière », a dit M. Boussaid.
Par ailleurs, l’équilibre des finances de l’État « ne doit plus être du seul ressort du ministère des finances », a-t-il relevé, précisant que l’ensemble des départements ministériels, ainsi que les établissements et entreprises publics dont ils assurent la tutelle, « doivent concourir pour assurer la viabilité des finances publiques ».
Et d’expliquer que la Constitution a été explicite à ce titre, puisqu’elle a responsabilisé le parlement et le gouvernement sur la nécessité de veiller à la préservation de l’équilibre des finances de l’Etat.
M. Boussaid a aussi rappelé qu’au Maroc, d’importantes mesures ont été prises pour faire face au dérapage constaté au niveau des finances de l’Etat, suite à l’impact de la crise financière de 2008 et à la hausse du prix du pétrole.
Il s’est agi, selon lui, de l’adoption d’une nouvelle loi organique relative à la loi de finances devant mieux encadrer les finances de l’Etat, de la décompensation des prix des produits pétroliers qui a permis de dégager des espaces budgétaires substantiels, de l’assainissement de manière progressive de la situation des crédits de TVA, de la réforme des retraites d’un meilleur encadrement des délais de paiement pour rétablir la confiance entre acteurs économiques et améliorer la trésorerie des entreprises.
Pour sa part, M. Bouvier Michel, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, président de l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP), Directeur de la Revue Française de Finances publiques, a souligné que les finances publiques, qui sont à la fois économiques, juridiques, sociologiques et voire aussi philosophiques, sont en ligne avec les mutations des sociétés.
« L’histoire a montré d’ailleurs à plusieurs reprises que les finances publiques devraient jouer un rôle majeur dans le déclenchement des transformations en profondeur que connait les Etats (…). Elles sont très étroitement imbriquées avec le pouvoir politique, et à la source d’une dynamique de la construction et du développement de la souveraineté des Etats », devait conclure le professeur Bouvier.
Afifa Dassouli