Des soldats yéménites loyaux aux rebelles Houthis, le 16 octobre 2018 dans la capitale Sanaa © AFP/Archives MOHAMMED HUWAIS
Cinq ans après la création d’une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen, les rebelles Houthis sont en position de force, gagnant du terrain face aux forces gouvernementales tout en résistant à la force de frappe de Ryad et ses alliés.
Soutenus par l’Iran, les insurgés ont mené en 2019 des attaques sur des cibles stratégiques dans le pays en guerre et en Arabie saoudite, notamment grâce à des drones sophistiqués pouvant parcourir des centaines de kilomètres.
Les Saoudiens ont dû pour leur part composer avec des dissensions au sein du camp antirebelles, qui ont provoqué des affrontements dans le sud entre la force « Cordon de sécurité », entraînée par les Emirats arabes unis, et les troupes du gouvernement, soutenues par Ryad.
Et, en juillet 2019, les Emirats, principal partenaire de Ryad dans la coalition, ont annoncé diminuer leur présence au Yémen.
Alors que le pays semble pour l’instant –selon les chiffres officiels– épargné par l’épidémie de Covid-19, les belligérants s’apprêtent à entamer une sixième année de guerre, dont les civils pourraient payer le prix fort.
Qui sont les Houthis ?
Ces combattants tribaux appartiennent à la minorité zaïdite, une branche de l’islam chiite, qui représente un tiers de la population du Yémen, pays par ailleurs majoritairement sunnite.
Les Houthis, basés dans le nord du Yémen, se sont soulevés dans les années 1990 contre ce qu’ils considéraient comme des discriminations de la part du pouvoir. Leur appellation vient du nom de leur fondateur Badreddine al-Houthi et de son fils Hussein, tous deux tués par les forces gouvernementales en 2004.
Entre 2004 et 2010, le groupe mène six guerres contre le gouvernement de l’époque et affronte l’Arabie saoudite sur son propre territoire en 2009-2010.
Après avoir participé à la chute en 2012 du président yéménite Ali Abdallah Saleh –qu’ils finissent par tuer en 2017 après avoir formé une alliance vite caduque avec lui–, les Houthis sont écartés du pouvoir par son successeur Abd Rabbo Mansour Hadi.
Ils entament alors une offensive contre le gouvernement en 2014 et entrent en septembre de la capitale Sanaa. Le 26 mars 2015, la coalition menée par Ryad lance ses premiers raids aériens contre les Houthis.
Qui les arme ?
Les Houthis possèdent des chars et des missiles balistiques saisis dans les dépôts de l’armée yéménite.
Ils affirment aussi développer leurs propres armes. L’année dernière, ils ont montré au moins 15 drones et divers missiles, y compris des modèles à longue portée qui, selon eux, peuvent atteindre des cibles à 1.500 kilomètres de distance.
En septembre 2019, les Houthis ont revendiqué des frappes sans précédent contre des installations pétrolières du géant pétrolier saoudien Aramco, mais Ryad et Washington ont blâmé Téhéran, affirmant que les rebelles n’en avaient pas la capacité.
Ryad et Washinton assurent que l’Iran arme les Houthis, ce que dément Téhéran sans nier leur apporter un soutien politique.
A quoi s’attendre désormais ?
Après avoir causé de lourdes pertes civiles –qui ont suscité l’indignation de l’ONU et d’ONG évoquant d’éventuels crimes de guerre–, Ryad semble observer une certaine retenue dans le conflit.
Les forces gouvernementales yéménites ont de leur côté été fortement affaiblies par la forte baisse des frappes aériennes de la coalition et la réduction des forces émiraties, selon un rapport du think-tank Washington Institute.
Cela « a réduit la pression militaire sur les Houthis », estime-t-il.
Les divisions dans le camp anti-Houthis, notamment dans le sud, ont également renforcé les insurgés.
Ils ont ainsi pu reprendre l’initiative sur le front –avec l’aide de conseillers de la milice chiite libanaise Hezbollah–, augmenter l’utilisation des tirs de précision de roquettes et de drones, et « consolider leurs nouveaux gains territoriaux par des champs de mines tactiques », selon le Washington Institute.
Sous couvert de l’anonymat, un responsable militaire du gouvernement yéménite a reconnu auprès de l’AFP que les rebelles « sont devenus plus forts que jamais ».
Les Houthis ont pris début mars le contrôle d’Al-Hazm, capitale de la province d’Al-Jawf, à l’est de Sanaa. Et le gouvernement pourrait bientôt perdre son dernier bastion dans le nord, la ville de Marib, limitrophe d’Al-Jawf, estime l’International Crisis Group.
« La carte politique du Yémen est appelée à changer de façon spectaculaire », résume ce centre de réflexion.
LNT avec Afp