Alors que la formation du gouvernement El Othmani 2 se précise, marquée notamment par l’annonce du Parti du Progrès et du Socialisme de ne pas en faire partie, les observateurs et même certains acteurs de la scène politique s’interrogent fortement sur la méthodologie et les objectifs prioritaires qui se posent aujourd’hui au niveau institutionnel.
En effet, il est loisible de constater, dès à présent, qu’un réel goulot d’étranglement s’est formé au niveau des actions et réformes prioritaires à mener.
Ainsi, sur la question d’une structure, composée d’esprits brillants, destinée à réfléchir sur le nouveau modèle de développement, le flou le plus opaque règne alors que trois mois se sont écoulés depuis l’annonce de sa mise sur pied par le Souverain.
Le flou
Pourquoi cette latence et dans quel but ?
De plus, personne ne sait quel sera l’horizon de réflexion de ces «super boys and girls». S’agira-t-il de plancher sur ce nouveau modèle pour une application proche, avant même la fin du mandat gouvernemental, pour la prochaine législature après les législatives de 2021, ou pour une plus longue échéance encore ?
Par ailleurs, rien n’a filtré sur la méthodologie de ce groupe d’experts.
Devront-ils reprendre à zéro une réflexion approfondie sur l’état du Royaume, en dresser un bilan exhaustif, ce qui, immanquablement prendra du temps, ou bien s’appuieront-ils bien intelligemment sur « le bilan du cinquantenaire », vieux, il est vrai de quelques années, mais qui constitue un ensemble de données, de constats et de préconisations qui sont toujours d’actualité ?
Nonobstant le fait que la constitution de cette commission royale interviendra dans un maelström constitué par la rentrée parlementaire, l’arrivée aux affaires d’un nouveau gouvernement et la présentation du projet de Loi de Finances 2020, certains s’interrogent sur l’ordre des priorités qui devrait être clairement défini.
En effet, il est particulièrement évident que les grandes manœuvres qui s’annoncent préparent indéniablement la prochaine législature et les élections législatives.
Mais n’est-on pas dans le cas de figure qui énonce que les mêmes causes produisent les mêmes effets ?
Avec le constat clair qu’une grande partie de la classe politique n’est pas en ordre de bataille et que l’écrasante majorité des partis politiques est dans un état de faiblesse avérée, rien n’interdit de penser que le prochain vainqueur des élections législatives sera, encore, le PJD !
En effet, malgré des dissensions apparentes et destinées à amuser la galerie, nul doute que Messieurs El Othmani et Benkirane poursuivent le même objectif, celui de permettre à leur formation politique de continuer à diriger l’Exécutif.
Le moment venu, lorsqu’il s’agira d’aller vers ce but, les querelles intestines cesseront au nom de l’application du principe (marxiste) de la contradiction principale qui prime sur la contradiction secondaire.
En ordre dispersé
Face à cette force bien organisée, disciplinée, dynamique et active dans les couches populaires, se trouvent éparpillés, des partis qui n’ont pas l’envie et, sans doute, les moyens, de constituer une alternative intéressante pour les électeurs.
Ainsi, hormis sans doute le parti de l’Istiqlal qui présente « de beaux restes » tout en manquant de punch et en refusant d’enlever son étiquette de formation conservatrice, l’état de la plupart des autres formations ne laisse pas d’inquiéter.
Le PAM, par exemple, n’existe plus que de façon formelle et insignifiante alors que ses chefs s’entretuent, que ses parlementaires sont peu actifs dans l’enceinte législative et qu’il n’existe pas en son sein de personnalité capable de redresser la barre.
Pour beaucoup donc, le seul avenir du PAM réside dans son autodissolution et le plus vite serait le mieux.
Dans ce panorama politicien, il ne fait nul doute que le RNI présente la meilleure figure, dirigé par un homme qui affiche clairement l’ambition de la formation qui est sienne.
Le RNI, en effet, a incontestablement réussi son aggiornamento grâce à la volonté et le dynamisme de Aziz Akhannouch.
Mais cela sera-t-il suffisant pour obtenir la première place dans la course électorale ? La jeunesse, l’intelligentsia, les classes moyennes suivront-elles cette formation le moment venu ?
Il est clair que le RNI pourra réussir un réel come-back, surtout si le PAM venait à se faire hara kiri, mais cela ne serait pas suffisant pour damer le pion aux islamistes rétrogrades.
L’union, à tout prix !
Le centre libéral et moderniste, matérialisé par la formation de M. Akhannouch, aurait besoin pour affirmer sa capacité à diriger la prochaine coalition majoritaire de l’apport et l’appui d’un front progressiste qui aujourd’hui fait cruellement défaut.
Cela pourrait peut-être se faire si l’on parvenait à comprendre quelles sont les urgences de l’heure pour ces formations éparses et désorganisées.
Lors des années cruciales du règne précédent, l’union des forces politiques composant l’arc patriotique et progressiste avait été une condition essentielle de l’alternance consensuelle et cela a permis, notamment au PPS, de siéger pratiquement sans interruption dans les diverses moutures gouvernementales depuis 1997-1998 !
La Koutla démocratique composée du PI, de l’USFP, du PPS et de l’OADP, a été un acteur majeur et incontournable de la vie politique pendant plusieurs années et ce type d’alliance fait cruellement défaut aujourd’hui.
Une nouvelle mouture de ce genre, comportant également les formations de «la nouvelle gauche» pourrait appuyer efficacement les efforts du RNI et de ceux qui refusent totalement de voir un PJD rempiler pour la troisième fois consécutive à la tête de l’Exécutif.
Mais encore faudrait-il que les principaux animateurs de la vie politique en comprennent l’intérêt et que ces formations soient enfin dirigées par des hommes (ou des femmes) dotées d’une colonne vertébrale (…), inspirés par la volonté de servir le peuple et le pays et non leurs propres ambitions, rétifs également aux alliances contre nature !
Incontestablement donc, l’heure n’est pas à l’inaction et l’attente, car le temps presse et l’éventualité, la probabilité d’une nouvelle victoire de la frange politique nationale la plus rétrograde, la plus réactionnaire, aux prochaines échéances électorales sont plus fortes que jamais.
Et c’est aux progressistes, aux modernistes, aux milieux éclairés, à la jeunesse qui se désole devant la condamnation de la journaliste Hajar Raïssouni, (qui n’a pas bénéficié du soutien du PJD, mais des « laïcs »), de comprendre que le moment est venu de renouer avec la mobilisation, le militantisme, l’union de toutes les forces de progrès débarrassées des arrivistes et des opportunistes !
Ce front, cette nouvelle Koutla seraient fort utiles pour permettre la victoire du camp de la modernité le moment venu.
Fahd YATA
NOTA : La non-participation du PPS au prochain gouvernement mérite amplement une bonne analyse. Ce sera fait très bientôt…