Le chef de file de l'opposition vénézuélienne Juan Guaido lors d'une conférence de presse, le 1er décembre 2019 à Caracas © AFP YURI CORTEZ
Des soupçons de corruption pèsent sur des députés proches de Juan Guaido, affaiblissant encore un peu plus la stratégie du chef de file de l’opposition vénézuélienne pour évincer le président socialiste Nicolas Maduro.
Dans une enquête publiée dimanche, le site d’information vénézuélien Armando.info affirme que neuf députés d’opposition, soutiens de Juan Guaido, sont intervenus en faveur d’un chef d’entreprise colombien, Carlos Lizcano.
M. Lizcano est lié au programme Clap, mis en place par le gouvernement de Nicolas Maduro pour fournir de la nourriture à des prix très bas aux plus nécessiteux.
Il serait, selon Armando.info, au service de deux autres entrepreneurs colombiens, Alex Saab et Alvaro Pulido, visés par des sanctions américaines pour avoir surfacturé des importations de denrées destinées à Clap.
La justice américaine accuse les deux hommes d’avoir blanchi de l’argent provenant de Clap.
Selon l’enquête d’Armando.info, les députés d’opposition mis en cause auraient pris contact avec les autorités colombiennes et américaines pour leur demander qu’elles se montrent « indulgentes » envers Carlos Lizcano, affirmant que ce dernier n’avait rien à voir avec les affaires illégales d’Alex Saab et Alvaro Pulido.
« Je ne permettrai pas que la corruption mette en péril tout ce que nous avons sacrifié », a réagi Juan Guaido sur Twitter. « La corruption ne peut pas être tolérée », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, annonçant une commission d’enquête parlementaire.
Mais ces soupçons à l’encontre de députés voués à sa cause portent un nouveau coup à sa stratégie.
C’est en vertu de sa fonction de président du Parlement unicaméral, où l’opposition a la majorité, que Juan Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier. Il estime que la présidentielle de 2018 qui a permis à Nicolas Maduro de se maintenir au pouvoir a été entachée de fraudes.
Reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, Juan Guaido dit depuis le mois de janvier utiliser « tous les moyens » pour arriver à ses fins.
En avril, il a ainsi appelé en vain au soulèvement de l’armée, mais l’état-major est resté loyal à Nicolas Maduro. Et ce dernier jouit du soutien de Cuba, de la Russie et de la Chine.
Les manifestations anti-Maduro – l’un des leviers que Juan Guaido utilisait le plus pour faire pression sur le pouvoir – se sont essoufflées. Son dernier grand appel à défiler le 16 novembre n’a réuni que quelques milliers de personnes à Caracas, alors que les manifestations du début d’année drainaient des dizaines de milliers de Vénézuéliens.
-« Prostituées et alcools »-
Et les soupçons de corruption portés par Armando.info ne sont pas les seuls à toucher son entourage.
Vendredi, l’opposant avait limogé Humberto Calderon Berti, son représentant diplomatique en Colombie, pays qui reconnaît Juan Guaido comme président par intérim.
Dans la foulée, M. Calderon Berti a accusé des envoyés de Juan Guaido d’avoir utilisé de manière indue des fonds destinés à aider 148 soldats vénézuéliens qui avaient déserté en Colombie en février.
« Les autorités colombiennes m’ont alerté et m’ont montré des documents où il était question de prostituées, d’alcools, d’un tas d’abus », a déclaré M. Calderon Berti à la presse, sans accuser nommément personne. Il a aussi exonéré Juan Guaido de toute malversation.
Samedi soir, le député d’opposition Freddy Superlano, dans une lettre à Juan Guaido, a annoncé sa démission de la présidence de la commission d’enquête sur les affaires financières de l’Assemblée pour « faciliter l’enquête ».
Parallèlement, les principaux partis d’opposition, Primero Justicia et Voluntad Popular, le parti de Juan Guaido, ont exclu des commissions auxquels ils appartenaient au Parlement cinq députés, dont les noms apparaissaient dans l’article d’Armando.info.
Mais ces soupçons de scandale égratignent l’image de Juan Guaido, dont l’un des chevaux de bataille est la « lutte contre la corruption du régime ».
« Il est encore tôt pour évaluer l’impact » de ces révélations, estime Felix Seijas, directeur du cabinet de sondages Delphos. « Mais plus Guaido s’affaiblit dans l’opinion publique, plus il est susceptible d’être attaqué ».
Le 5 janvier, son mandat à la tête du Parlement arrive à échéance. Or, c’est en se prévalant de ce titre qu’il s’était proclamé président par intérim.
Bien qu’existe un certain consensus au Parlement pour qu’il soit maintenu dans ses fonctions, certains groupes minoritaires critiquent ouvertement sa stratégie pour évincer Nicolas Maduro. D’autres ont engagé des négociations avec le chef de l’Etat.
LNT avec Afp