Le président vénézuélien Nicolas Maduro et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara le 6 octobre 2017 © AFP/Archives ADEM ALTAN
Après des mois de manifestations quotidiennes au Venezuela, émaillées de graves violences, suivies d’un calme plat, gouvernement et opposition s’affrontent dimanche lors de l’élection des gouverneurs régionaux, un probable tournant dans la crise qui ronge ce pays pétrolier.
Le camp du président Nicolas Maduro détient 20 des 23 Etats au Venezuela, les trois gouverneurs restants étant membres de la coalition d’opposition « Table pour l’unité démocratique » (MUD) majoritaire au Parlement. Leur mandat est de quatre ans.
Plombé par un taux d’impopularité record, 80% des Vénézuéliens rejetant son action, le chef de l’Etat cherche à retrouver un peu d’air, tant au Venezuela qu’à l’extérieur.
Pour lui, ce scrutin aura donc valeur de consécration pour l’Assemblée constituante, désignée fin juillet et décriée par l’opposition et une grande partie de la communauté internationale.
– Soumission ou destitution –
Le président vénézuélien a d’ores et déjà prévenu que les futurs gouverneurs élus devront « prêter serment et se soumettre » à l’Assemblée constituante, faute de quoi, ils seront destitués.
« Tous ceux qui iront voter manifesteront leur soutien à la Constituante, qui est celle qui convoque » les élections, a déclaré M. Maduro à quelques jours du vote de dimanche.
Outre le gouvernement, l’opposition fait aussi face au découragement de ses partisans: les manifestations quasi-quotidiennes d’avril à juillet pour exiger le départ du chef de l’Etat, faisant 125 morts, n’ont débouché sur rien.
Après avoir boycotté l’élection des membres de l’Assemblée constituante, les anti-Maduro ont revu leur stratégie et appellent la population à voter pour « libérer le pays de la dictature de Maduro », selon un des leader de l’opposition, Henrique Capriles.
Gouverneur sortant de l’Etat de Miranda (nord) mais déclaré inéligible, il ne peut pas se représenter, tout comme un autre opposant-phare, Leopoldo Lopez, assigné lui à domicile.
« La haine accumulée et l’impuissance face au manque de solution à la crise font de ces élections une opportunité pour envoyer un message de mécontentement », a déclaré à l’AFP Jesus Seguias, directeur de l’institut Datincorp.
La MUD devrait remporter entre 10 et 18 Etats, selon les instituts Datanalis et Delphos.
– Dialogue gelé –
Le dialogue entre ces deux camps antagonistes, qui avait timidement repris début septembre en République dominicaine, a été gelé depuis, l’opposition estimant que les conditions n’étaient « pas réunies ».
Anti et pro-gouvernement « attendent le résultat (du scrutin) pour voir ce qui se passe » et quel sera le rapport de force dimanche au soir, selon le politologue Francisco Suniaga.
En cas de large victoire, l’opposition pourra mettre la pression sur le gouvernement « dans un processus de négociation sérieux, afin de fixer les conditions de la présidentielle en 2018 », juge l’analyste Colette Capriles.
Le taux de participation sera déterminant. L’abstention, généralement située autour entre 30 et 40%, pourrait être bien supérieure cette fois-ci, selon certains analystes.
La population n’a plus beaucoup d’espoir dans la capacité des politiques à sortir le pays de la crise. Le FMI prévoit un effondrement du PIB de 12% en 2017 et une inflation de 652,7%.
– Le vote ou l’exil –
« Si je vais voter, on a besoin d’avoir un meilleur pays », a déclaré à l’AFP Kandy, une étudiante de 25 ans. A côté d’elle, son fiancé, un musicien de 24 ans, assure: « Ca ne m’intéresse pas de voter ». Comme nombre de leurs compatriotes ces derniers mois, ils comptent bientôt quitter le pays.
Les critiques internationales contre le gouvernement de Maduro, qui ont redoublé après l’installation de l’Assemblée constituante début août, « vont se poursuivre ou augmenter » en cas de défaite du chavisme, du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013, selon le politologue Edgard Gutiérrez.
« S’il (le camp du pouvoir) tient des élections semi-régulières qui conduisent les figures de l’opposition à devenir gouverneurs, cela va inévitablement limiter la portée du terme +dictature+ appliqué au Venezuela », estime pour sa part David Smilde, analyste du Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA).
Aucun observateur international n’a été accepté pour le vote de dimanche.
LNT avec AFP