L’annonce par le président vénézuélien Nicolas Maduro de la création du Petro, une monnaie virtuelle basée sur les réserves de pétrole du pays, intrigue les experts, qui doutent de son succès en raison du manque de confiance envers Caracas.
– Quel est l’objectif? –
« Cela nous permettra d’avancer vers de nouvelles formes de financement international », a promis le président socialiste.
Il espère ainsi contourner les sanctions des Etats-Unis, qui interdisent à leurs citoyens et entreprises d’acheter des obligations du Venezuela et de son groupe pétrolier d’Etat PDVSA.
Ces mesures sont survenues au pire moment pour le pays sud-américain, ruiné par la chute des cours du brut et qui cherche à renégocier sa dette extérieure, estimée autour de 150 milliards de dollars.
Selon le gouvernement, elles ont provoqué des retards de remboursements obligataires, ce qui a poussé plusieurs agences de notation à placer le Venezuela en défaut de paiement partiel.
Le ministre de la Communication Jorge Rodriguez assure que le Petro permettra « l’échange » d’argent et de biens « sans la médiation d’aucune institution financière ».
Mais pour l’économiste Henkel Garcia, directeur du cabinet de consultants Econometrica, pour cela « il faudrait que (le Petro) compte sur une large acceptation des acteurs économiques (…) et c’est très difficile, tant pour une monnaie traditionnelle que pour une cryptomonnaie ».
– Aura-t-elle du succès? –
Les experts sont sceptiques, soulignant que les profonds déséquilibres économiques du pays minent toute confiance dans le Petro qui, pour être implanté, devrait s’accompagner d’un plan de réformes, selon eux.
« Si (le Petro) se concrétise, ce dont je doute, ce serait la première monnaie virtuelle émise par une Banque centrale et pas n’importe laquelle, une qui a créé de l’hyper-inflation », attendue à plus de 2.300% en 2018, souligne à l’AFP Jean-Paul Leidenz, expert en monnaies virtuelles.
« Théoriquement », explique Henkel Garcia, « avec les cryptomonnaies il est possible de contourner le système financier américain (…), mais tout dépend de (la capacité à) générer de la confiance ».
Pour José Angel Alvarez, directeur de la toute nouvelle Association nationale des cryptomonnaies (Asonacrip) et associé au gouvernement dans la création du Petro, les immenses réserves pétrolières – les plus importantes de la planète – et gazières du Venezuela, ainsi que ses gisements d’or et de diamants, sont des garanties plus que suffisantes.
« Quelle confiance plus grande peut-il exister que (celle donnée par) la plus grande ressource non-renouvelable qui existe sur la planète: le pétrole? », s’interroge-t-il, espérant que le Petro puisse « prendre la place » des cryptomonnaies existant déjà dans le monde, comme le bitcoin ou l’ethereum.
« Le bolivar est également soutenu par les réserves pétrolières mais il n’a aucune force », rétorque Henkel Garcia.
En un an, la monnaie locale a perdu 96% de sa valeur sur le marché noir, alors que le gouvernement exerce un contrôle strict des devises.
« Les monnaies virtuelles n’ont pas besoin d’actifs comme soutien. Leur crédibilité se fonde sur la crédibilité des transactions », souligne Jean-Paul Leidenz.
– Quand sera-t-elle lancée? –
C’est la grande inconnue: le gouvernement ne donne pas de date. « Parler spécifiquement d’un délai serait un peu exagéré » compte tenu de la « dimension » du projet, assure M. Alvarez. C’est encore « totalement prématuré ».
– Quelle serait sa valeur? –
Roi des cryptomonnaies, le bitcoin a atteint jeudi le record de 14.000 dollars par unité, multipliant par dix sa valeur en un an.
Difficile d’estimer quel serait le cours du Petro, mais M. Alvarez est optimiste car toutes les monnaies virtuelles ont connu « des hausses et des baisses, mais une seule tendance », la montée.
Pour M. Leidenz, la logique serait d’établir « un taux flottant », en évitant de le survaloriser pour ne pas générer une trop forte spéculation.
– Quels sont les antécédents? –
Alliés du président Maduro, la Chine comme la Russie étudient la viabilité de créer un « cryptorouble » ou un « cryptoyuan », mais pour l’instant ce ne sont que des projets, note Jean-Paul Leidenz.
Le Japon, via sa Banque centrale, prévoit de lancer le « J-Coin » en prévision des jeux Olympiques de Tokyo-2010, avec un taux identique au yen, selon le Financial Times.
LNT avec Afp