D’ici quelques années, ses rides n’auront pas disparu, mais auront plus de charme, ses traits plus d’éclat. Elle ne sera certes pas plus jeune, ou moins vielle, mais plus rayonnante, plus attirante. La médina de Fès, qui a des siècles durant résisté aux aléas du temps, s’apprête à dévoiler tous ses charmes, ses trésors insoupçonnés.
La médina vient en effet de s’inscrire dans une nouvelle génération de programmes de valorisation, avec pour mots d’ordre : stimulation des investissements, promotion du patrimoine matériel et immatériel, amélioration des conditions de vie de la population et dynamisation du progrès économique, social et culturel dans cet espace. Rien que ça !
Et tout porte à croire que le résultat sera à la mesure des défis. A l’horizon 2023, c’est un investissement d’environ un milliard de DH qui sera ainsi injecté dans la médina. Un montant conséquent qui englobe, d’abord, les programmes lancés en 2013 (coût global 400 millions de DH) portant sur la restauration de 27 monuments historiques -achevée en 2016-, le traitement du bâti menaçant ruine 2013-2018, mais également l’aménagement de huit parkings autour de la médina de Fès d’une capacité de 3.600 places, la réfection de la voirie, l’amélioration du paysage urbain, l’adressage de la médina et la mise en place d’un dispositif d’information touristique.
Lifting pour l’ancienne médina
Vient ensuite un second programme, de plus grande ampleur. Ce dernier, intitulé « programme complémentaire pour la valorisation de l’ancienne médina de Fès’’, a été présenté devant SM le Roi Mohammed VI le 14 mai dernier au Palais Royal de Rabat. D’un investissement de 583 millions de DH, le nouveau projet montrera, une fois achevé, la médina sous son meilleur visage.
Six axes font l’essentiel de ce chantier. Le premier concerne la réhabilitation de 11 monuments historiques et lieux emblématiques, avec un montant de 109 MDH, qui viendront s’ajouter aux 27 autres déjà restaurés.
Parmi les monuments qui bénéficieront d’un lifting, figurent l’horloge hydraulique, les norias ou encore le répartiteur d’eau de Boujloud, qui est un ouvrage hydraulique très méconnu et dont la restauration devra permettre de mettre en valeur tout le savoir-faire matériel et immatériel de la question de la distribution de l’eau dans la médina.
Le deuxième axe se rapporte à la réhabilitation des lieux de culte. Cinq mosquées et cinq écoles coraniques sont concernées. Le troisième volet touche, lui, les activités d’artisanat et de commerce traditionnel. Trente-neuf foundouks, draz et espaces de commerce traditionnel sont ciblés, avec un montant de 172 MDH.
Intitulé « bien-être », le quatrième axe touchera 37 sites, dont 30 fontaines, avec un budget de 21 MDH. Quinze autres sites sont concernés dans le cadre du cinquième axe ayant trait à la restauration du bâti qui a un caractère spécial et l’amélioration du paysage urbain. Les crédits y alloués s’élèvent à 95 MDH.
Enfin, le programme complémentaire pour la valorisation de l’ancienne médina de Fès consacre tout un volet à la réhabilitation du site historique de Dar Al Makina, auquel une enveloppe budgétaire de 127 MDH a été consacrée. “Ce chantier titanesque va transformer le visage de la médina de Fès’’, se réjouit Fouad Serrhini, directeur général de l’Agence pour le développement et la réhabilitation de la ville de Fès (ADER-Fès), qui assure la maitrise d’ouvrage déléguée de ce grand projet.
Ne rien laisser au hasard !
L’ensemble des acteurs qui interviennent dans la mise en œuvre de ce programme semblent être conscients des difficultés que pose une telle opération. Car, la particularité du patrimoine de la médina réside dans sa « sensibilité et fragilité ».
D’où sa protection, sa réhabilitation et sa sauvegarde relèvent d’un enjeu collectif. Les actions correspondantes doivent ainsi participer d’une approche multidimensionnelle, s’étendant à des domaines aussi variés que l’urbanisme, les infrastructures, l’aménagement du territoire, l’histoire et la mémoire.
C’est pour cela que les différents intervenants ne veulent rien laisser au hasard. Au niveau local, c’est un comité présidé par le wali de la région Fès-Meknès, gouverneur de la préfecture de Fès, qui se charge de tous les aspects de suivi et de coordination pour pouvoir mener toutes les actions dans les meilleures conditions. Il s’agit des questions de réalisation, de financement, du rythme de travail, de l’état d’avancement et des difficultés retrouvées sur le terrain.
L’autre instance de gestion est un comité central présidé par le ministre de l’Intérieur et qui rassemble tous les départements ministériels partenaires. Ce comité s’attaque à des questions plus stratégiques ayant trait notamment au financement et aux modifications de programmes.
L’Homme, avant les murs
Si la question de la préservation du patrimoine revêt à cet égard un caractère majeur dans le processus de réhabilitation de la médina, celles de l’économie, de l’emploi et de la création des richesses sont cruciales.
« Ce n’est pas seulement un processus de réhabilitation des murs, mais aussi de développement économique et social de la médina », assure le premier responsable de l’ADER.
Selon la philosophie qui a présidé à cette large opération de réhabilitation, la médina aura pour vocation de jouer un rôle de catalyseur de développement pour la ville.
« Dans le cadre de ces programmes, nos villes sont perçues comme un gisement important de culture, de savoir-faire, de patrimoine matériel et immatériel et de savoir-vivre et dans lequel vivent des centaines de milliers de personnes qui méritent d’avoir des conditions de vie décentes sur les plans du logement, des activités, du travail des artisans et des commerçants et de la création de richesse », explique Fouad Serrhini à la MAP.
L’objectif majeur est de rendre la médina beaucoup plus attractive pour la population, notamment la classe moyenne, mais aussi pour les visiteurs.
Une virée au cœur de la médina de Fès, tout particulièrement aux célèbres foundouqs Chemmaïne-Sbitriyine, Barka et Staouniyine, qui ont bénéficié du premier programme de réhabilitation, ne peut que laisser optimiste quant à l’avenir de ce site, classé depuis 1981 patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.
Des joyaux ancestraux en rénovation
Ouverts à des activités de l’artisanat en voie de disparition et à des services culturels et touristiques, ces joyaux de l’architecture marocaine, qui datent des 13ème et 14ème siècles, viennent ainsi de retrouver une seconde vie, et avec eux un pan entier du patrimoine de la médina de Fès.
Le principal enjeu consistera à rendre le patrimoine de la ville dynamique, vivant, tout en préservant son cachet culturel et civilisationnel.
Une vision défendue par l’éminent philosophe et sociologue français et ami de Fès, Edgar Morin, lors d’un débat organisé à l’occasion de l’édition-2018 du festival des musiques sacrées du monde.
Pour ce docteur honoris causa de plus de 30 universités dans le monde, « les savoirs ancestraux de Fès, qui représentent un exemple admirable de créativité, ne devraient pas être considérés comme des résidus pittoresques pour les touristes, mais comme des trésors de l’humanité ».
LNT avec MAP