Malgré les mises en garde alarmistes et la nervosité des marchés, les Etats-Unis et la Chine vont entrer de plain-pied dans la guerre commerciale avec l’entrée en vigueur cecvendredi de taxes douanières réciproques sur des dizaines de milliards de dollars de marchandises.
Les tarifs douaniers américains de 25% sur 34 milliards d’importations chinoises frapperont 818 produits dont des voitures, des composants d’avions ou des disques durs d’ordinateurs tout en épargnant des biens populaires comme les téléphones portables ou les télévisions. Ils seront effectifs jeudi à minuit (04H00 GMT), a confirmé jeudi le président Donald Trump à des journalistes.
Immédiatement après, des droits de douane chinois sur un montant équivalent d’importations américaines seront appliqués. Ils affecteront des produits agricoles dont le soja, très dépendant du marché chinois, le secteur automobile ou encore des produits de la mer comme les langoustes.
« La Chine ne cédera pas à la menace ni au chantage », a assuré jeudi à Pékin le porte-parole du ministère chinois du Commerce, Gao Feng.
Au total, ce sont 50 milliards de dollars d’importations chinoises annuelles qui seront affectées par les mesures américaines destinées à compenser ce que l’administration Trump considère être le « vol » de propriété intellectuelle et de technologies.
Le second lot de 16 milliards d’importations chinoises, qui fait pour l’heure l’objet d’un examen supplémentaire de la part du représentant au Commerce (USTR) Robert Lighthizer, entreront prochainement en vigueur, a également indiqué Donald Trump, évoquant « dans deux semaines ».
Pékin, qui a décidé de répliquer à l’identique, prévoit aussi de frapper un total de 50 milliards de dollars d’importations américaines, avec une première liste portant sur 34 milliards de dollars de produits.
Les deux premières puissances économiques du monde ne devraient pas en rester là puisque Donald Trump a demandé à Robert Lighthizer « d’identifier 200 milliards de dollars de biens chinois en vue de taxes supplémentaires de 10% ».
Et le président américain s’est dit prêt à taxer 200 milliards de dollars de biens additionnels « si la Chine augmente à nouveau ses tarifs douaniers » en réaction.
Ces mesures pourraient donc porter à 450 milliards la valeur des produits chinois taxés, soit la grande majorité des importations venues du géant asiatique (505,6 milliards de dollars en 2017).
Les experts mettent en garde depuis des mois contre les dommages potentiels d’une telle confrontation commerciale, non seulement sur l’économie américaine mais aussi sur l’économie mondiale.
– Investissements en jeu –
Les entreprises américaines ont d’ores et déjà indiqué à la Banque centrale américaine (Fed) qu’elles en ressentaient déjà l’impact avec une hausse des prix ainsi que « la réduction ou le report de projets de dépenses d’investissement en raison des incertitudes entourant la politique commerciale », a souligné jeudi la Banque centrale américaine dans le compte-rendu de sa dernière réunion de juin.
Dans une analyse intitulée « la mauvaise approche », la Chambre de commerce américaine a estimé à « environ 75 milliards de dollars » le montant des exportations américaines touchées jusqu’à maintenant par les mesures de rétorsion des partenaires commerciaux des Etats-Unis.
Elle cite notamment six Etats (Alabama, Michigan, Pennsylvanie, Caroline du sud, Texas et Wisconsin) particulièrement affectés, qui s’étaient tous prononcés en faveur de Donald Trump lors de la dernière élection présidentielle en 2016.
Ces mises en garde laissent pourtant de marbre le président américain qui a une nouvelle fois balayé les arguments mardi dans un tweet.
« L’économie se porte probablement bien mieux que par le passé, avant que nous réglions le problème des accords commerciaux inéquitables passés avec chaque pays », a-t-il estimé. « Une majorité de pays est d’accord sur le fait que ceux-ci doivent changer mais personne ne l’a jamais demandé », a-t-il ajouté.
La veille, le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross avait, lui, affirmé que les prévisions de ralentissement à venir de la croissance économique américaine étaient « prématurées et probablement inexactes ».
« Les effets directs des taxes douanières, imposées jusqu’à présent, ne vont pas changer fondamentalement la situation macroéconomique américaine », a commenté Robert Palombi, analyste chez S&P Global Ratings.
« Cependant, l’escalade des tensions commerciales entre les deux plus grandes économies pourrait avoir des ramifications réelles sur le plan mondial et semer les graines d’un ralentissement notable de la croissance économique », a-t-il ajouté.
Jeudi, le cours du soja a touché un plus bas niveau en neuf ans à Chicago quelques heures avant les annonces attendues des Etats-Unis et de la Chine.
LNT avec Afp