Comme à notre habitude en cette période de l’année, La Nouvelle Tribune dédie une édition spéciale à la journée internationale des droits des Femmes, dans sa tradition de contribution engagée à l’avancement des acquis de la Femme marocaine. Mais, cette année plus particulièrement, le pays étant appelé, à l’initiative du Souverain, à déployer une nouvelle réforme de son Code de la famille, la Moudawana, nous avons eu cœur à apporter une pierre à l’édifice des débats en cours quant aux enjeux de cette réforme, et la forme qu’elle devrait ou pourrait prendre.
C’est un fait, le contexte de cette réforme a été clairement énoncé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion du discours de la Fête du Trône, en juillet 2022, dans lequel il déclarait : « Notre ambition est de poursuivre l’édification d’un Maroc avancé et fort de sa dignité. Aussi est-il indispensable que tous les Marocains, hommes et femmes, prennent une part active à la dynamique de développement. C’est pourquoi Nous insistons une fois encore sur la nécessité que la femme marocaine apporte son plein concours dans tous les domaines. »
Ce qu’énonce le Souverain à travers des mots forts comme « nécessité » et « indispensable », c’est l’urgence d’une réforme malgré des avancées notoires grâce au précédent texte.
Par ailleurs, le discours du Roi insiste aussi sur l’apport, depuis la réforme de 2003, de la nouvelle Constitution : « Ainsi, parmi les réformes majeures engagées sous Notre impulsion, figurent la promulgation du Code de la Famille et l’adoption de la Constitution de 2011 qui consacre l’égalité homme-femme en droits et en obligations et, par conséquent, érige le principe de parité en objectif que l’État doit chercher à atteindre. » En somme, nos lois et leur application ne sont pas en conformité avec les engagements pris et actés dans la Constitution.
En sa qualité d’Amir Al-Mouminine, le Souverain adresse également le sujet central de l’apport de la religion dans l’élaboration et l’application de la réforme, et le cadre sans équivoque, afin d’éviter sa récupération politique dans le débat autour de la réforme, notamment du fait de l’attachement des Marocains à leurs traditions. Il affirme ainsi : « Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé, en particulier sur les points encadrés par des textes coraniques formels. A cet égard, Nous nous attachons à ce que cet élan réformateur soit mené en parfaite concordance avec les desseins ultimes de la Loi islamique (Charia) et les spécificités de la société marocaine. Nous veillons aussi à ce qu’il soit empreint de modération, d’ouverture d’esprit dans l’interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue, et qu’il puisse compter sur le concours de l’ensemble des institutions et des acteurs concernés. »
Pour toutes ses raisons, la réforme de la Moudawana aura bien lieu et elle se devra d’apporter à la fois une lecture nouvelle du rôle et de la place de la femme et de l’homme dans la famille marocaine, tout en en préservant les acquis. Plus que l’égalité, ce sont l’équité et la justice qui semblent donc être au cœur des enjeux de la réforme à venir. Aussi, sous la conduite de la co-fondatrice de La Nouvelle Tribune et journaliste Afifa Dassouli, nous avons interpellé des intellectuels, d’ici et d’ailleurs, aux spécialités diverses, de la philosophie à la sociologie en passant par l’engagement partisan et associatif, pour tenter de démêler les termes du débat, de chercher des réponses dans l’Histoire, qu’elle soit des idées, de l’Islam ou des sociétés modernes, et de s’interroger en somme sur les mécaniques qui accompagnent une réforme, dont les implications sont profondes pour une société marocaine à la jonction de la modernité et de ses traditions. Bonne lecture !
Zouhair Yata