Les armes se sont tues, les écoles ont rouvert et les abris souterrains se sont vidés sur la frontière contestée entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire. Mais même si la trêve semble tenir, la crainte d’une reprise des combats reste tenace parmi les habitants.
Fin février, les deux pays se sont engagés à mettre fin aux violations répétées du cessez-le-feu le long de la Ligne de contrôle (LoC), qui sépare sur 740 km l’Azad Cachemire (Pakistan) du Jammu-et-Cachemire (Inde) et fait office de frontière de fait depuis des décennies entre les deux puissances nucléaires.
Cette annonce inattendue a mis fin à des années de bombardements et d’échanges de coups de feu sur cette frontière, où les deux voisins n’ont pendant longtemps cessé de s’accuser de violer le cessez-le-feu de 2003. A la grande satisfaction des locaux.
« La vie avant le cessez-le-feu était vraiment misérable », avoue Kashif Hussain, administrateur adjoint du district de Poonch, dans l’Azad Cachemire, lors d’une visite organisée pour la presse par l’armée pakistanaise.
Mais depuis, les services éducatifs et sanitaires ont repris et les gens peuvent circuler librement, ce qui a « un effet très positif sur la santé psychologique des gens », ajoute-t-il.
Le Cachemire est divisé entre l’Inde et le Pakistan depuis leur indépendance de la Couronne britannique et la partition de 1947. Il a été la cause de deux des trois guerres qui les ont opposés depuis.
Les deux pays revendiquent l’intégralité de cette région himalayenne majoritairement peuplée de musulmans, où l’Inde fait en outre face depuis plus de trente ans à une insurrection séparatiste ayant fait des dizaines de milliers de morts, principalement des civils.
– Le pire évité –
Selon l’armée pakistanaise, le cessez-le-feu de 2003 avait largement tenu jusqu’en 2016, lorsqu’une explosion de violence au Jammu-et-Cachemire s’était rapidement répercutée de l’autre côté de la frontière.
Alors que les combats faisaient rage le long de la LoC, les relations entre les deux pays s’étaient alors envenimées, l’Inde accusant le Pakistan de tentatives d’infiltration de l’autre côté de la ligne de démarcation pour fomenter une insurrection contre le pouvoir indien.
En réponse, Islamabad avait reproché au gouvernement du Premier ministre indien, Narendra Modi, d’attiser le réflexe nationaliste à l’encontre des musulmans.
Les deux camps étaient passés tout près d’une nouvelle guerre en février 2019 quand l’Inde avait répliqué à une action kamikaze, qui s’était soldée par la mort de 40 soldats indiens au Cachemire, par une attaque aérienne sur le territoire pakistanais.
Si le pire avait été évité, les violences avaient atteint un rythme sans précédent en 2020, quelques dizaines de civils étant tués des deux côtés de la LoC.
Mais la crise sanitaire due au coronavirus, ses conséquences économiques et le fait que le Pakistan comme l’Inde sont occupés sur d’autres fronts diplomatiques semblent les avoir convaincus qu’un retour au calme était le bienvenu.
« Les deux pays ont intérêt à apaiser les tensions en ce moment », estime Myra MacDonald, auteure de plusieurs livres sur le conflit au Cachemire.
– ‘Pas confiance’ –
« A cause du Covid, mais aussi parce que l’Inde a des problèmes sur sa frontière disputée avec la Chine, tandis que le Pakistan doit faire face à des difficultés économiques et aux conséquences du retrait américain d’Afghanistan », justifie-t-elle.
L’armée pakistanaise a affirmé à l’AFP qu’il n’y avait eu « aucune (violation) importante » du cessez-le-feu depuis février. Pour les personnes vivant près de la LoC, la fin des combats a apporté un sentiment de retour à une vie normale.
Avant, « les écoles étaient fermées, les enfants qui avaient l’habitude d’aller à la mosquée étaient confinés à la maison », se rappelle Tooba Imitiaz, qui avait fui sa maison il y a deux ans mais est récemment revenue à Poonch.
« Il y avait beaucoup de problèmes psychologiques. Nos enfants chantaient +mortier, mortier+ quand ils entendaient le moindre bruit sourd », ajoute-t-elle.
Quelque 1,5 million de personnes vivent le long de la LoC du côté pakistanais. Elles comptent depuis longtemps sur un réseau de bunkers et d’abris de fortune pour se mettre à couvert dans les moments de forte tension.
Les vallées et crêtes traversées par la LoC continuent à abriter des milliers de soldats lourdement armés, certaines postes avancés des deux armées n’étant séparés que de quelques dizaines de mètres.
Mais même si la paix est pour l’instant bien réelle, les habitants restent sur leurs gardes. « Nous pensons que c’est temporaire », craint Sameer Begum, 60 ans, qui a passé presque toute sa vie aux abords de la LoC. « Nous ne pouvons pas faire confiance à l’ennemi. Nous ne pouvons pas leur faire confiance, ils peuvent commencer (les combats) à tout moment ».
LNT avec Afp