
Après l'annonce de la sortie de l'accord, mardi. Photo Saul Loeb. AFP
Sanctions économiques maximales, menaces de rétorsions, accusations de mensonge : en optant pour la ligne dure envers la République islamique, et non pour une sortie en douceur, comme l’y ont invité ses alliés européens, le président américain compromet ses chances de négocier l’accord durable et global qu’il appelle de ses vœux.
Emmanuel Macron, Angela Merkel et Boris Johnson y sont tous allés de leur voyage à Washington ces dernières semaines pour tenter de convaincre Donald Trump, mais rien n’y a fait. Malgré le plaidoyer de ces représentants de pays signataires de l’accord sur le nucléaire iranien (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne), le président américain a annoncé ce mardi sa décision de tourner le dos au pacte de 2015, qui visait à empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire en échange de la levée des sanctions économiques occidentales.
«J’annonce aujourd’hui que les Etats-Unis se retirent de l’accord sur le nucléaire iranien : nous n’allons pas permettre à ce régime d’avoir accès à l’arme la plus meurtrière du monde», a martelé Donald Trump, mardi en début d’après-midi depuis la Maison Blanche, avant d’annoncer la signature imminente d’un mémorandum pour réinstaurer les sanctions économiques sur le régime de Téhéran en vigueur avant l’accord de 2015, notamment sur les secteurs de l’énergie, de la pétrochimie et de la finance. Et même, «le plus haut niveau de sanctions», pour que l’Amérique ne soit plus «prise en otage», a-t-il précisé. Trump a ainsi opté le scénario du pire pour les chefs d’Etat et de gouvernement européens signataires de l’accord, qui espéraient une «sortie en douceur» de l’accord. Les entreprises européennes comme américaines devront prochainement quitter l’Iran sous peine de «lourdes conséquences», avance un communiqué de la Maison Blanche. Qui précise néanmoins que «ceux qui font des affaires en Iran bénéficieront d’une certaine période de temps pour leur permettre de réduire graduellement leurs activités liées à l’Iran.»
« Mensonge »
A l’inverse des conclusions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et même des déclarations de membres de son administration – dont son secrétaire d’Etat Mike Pompeo fin avril –, le président américain a affirmé «avoir la preuve que les engagements iraniens sont un mensonge : l’Iran n’a pas cessé de développer l’arme nucléaire», reprenant la rhétorique du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui a divulgué des documents secrets début mai sur un programme existant avant la signature de l’accord. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni «regrettent la décision américaine», a déclaré l’Elysée juste après le discours de Trump. Le président américain a cependant évoqué sa volonté de «bâtir un nouvel accord durable» sur le nucléaire iranien avec ses alliés, qui permettrait de «bloquer ses activités malveillantes dans le Moyen-Orient». Avant de menacer : «Si le régime continue, il aura les plus gros problèmes qu’il n’a jamais connus.»
Son annonce n’est pas une surprise. Trump a toujours affiché sa détestation envers l’accord sur le nucléaire iranien. Lors de sa campagne électorale, il avait promis de «déchirer» ce texte, qu’il a plusieurs fois qualifié de «désastre». En cause selon lui, une période d’engagement trop courte des Iraniens (jusqu’en 2025), et sa portée trop limitée – il n’empêche pas l’Iran de poursuivre ses activités malveillantes dans la région de son soutien envers le régime de Bachar al-Assad aux rebelles chiites houthis au Yémen, ni ses tests de missiles balistiques. Trump a d’ailleurs qualifié Téhéran de «principal sponsor du terrorisme». «Nous travaillerons collectivement à un cadre plus large, couvrant l’activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Yémen et en Irak», a réagi le président français Emmanuel Macron sur Twitter, juste après le discours de Trump. Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu». Le président de la République islamique d’Iran Hassan Rohani a, lui, affirmé qu’il voulait continuer à discuter avec les Européens, les Russes et les Chinois, tout en restant dans l’accord.
«Promesses vides»
Après un discours très dur envers l’Iran à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, le président américain avait refusé en octobre de «certifier» que l’accord était conforme aux intérêts de sécurité nationale. Le mémorandum qu’il a signé ce mardi met fin officiellement à la participation des Etats-Unis dans l’accord nucléaire iranien et rétablit les sanctions. «Les Etats-Unis ne feront plus de promesses vides, a-t-il déclaré. Quand je m’engage à quelque chose, je m’y tiens.» Une ligne dure qui signe l’influence de son entourage direct, notamment des faucons qui viennent de rejoindre son administration : le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, et le conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, ont toujours rejeté le pacte de 2015 et prôné la plus grande fermeté envers la République islamique.
Donald Trump détricote une nouvelle fois l’héritage diplomatique de Barack Obama, après la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. L’ancien président américain a d’ailleurs qualifié de «grave erreur» cette décision : «Nous allons nous retrouver dans une situation perdant-perdant ou nous aurons le choix entre un Iran nucléaire et une nouvelle guerre au Moyen Orient.» «Bafouer de façon répétée les accords dans lesquels les Etats-Unis sont partie prenante met à mal la crédibilité américaine», a déclaré Obama après le discours de Trump.
D’autant que les Etats-Unis sont sur un autre front, tout aussi nucléaire : la Corée du Nord. Donald Trump a d’ailleurs annoncé, lors de son discours, que Mike Pompeo était en route pour Pyongyang pour préparer la future rencontre entre le président américain et Kim Jong-un. «Rester dans l’accord [iranien] est particulièrement important pour le président Trump en amont d’un possible sommet avec Kim Jong-un, écrivait il y a quelques jours Ernest Moniz, l’ancien secrétaire à l’Energie d’Obama, aujourd’hui à la tête de la Nuclear Threat Initiative. Si Trump retire les Etats-Unis de l’accord, alors que l’Iran le respecte et avec des alliés très en faveur de sa poursuite, il compromettra la norme de vérification nucléaire la plus rigoureuse jamais mise en place.» Avec cette idée que les Etats-Unis peuvent faire et défaire les grands accords internationaux, au gré des humeurs de leur président et de leur administration.
LNT avec Afp