
En cas de crise majeure, les investisseurs se réfugient généralement vers les valeurs jugées « sûres » comme le franc suisse, l’or ou le dollar. Mais avec le nouveau président Donald Trump et la politique monétaire américaine, le billet vert a perdu de sa superbe, notamment face à l’euro.
Ainsi après le tir d’un missile nord-coréen au-dessus du Japon mardi, événement pouvant potentiellement déclencher un conflit d’importance, la monnaie unique européenne s’est hissée au-dessus du seuil symbolique des 1,20 dollar pour la première fois depuis janvier 2015.
« Au même titre que les bons du Trésor américain, le billet vert est généralement considéré comme une valeur sûre. Mais personne ne veut vraiment posséder du dollar actuellement », a relevé Brad Bechtel, responsable marché des changes chez Jefferies.
En cause selon lui, « le manque de confiance dans l’administration américaine » et « le fait que la Réserve fédérale (Fed) a clairement montré qu’elle n’était pas pressée de relever les taux d’intérêt rapidement ».
Le dollar avait profité fin 2016 des promesses de réformes économiques du candidat Donald Trump. Or le président éprouve de plus en plus de difficultés à faire adopter la moindre mesure.
Même si la croissance économique reste de bonne tenue, l’inflation peine à redémarrer et la Fed hésite à faire remonter les taux d’intérêt une nouvelle fois cette année, une mesure qui profiterait au dollar.
Les cambistes ont ainsi été très déçus quand la présidente de la Fed Janet Yellen a soigneusement évité la semaine dernière lors d’un séminaire à Jackson Hole de donner tout détail sur l’évolution de la politique monétaire des Etats-Unis.
– L’UE inspire confiance –
L’euro parallèlement attire de plus en plus d’investisseurs.
Grâce à la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), les taux d’intérêt restent très faibles, voire négatifs, dans la zone euro.
Aussi la monnaie unique « est devenue, comme le yen et le franc suisse, une monnaie de financement pour les opérations spéculatives sur les écarts de rendement (carry trade) », a indiqué Greg Anderson de BMO.
Les investisseurs empruntent à moindre coût l’euro et utilisent les fonds pour financer d’autres investissements aux rendements plus élevés.
« Ce qui veut dire qu’en cas de crise, les investisseurs doivent se couvrir et racheter l’euro qu’ils ont emprunté », a souligné M. Anderson.
Parallèlement, la balance des comptes courants en zone euro est « devenue bien plus excédentaire qu’auparavant, ce qui est un garantie pour une devise », a relevé le spécialiste.
La situation politique de l’Union européenne s’est quant à elle stabilisée, notamment après les élections néerlandaises et françaises en 2017.
« L’Europe a démontré au cours des cinq dernières années qu’elle était capable de gérer une crise alors que la situation politique actuelle aux Etats-Unis est une pagaille », a estimé M. Anderson.
Pour Sireen Harajli de Mizuho, la solidité de la croissance européenne ces derniers mois et le fait que la BCE s’apprête à réduire ses mesures de soutien monétaire ont renforcé la vigueur de la monnaie européenne.
Mais le billet vert « reste sans aucun doute une valeur refuge », selon elle. Il suffirait que la Fed envoie un signal positif ou de bonnes données sur l’emploi, notamment les salaires, ou l’inflation aux Etats-Unis pour raviver le dollar.
Le passage du seuil des 1,20 dollar pour un euro a rendu les investisseurs fébriles, a toutefois estimé Greg Anderson. « Ils sont sur le qui-vive, si la BCE ne dit rien ou ne fait rien au cours des quinze prochains jours, le marché devrait continuer à faire monter l’euro face au dollar. »
LNT avec Afp