Des bénévoles préparent du tissu à découper pour fabriquer des masques pour le personnel soignant, au club de couture de The Stitch House, près de Boston, le 22 mars 2020 © AFP Joseph Prezioso
Couturières débutantes ou clubs de couture bien installés, de New York à Los Angeles, des milliers de bénévoles se sont mis à leur machine pour pallier le manque de masques ou de blouses de protection face à la propagation du coronavirus aux Etats-Unis.
Bettina D’Ascoli, résidente de Hastings-on-Hudson, petite ville d’un comté au nord de New York qui fut le premier de l’Etat frappé par l’épidémie, fait partie de ces responsables de clubs de couture qui ont mobilisé leur réseau, alors que la région est aujourd’hui l’épicentre de l’épidémie aux Etats-Unis.
Ayant vu qu’en Europe les gens s’étaient mis à fabriquer des masques, elle a testé des patrons puis a partagé les meilleurs modèles avec ses contacts.
« J’ai eu immédiatement des réponses, de médecins, d’infirmiers, de bénévoles », a indiqué à l’AFP cette femme de 47 ans, Vénézuélienne d’origine. « Au milieu de toutes ces choses horribles, c’était beau ».
Aujourd’hui, elle a une petite équipe de six personnes qui coordonne quelque 50 bénévoles, et gère les commandes de centres médicaux qu’elle reçoit « par centaines », dit-elle.
On la contacte d’aussi loin que le Texas ou l’Alabama, et certains lui proposent même « d’envoyer leur machine à coudre », dit-elle en riant.
Même réponse enthousiaste à l’appel relayé par l’école de couture The Stitch House, des environs de Boston, selon sa responsable, Annissa Essaibi-George, également élue municipale.
Une de ses amies a lancé il y a deux semaines un appel à fabriquer des masques sur les réseaux sociaux. Mme Essaibi-George l’a relayé immédiatement vers tout son réseau, dont une partie s’était déjà mobilisée pour tricoter des bonnets roses à oreilles de chat (« pussy hats ») lors des Marches des femmes.
« Nous avons déjà collecté environ 2.000 masques », destinés à plusieurs centres de soins de la région, a-t-elle indiqué à l’AFP. « Certaines personnes en font deux ou trois, d’autres en font 100 », selon leur temps libre et leur expérience, a-t-elle ajouté.
Pour les encourager, Mme Essaibi-George a déjà organisé deux séances collectives de couture via l’application Facebook Live.
« C’est l’occasion de se retrouver », dit-elle. « Alors qu’on nous demande de rester chez soi, de garder nos distances, c’est vraiment important de rester connectés ».
A Los Angeles, Jamarah Hayner, 35 ans, a elle formé une équipe de bénévoles pour coudre des blouses chirurgicales, après avoir approché des responsables d’hôpitaux locaux.
« On a beaucoup de gens dans les paroisses et de parents coincés à la maison avec leurs enfants, qui deviennent un peu fous en ce moment », dit cette spécialiste en relations publiques.
Mylette Nora, costumière à Hollywood qui a créé le modèle utilisé, estime qu’un bénévole entraîné peut confectionner une blouse en 15-20 minutes.
« Je couds huit, 10 heures de suite, j’en fais tant que j’ai du tissu », dit-elle.
– « Inspirant » –
L’effort va au-delà des simples particuliers. A Brooklyn, deux petites entreprises de design installées dans un vaste hangar des anciens chantiers navals ont uni leurs efforts pour commencer la semaine dernière à produire des visières de protection.
Samedi, ils en avaient déjà fabriqué 50.000, et l’intention était d’en produire 360.000, a indiqué Michael Duggal, responsable de l’une des deux entreprises.
Un effort « inspirant et magnifique », selon le maire de New York, Bill de Blasio, qui ces derniers jours ne cesse de réclamer plus d’équipements de protection pour le personnel soignant new-yorkais.
Michael Perina, patron d’une société new-yorkaise d’imprimerie 3D, a lui reconfiguré sa production pour fabriquer des visières, grâce à des fonds collectés via la plateforme GoFundMe, où il rend compte régulièrement de l’avancée du projet.
Le matériel confectionné par toutes ces bonnes volontés n’est pas toujours aux normes nécessaires pour le personnel soignant le plus exposé.
Ainsi, les masques en coton collectés par Bettina D’Ascoli ou Annissa Essaibi-George sont souvent utilisés par-dessus des masques normés, afin de les économiser, disent-elles.
Ils n’en sont pas moins précieux en cette période de pénurie.
Si beaucoup se disent encouragés par cette mobilisation, Jamarah Hayner y voit néanmoins aussi l’illustration des carences gouvernementales.
« On est content de le faire – même si on ne devrait pas avoir à le faire », dit-elle. « On ne va pas laisser des gens mourir juste parce qu’ils n’arrivent pas à s’organiser à Washington ».
LNT avec Afp