Le marché de la titrisation, qui existe depuis plusieurs années déjà, vient de connaître une belle opération initiée par Maghreb Titrisation, filiale de la CDG, au profit de l’ONEE, à travers le Fonds qui lui est dédié, FT ENERGY COMPARTIMENT II.
Cette réussite de l’opération de titrisation, finalisée le 13 octobre dernier, d’un montant de 1,5 milliard de dirhams de créances détenues par l’Office National de l’Eau et de l’Électricité, est incontestablement la matérialisation d’un cas d’école.
Il s’agit de la cinquième opération de titrisation de l’ONEE et elle a été sursouscrite trois fois. Elle porte sur des créances commerciales, actuelles et futures détenues par l’Office, au niveau de sa branche électricité, sur ses clients grands comptes, c’est-à-dire ceux qui font appel à l’ONEE pour la fourniture à haute et très haute tension.
En effet, dès lors que l’on a une certaine prédictibilité du chiffre d’affaires, on peut le titriser et c’est que qui a été fait avec l’ONEE, parce que la titrisation des créances commerciales de l’ONEE porte sur ses grands clients industriels comme l’OCP, Taqa, etc.
Les obligations du FT ENERGY COMPARTIMENT II, sont d’une maturité de 52 semaines et remboursables in fine (à terme).
Elles ont été proposées à un taux facial de 2,98 %, soit en référence à la maturité de la courbe secondaire des Bons du Trésor d’un an (52 semaines) du 20 septembre 2017 agrémentée d’une prime de risque de 65 points de base (bps).
Aux sources de la titrisation
Mais si la titrisation des créances de l’ONEE est aujourd’hui au-devant de l’actualité financière, il faut bien se dire qu’elle est l’aboutissement d’un long processus.
D’abord, sur le plan du principe, elle consacre une évolution de la titrisation qui ne concerne plus uniquement le haut du bilan, mais le bas également.
La monétisation par la titrisation qui concernait les actifs immobilisés comme les immeubles, les titres de participation, a évolué vers les stocks ou des créances clients, pour améliorer les besoins en fonds de roulement souvent financés auparavant par les découverts bancaires classiques.
La titrisation des créances clients s’est imposée par les besoins du marché. Et, c’est l’ONEE qui y a eu recours en premier, accompagné par Maghreb Titrisation.
La loi permettant de monétiser les créances existantes et futures pour préfinancer un chiffre d’affaires a elle, été promulguée en 2012.
Il faut savoir à propos de l’ONEE qu’il s’agit d’un acteur public qui distribue un produit de première nécessité, l’électricité, dont les prix sont fixés par le gouvernement pour chacune des catégories d’électricité distribuée, donnant à l’ONEE le rôle d’une caisse de compensation.
Ainsi, le chiffre d’affaires de l’ONEE est réglementé, mais, par contre, ses charges sont libres. Certaines courantes, comme le fuel ou encore le charbon, subissent les variations des cours mondiaux qui engendrent un coût de risque de change sur ses achats en devises.
D’autres, comme les charges de structures de l’ONEE liées aux programmes d’investissements, sont en croissance continue.
Partant, l’ONEE n’avait pas la possibilité de se constituer une capacité d’autofinancement, son résultat d’exploitation était structurellement déficitaire sans compter que le coût financier des emprunts pesait aussi sur ses performances, rendant son bilan peu attrayant, pour s’adresser aux banques pour se financer.
La restructuration de l’ONEE s’est faite d’une part, par un apport de l’État de deux milliards de dirhams et une augmentation graduelle du prix de l’électricité à partir de 2014, et d’autre part, grâce à la signature de contrats programmes avec l’Etat en 2014, 2015, 2016 et 2017. Par ailleurs, la baisse du coût du baril a contribué à baisser les charges de l’ONEE, l’aidant ainsi à sortir de l’impasse.
Pour financer le retour à l’équilibre de l’Office et normaliser sa situation financière, l’idée avait germé de recourir à la titrisation pour satisfaire ses besoins de financements.
Le principe même de la titrisation consistait à permettre à l’Office d’offrir aux investisseurs un pool d’actifs beaucoup moins risqués que l’Office lui-même et notamment des créances commerciales sur ses clients de la haute et la très haute tension, qui se traduisent par des créances sur une année revolving.
Ainsi, depuis 2013, l’ONEE a procédé à des sorties annuelles qui au départ, n’étaient pas faciles à placer. Aujourd’hui, ces outils de titrisation sont très demandés par les investisseurs.
Le papier ONEE, très attractif !
En effet, il s’agit d’un papier sans risque, avec un rendement optimisé.
Et, sachant qu’aujourd’hui le marché est en phase de surliquidité, que les sorties du Trésor sont moindres, les investisseurs sont à la recherche d’un papier dont ils maîtrisent le risque, avec une prédictibilité certaine, des mécanismes de rehaussement des crédits et un provisionnement antérieur à la date de paiement.
Toutes les garanties nécessaires sont là pour offrir aux investisseurs des titres de très bonne qualité, assortis d’un très bon risque.
La preuve est que l’opération actuelle de titrisation de 1,5 milliard de dirhams des créances commerciales de l’ONEE n’est assortie que d’une prime de risque de 65 pb au lieu de 100 pb appliqués lors des premières sorties, soit un taux annuel de 2,98%.
C’est pourquoi le montant demandé, de 1,5 milliard de dirhams, a été sursouscrit trois fois, témoignant de la confiance des investisseurs.
Au total, ce sont 6,8 milliards de dirhams qui ont été levés entre 2013 et 2017 par l’ONEE grâce à la titrisation de ses créances clients.
De fait, la signature de l’ONEE ne cesse de s’améliorer d’autant que 2016 a été, pour la première fois depuis longtemps, une année bénéficiaire pour l’Office, et 2017 s’annonce également très positive.
Partant, aux garanties de la structuration de l’émission des titres, s’ajoute la bonne santé de l’Office lui-même, ce qui une très bonne nouvelle pour les investisseurs.
Même si l’engouement des investisseurs, qui ont sursouscrit trois fois l’offre actuelle, est porté par le contexte du marché.
Car aujourd’hui, la bourse n’offre que des rendements incertains et les emprunts obligataires privés sont délaissés s’ils ne sont pas sécurisés par les banques.
Par contre, les OPCVM Trésorerie, gérés pour le compte des institutionnels, sont friands des titres de créances ONEE de 1,5 milliard de dirhams, ils constituent 80 % des souscripteurs ! Et le nombre des investisseurs est en constante augmentation toute en se diversifiant aux banques, compagnies d’assurances, aux caisses de retraites, et même aux grandes entreprises.
On mesure d’ailleurs le chemin parcouru en quelques années puisque pour la première sortie de titrisation de l’ONEE, ils étaient cinq ou six pour un volume d’un milliard de dirhams.
Certes, les investisseurs ont mis plus de cinq années à comprendre, qu’il est préférable de s’exposer sur un fonds de titrisation qui exige un « pricing du risque » plutôt que de suivre une émission obligataire non garantie.
Il faut savoir qu’à l’étranger, les atouts de la titrisation sont connus et utilisés depuis longtemps.
Les banques, par exemple, titrisent pour n’être jugées que sur une partie de leurs actifs et non sur leur santé financière globale, ce qui explique qu’elles ont porté depuis le début les titrisations aux Etats-Unis comme en France !
Si les banques marocaines n’y recourent pas, c’est parce qu’elles ont un accès facile à la liquidité. Pour autant, la titrisation s’avère être un moyen de financement idéal, plus accessible, pour tous les acteurs économiques.
Des quatre canaux de financement dont dispose un opérateur économique celui de la titrisation risque de prendre une place essentielle du fait des garanties offertes aux investisseurs.
Car celui du capital est le plus difficile d’accès, il se fait par augmentation du capital ou introduction en bourse.
Le canal bancaire, classique, par le crédit se restreint par les exigences des banques.
Le troisième celui du financement par le recours au marché de capitaux bute contre le manque de garantie des émissions obligataires classiques…
Afifa Dassouli