
Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson (g) et le Premier ministre thaïlandais, le général Prayuth Chan-O-Cha, le 8 août 2017 à Bangkok © POOL/AFP RUNGROJ YONGRIT / POOL
Rex Tillerson s’est rendu mardi en Thaïlande, une première pour un secrétaire d’Etat américain depuis le coup d’Etat de 2014, afin de tenter de convaincre Bangkok d’isoler Pyongyang en mettant fin à ses activités économiques menées depuis le royaume.
Les Etats-Unis sont inquiets de l’existence de compagnies nord-coréennes d’export-import utilisant Bangkok comme « hub » régional, changeant leurs noms fréquemment, a expliqué devant la presse Susan Thornton, haute diplomate voyageant avec M. Tillerson.
Washington voudrait convaincre les militaires thaïlandais de fermer ces compagnies écran afin de couper ce canal commercial utilisé jusqu’ici sans restriction par la Corée du Nord.
Cette visite intervient alors que le durcissement des sanctions de l’ONU, sous l’impulsion de Washington, pourrait coûter à la Corée du Nord un milliard de dollars de revenus annuels tout en restreignant des échanges économiques cruciaux avec la Chine, son principal allié et partenaire économique.
Alliée traditionnelle de Washington, la Thaïlande est cependant un des rares pays d’Asie du Sud-Est à accueillir une ambassade nord-coréenne et entretient des liens commerciaux importants avec Pyongyang.
Selon la diplomatie thaïlandaise, Bangkok est le troisième plus important partenaire commercial pour Pyongyang, après Pékin et Séoul: les échanges commerciaux entre les deux pays étaient de plus de cent millions d’euros en 2014.
Officiellement, la Corée du Nord exporte du matériel électrique et chimique, la Thaïlande envoyant en Corée du Nord sucre, poisson ou caoutchouc.
– Durcissement sur les visas –
Autre moyen de resserrer l’étau sur Pyongyang: Washington demande à la Thaïlande de durcir le régime de visas pour les Nord-Coréens, des plus souples jusqu’ici.
Ce durcissement ne doit pas concerner les réfugiés nord-coréens, nombreux à fuir par la Thaïlande vers la Corée du Sud, a insisté Mme Thornton.
Le secrétaire d’Etat américain avait exclu lundi, lors d’un sommet régional à Manille -où la Thaïlande était représentée- un retour rapide au dialogue avec la Corée du Nord.
Il avait estimé que la nouvelle volée de sanctions infligées à Pyongyang par l’ONU démontrait que la planète avait perdu patience face à ses ambitions nucléaires.
La Corée du Nord a assuré que le durcissement sensible des sanctions de l’ONU ne l’empêcherait pas de développer son arsenal nucléaire, prévenant qu’elle ne négocierait pas sous la menace des Etats-Unis.
Avant de s’envoler vers la Malaisie voisine, Rex Tillerson a rencontré à Bangkok le chef de la junte militaire, le général Prayut Chan-O-Cha, sans déclarations à l’issue.
« Concernant la situation sur la péninsule coréenne, la Thaïlande est prête à coopérer et à apporter son aide », a cependant assuré le porte-parole de la junte, Werachon Sukhondapatipak.
Rex Tillerson s’est aussi recueilli devant la dépouille du roi Bhumibol Adulyadej, décédé en octobre dernier et dont le corps est conservé depuis au palais royal, la tradition thaïe prévoyant des funérailles royales un an après.
Rex Tillerson, qui s’est souvent rendu en Thaïlande à l’époque où il dirigeait ExxonMobil, a expliqué devant le personnel de l’ambassade américaine à Bangkok qu’il s’agissait de « développer » la relation avec ce vieil allié historique, base arrière des Etats-Unis lors de la guerre du Vietnam.
Il a cependant reconnu « les hauts et les bas » de cette relation, alors que les Etats-Unis ont baissé la voilure sur plusieurs programmes de coopération avec Bangkok, notamment son grand entraînement militaire régional conjoint Cobra, de moindre envergure depuis 2014.
Depuis le renversement du gouvernement civil en Thaïlande par une junte militaire ultra-royaliste, les rassemblements à caractère politique restent interdits, entre autres restrictions à la liberté d’expression, critiquées par Washington après le coup d’Etat.
Les arrestations des détracteurs de la junte et de la monarchie se sont multipliées. Et aucune date d’élection n’a été donnée. Autant de points sur lesquels l’administration Obama a été critique par le passé.
LNT avec Afp