Avec les femmes du village de Ouirgane, une commune rurale de la province d’Al Haouz, dans la région de Marrakech-Safi, Kenza Fenjiro, dont la famille possède un hôtel dans la région depuis 45ans, a contribué à la création de l’association « Tamounte ». Une idée qui a émergé d’une dynamique commune, tient-elle à préciser.
Née en janvier 2016, l’Association propose aux femmes du village des cours d’alphabétisation, mais aussi des ateliers d’apprentissage du tissage, broderie traditionnelle, tricot, vannerie, etc.
Le tapis Boucharwite, littéralement « bouts de chiffons », un produit typique de la région, est en quelque sorte la marque de fabrique de l’Association. Rencontre.
La Nouvelle Tribune : Comment est née l’association Tamounte?
Kenza Fenjiro : L’histoire a commencé lorsque l’on a rénové une partie de l’hôtel, notamment le Spa. Nous avons alors acheté des tapis « boucherwite » chez les femmes du village pour la décoration de l’hôtel. Pour nous, il fallait faire quelque chose de ce savoir-faire. On a alors expliqué aux femmes que ce qu’elles faisaient est redevenu à la mode, et qu’il y a une demande pour ce genre de produit. C’est comme ça que l’idée est venue de créer cette association avec la collaboration et l’aide des femmes du village. Cela a aussi émané d’une envie de continuer à travailler et faire des choses ensemble, puisque justement « tamounte » veut dire « ensemble » en berbère.
Quel rôle joue aujourd’hui l’association pour les femmes du village?
Tamounte est aujourd’hui une association qui oeuvre pour le développement de la femme et de l’enfant dans le milieu rural. C’est aussi un espace communautaire où plusieurs cours sont dispensés, notamment des cours d’alphabétisation donnés par la présidente de l’association Mme Najate Zarouale, etc. C’est également un lieu d’échanges où les femmes du village peuvent se retrouver entre elles et partager leur savoir-faire. Celles qui savent tricoter apprennent à celle qui savent broder et vice versa. Cette association est un peu une bouffée d’oxygène pour ces femmes qui ne travaillent pas pour la plupart.
Quelle est votre contribution au sein de Tamounte?
Ce que nous faisons, c’est conseiller les femmes, notamment pour la production des tapis. Avant, elles faisaient de très grandes pièces, et on leur a expliqué que ce qui se vendait le mieux c’était les formats plus petits, comme les descentes de lit, etc.
Pour ma part, je gère la page Facebook de l’association, à travers laquelle je communique sur les différents travaux des femmes et les projets réalisés pour donner de la visibilité à l’association. Je m’occupe également de la collecte de dons, aides et autres, mais aussi de la récupération des chutes de tissus chez les couturiers de Marrakech, que j’apporte aux femmes. De là, nous travaillons ensemble sur le format des tapis, les motifs, couleurs, etc. Je travaille avec elles également en tant que bénévole dans l’association et les oriente sur ce qui va le plus plaire aux acheteurs et pourrait s’adapter à un intérieur moderne. Il est sûr qu’elles ont le savoir-faire, mais il faut que leurs créations s’adaptent à tous les intérieurs, aussi bien au Maroc qu’à l’étranger, pour que ça se vende mieux. Lorsque l’on a des touristes à l’hôtel, on les emmène visiter l’association et rencontrer les femmes, ils font un achat solidaire et repartent avec un petit tapis. Le souvenir d’un moment de partage!
Quelles ont été les initiatives entreprises par l’association depuis sa création?
Parmi les initiatives entreprises, il y a la relance du panier traditionnel en « doum » (feuilles de palmiers). On a eu cette idée après le passage au « zero mika ». Les paniers sont également customisés avec du « boucherwite ». C’est un produit qui se vend très bien, et qui a l’avantage d’être utilisé aussi bien pour aller au marché qu’à la plage.
On fait également des collectes d’habits, de fournitures, etc., que l’on distribue via l’association aux gens du village.
Cet été, par exemple, nous avons reçu une cliente à l’hôtel qui a entendu parlé de l’association et qui a voulu la visiter. Elle a ramené des peluches qu’elle a offertes aux enfants, et lors d’une discussion on a parlé de scolarité. L’idée est venue de lancer une cagnotte pour la rentrée scolaire. En effet, cette dame a créé une cagnotte en France et on a pu collecter 15 000 dhs grâce à des dons de l’étranger mais aussi du Maroc. On s’est rendus donc à l’école du village pour proposer d’offrir les fournitures, et là on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas assez de livres scolaires pour les 216 élèves que compte l’école.
Il est vrai que l’Etat fait des dotations, mais ça ne couvre que 30% des besoins des écoles. Donc grâce à cette cagnotte, on a pu acheter tous les livres scolaires pour toute l’école, mais aussi les fournitures scolaires, et cartables.
Lorsque l’on a visité l’école, on s’est aussi rendu compte qu’elle était dans un piteux état.
Nous avons donc, avec les parents des élèves, les habitants du village, et l’association Tifawine qui est composée de jeunes du village qui ont étudié à l’école de Ouirgane et qui sont aujourd’hui étudiants à la faculté de Marrakech, décidé de communiquer sur nos pages Facebook et autres réseaux sociaux pour trouver des dons. Et là on s’est rendu compte de la générosité des Marocains et de leur engagement social. On a reçu un appel d’une entreprise de Casablanca qui nous a fait don de toitures des classes en panneaux sandwich isolés. On a aussi reçu des dons en argent qui nous ont permis de refaire la peinture, l’électricité, les installations sanitaires, etc. Notre appel de solidarité est parvenu à une dame de Casablanca qui a également eu écho des travaux et a décidé de prendre en charge la construction totale d’une classe avec l’isolation, le double vitrage, le chauffage, la ventilation, les tables, les chaises, etc., qui est aujourd’hui une classe type et le joyau de cette école.
On a également lancé une crèche avec un système de parrainage des enfants pour que les parents qui n’ont pas les moyens de payer 50 dhs, coût de la garderie, puissent quand même inscrire leurs enfants. Aujourd’hui les gens peuvent parrainer un enfant, faire son suivi scolaire et soutenir les parents.
Je tiens aussi à mettre en valeur le travail effectué par l’association Tifawine le village de Ouirgane qui fait des animations auprès des enfants du village et de l’école, de la sensibilisation notamment contre le cancer du sein, etc.
La solidarité c’est ensemble!
Pour plus d’information ou pour soutenir l’association, vous pouvez vous rendre sur la page Facebook Association Tamounte – Ouirgane.
Propos recueillis par
Asmaa Loudni