Une photo prise le 1er février 2018 montre un avion de combat russe - Sukhoi-25- au dessus de la ville de Saraqeb, dans la province d'Idleb (nord-ouest de la Syrie) © AFP/Archives OMAR HAJ KADOUR
Près de 80 rebelles syriens affiliés à la Turquie ont été tués lundi dans des frappes attribuées à la Russie contre leur camp d’entraînement à Idleb en Syrie, l’escalade la plus meurtrière dans cette région depuis huit mois.
Dans la guerre complexe en Syrie, la Russie aide militairement le régime de Bachar al-Assad et la Turquie soutient des groupes rebelles dans la province d’Idleb (nord-ouest), ultime grand bastion jihadiste et rebelle.
A Idleb, les deux puissances étrangères ont négocié plusieurs cessez-le-feu et une trêve tient depuis mars en dépit d’affrontements sporadiques.
Les frappes aériennes, attribuées à Moscou par un responsable rebelle et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), ont visé un camp d’entraînement de Faylaq al-Cham, un des principaux groupes de rebelles syriens soutenus par la Turquie voisine.
Elles ont tué « 78 combattants » et blessé une centaine dans la région de Jabal al-Douayli, tout près de la frontière turque, selon le directeur de l’Observatoire, Rami Abdel Rahmane. Certains blessés sont « dans un état critique » et le bilan pourrait s’alourdir.
Dans la ville d’Idleb, des dizaines de personnes ont participé aux funérailles, avec une prière collective devant des cercueils alignés.
« Le bilan est le plus lourd depuis l’entrée en vigueur de la trêve » à Idleb, a indiqué M. Abdel Rahmane. Des dizaines de combattants se trouvaient dans le camp au moment des frappes.
Dans un communiqué, le Front de libération nationale, coalition de groupes rebelles affiliés à Ankara dont fait partie Faylaq al-Cham, a reconnu la mort d’un « grand nombre » de ses membres, dénonçant un « crime odieux, qui fait partie intégrante de la série de crimes russes » et promettant des représailles.
– « Risque élevé » –
Pour l’analyste Nicholas Heras, la Russie envoie un « message » à la Turquie, les deux pays soutenant également des camps rivaux en Libye et au Nagorny-Karabakh.
Elle montre qu’elle « peut frapper les supplétifs syriens (d’Ankara) autant qu’elle le souhaite, si la Turquie n’engage pas une désescalade des activités militaires allant à l’encontre des intérêts russes en Libye, en Syrie et dans le Nagorny-Karabakh », a-t-il dit.
Des combattants de Faylaq al-Cham ont rejoint des centaines d’insurgés syriens envoyés en Libye, plongée dans le chaos, et plus récemment au Nagorny-Karabakh où un conflit oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan.
« La Turquie étant actuellement préoccupée par le Nagorny-Karabakh, elle pourrait ne pas riposter immédiatement, ce qui permettrait de prévenir une nouvelle escalade à Idleb », estime pour sa part Samuel Ramani, chercheur à l’Université d’Oxford.
« Mais le risque reste élevé, les deux parties étant fondamentalement en désaccord sur l’avenir de la région », ajoute-t-il.
Environ la moitié de la région d’Idleb est sous contrôle des jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda présente également dans des territoires adjacents, dans les provinces voisines de Lattaquié, Hama et Alep.
Lundi, HTS a déploré « un massacre » contre « nos frères de Faylaq al-Cham » et le « peuple syrien ».
La trêve décrétée en mars avait stoppé une énième offensive du régime qui, accompagnée de frappes quasi-quotidiennes des aviations syrienne et russe, a coûté la vie à plus de 500 civils, selon l’OSDH.
Elle avait déplacé près d’un million d’habitants, installés essentiellement depuis dans des camps informels à la frontière avec la Turquie. Parmi eux, près de 235.000 personnes ont fait le choix du retour, profitant de la trêve, selon l’ONU.
– Au point mort –
L’offensive d’Idleb était alors le principal front de la guerre en Syrie, le régime, aidé militairement par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais, ayant réussi à reprendre le contrôle de plus de 70% du territoire.
Déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, le conflit s’est complexifié au fil des ans avec l’implication de puissances étrangères et de groupes jihadistes.
La guerre a fait plus de 380.000 morts et poussé à la fuite plusieurs millions de personnes.
Mais les négociations de paix entre régime et opposition, sous l’égide de l’ONU, sont au point mort.
L’envoyé spécial de l’ONU Geir Pedersen a rencontré dimanche à Damas le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem.
Il a espéré « trouver un terrain d’entente sur comment faire avancer le processus » politique, pour mettre fin au conflit.
Le responsable onusien enchaîne les rencontres avec le régime, mais aussi avec des figures de l’opposition et des responsables à Moscou ou Ankara, sans succès jusqu’à présent.
LNT avec Afp