Des combattants rebelles syriens et leurs familles évacués du quartier de Qaboun, à Damas, arrivent le 15 mai 2017 dans un camp provisoire à Idleb © AFP Omar haj kadour
Le régime syrien est sur le point de rétablir son autorité sur la totalité de Damas après six ans de guerre qui ont causé des destructions dans des quartiers périphériques et des mouvements de population.
Avec l’évacuation des rebelles de Barzé, Techrine et Qaboun, places fortes de l’opposition depuis mars 2011, les insurgés voient s’envoler leur rêve de prendre la capitale et de ce fait de renverser le régime en place depuis 50 ans.
« Avec la prise de ces trois quartiers, le régime contrôle quasiment toute la capitale. Il ne reste plus aux rebelles à l’est qu’une partie de Jobar, qui est en grande partie détruit », assure Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Dans le sud, à Tadamoun, dans le camp palestinien de Yarmouk et à Hajar al-Aswad, les rebelles sont peu nombreux face aux jihadistes, notamment du groupe Etat islamique (EI), a-t-il précisé.
« Alep repris et Damas en passe de l’être totalement, cela signifie que la rébellion n’est plus une alternative politique ou militaire. Le régime n’est donc aucunement menacé et n’a pas besoin de faire de concessions », souligne le géographe français Fabrice Balanche.
– Vital pour Assad –
Mais le président Bachar al-Assad revient de loin.
Sa plus grande alerte remonte au 15 juillet 2012, lorsque des milliers de rebelles avaient conquis plusieurs quartiers lors de l’opération « Volcan sur Damas ». Il a fallu aux troupes d’élite du régime plus de deux semaines pour les repousser.
Récemment, le 19 mars, des groupes rebelles et des jihadistes du Front Fateh al-Cham ont lancé, à partir de Jobar, une offensive surprise et pénétré brièvement sur la place des Abbassides, limitrophe du centre, avant d’être repoussés.
Depuis six ans, la capitale, avec ses 1,6 million d’habitants, a été cependant bien moins abîmée que les deux métropoles d’Homs et Alep, ravagées par les combats.
« Le régime s’est retrouvé consolidé grâce aux forces étrangères russes et iraniennes au détriment d’un peuple sans défense », déclare à l’AFP Mohammad Allouche, dirigeant de Jaich al-Islam (Armée de l’Islam), le groupe rebelle le plus puissant autour de Damas. « Il ne s’agit pas d’une victoire du régime mais du résultat de sa trahison des engagements d’Astana », selon lui.
L’accord signé le 4 mai à Astana par la Russie, l’Iran et la Turquie porte sur la création de quatre « zones de désescalade » en Syrie, mais sans mentionner la capitale.
– Isoler la Ghouta orientale –
Pour Mohammad Allouche, « le régime a désormais un plan pour avaler le quartier de Jobar dans la prochaine phase et se diriger ensuite vers la Ghouta » orientale.
Située à l’est de Damas, cette vaste région agricole péri-industrielle et résidentielle a rejoint très tôt l’opposition au régime.
Mais le mouvement chiite libanais Hezbollah, allié au régime, a réussi à couper toutes les routes reliant le Liban à Damas et à la Ghouta en prenant position dans Qalamoun, à la frontière entre les deux pays.
« En stoppant les sources de ravitaillement d’armes, d’hommes et de provisions depuis le Liban, le régime et ses alliés ont coupé les pieds des rebelles de Damas », explique Joshua Landis, directeur du Centre d’études pour le Moyen-Orient à l’université d’Oklahoma.
Pour Aron Lund, chercheur à la Century Fondation, « l’avenir semble très sombre à long terme » pour ces rebelles. Car les trois quartiers repris par le régime « abritaient des tunnels qui permettaient d’approvisionner la Ghouta orientale. Leur perte va affaiblir les rebelles et le gouvernement va avoir plus de moyens de pression sur eux ».
« C’est un tournant dans le conflit », se félicite Ahmed Mounir Mohammed, conseiller auprès du gouvernement pour la réconciliation nationale. « C’est une victoire de l’Etat syrien aux niveaux national, militaire, social et régional ».
Il nie que les « accords de réconciliation », qui ont entraîné ces derniers jours le départ de milliers de personnes des quartiers rebelles, provoquent un changement démographique. L’habitant « qui a souhaité régulariser sa situation est resté chez lui, alors que celui qui est parti l’a fait à sa demande », assure-t-il.
En revanche, Mohammad Allouche qualifie de « crime contre l’Humanité les déplacements de population ».
LNT avec Afp