Bank Al-Maghrib organise, en collaboration avec le Ministère de l’Économie et des Finances, l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux (AMMC) et l’Autorité Marocaine de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), la 4ème édition du Symposium régional de haut niveau sur la stabilité financière, à Rabat les 26 et 27 novembre, sous le thème « Stabilité financière en Afrique à l’épreuve des incertitudes géoéconomiques et des risques émergents ». L’événement réunit des régulateurs, des experts financiers, des représentants d’institutions internationales et des décideurs politiques pour réfléchir aux défis actuels et futurs liés à la stabilité financière sur le continent.
La première matinée a été marquée par des interventions de haut niveau, notamment celle de M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, qui a ouvert les travaux.
Un plaidoyer pour la coopération panafricaine
Dans son discours inaugural, M. Abdellatif Jouahri a rappelé l’importance de ce symposium, qualifié de plateforme unique pour renforcer la stabilité financière à travers une coopération renforcée entre les régulateurs africains et internationaux. Mettant en avant le rôle du Comité Marocain de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques, il a salué les efforts conjoints des trois régulateurs marocains – Bank Al-Maghrib, l’AMMC et l’ACAPS.
Le Wali de BAM a situé cette édition dans un contexte marqué par des défis complexes : les séquelles de la pandémie de COVID-19, la multiplication des conflits géopolitiques, les impacts du changement climatique, et la montée de nouveaux risques liés à la digitalisation et à l’intelligence artificielle. Il a particulièrement insisté sur la montée des niveaux d’endettement en Afrique, qui atteint près de 1 800 milliards de dollars, selon le FMI, soit 60 % du PIB pour les pays subsahariens et 77 % pour ceux d’Afrique du Nord.
« La prise de décisions dans ce contexte de forte incertitude est un défi pour les acteurs publics et privés », a-t-il souligné, tout en mettant en lumière les efforts marocains pour intégrer les risques climatiques dans les cadres de régulation. Il a évoqué des initiatives concrètes, telles que la directive de 2021 obligeant les banques marocaines à inclure les risques climatiques dans leur gestion, et une étude pionnière sur ces risques réalisée avec la Banque mondiale.
Un appel à une approche globale et interconnectée
Martin Moloney, Secrétaire Général Adjoint du Conseil de Stabilité Financière (FSB), a renforcé l’idée que la stabilité financière est une responsabilité collective dans un monde de plus en plus interconnecté. « Ce qui se passe sur un marché financier, qu’il soit à New York, Rabat ou Tokyo, peut avoir des répercussions globales, » a-t-il déclaré, en illustrant ce propos par les récentes perturbations des marchés japonais et leur impact mondial.
M. Moloney a également mis en exergue les défis spécifiques auxquels l’Afrique est confrontée dans le domaine des paiements transfrontaliers. Il a pointé les coûts élevés et les inefficacités qui entravent encore les flux financiers, soulignant que les populations les plus vulnérables, comme celles qui dépendent des envois de fonds, en pâtissent le plus. « Nous devons persévérer pour rendre ces systèmes plus rapides, moins coûteux et plus transparents, » a-t-il insisté.
Il a également évoqué les initiatives du FSB pour gérer les vulnérabilités financières mondiales, allant des questions climatiques à l’impact de l’innovation technologique.
Le secteur des assurances face aux risques émergents
Romain Paserot, Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Superviseurs des Assurances (IAIS), a présenté un diagnostic détaillé des risques affectant le secteur des assurances. Bien que le secteur reste globalement stable en termes de solvabilité et de rentabilité, il fait face à des défis croissants, notamment la montée des actifs illiquides et complexes, en grande partie dus à des changements dans les normes comptables.
M. Paserot a également évoqué les risques géopolitiques, climatiques et liés à la digitalisation. Il a mis en avant les efforts des superviseurs, y compris ceux d’ACAPS au Maroc, pour renforcer la résilience des entreprises d’assurances face à ces défis, notamment par le biais de tests de résistance et de stratégies de financement d’urgence.
Promouvoir la collaboration régionale pour une résilience accrue
Nezha Hayat, Présidente de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), a plaidé pour une coopération renforcée entre les régulateurs africains et les organisations internationales telles que l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (IOSCO). Elle a souligné l’importance de l’intégration des considérations climatiques et technologiques dans les stratégies financières.
Mme Hayat a également détaillé les initiatives de l’AMERC (Africa and Middle East Regional Committee) pour renforcer la surveillance des risques systémiques, notamment par la création de groupes de travail sur la finance durable et la fintech. « La collaboration et le partage d’expériences sont essentiels pour anticiper et gérer les risques émergents, » a-t-elle conclu.
Un plaidoyer pour des solutions adaptées aux spécificités africaines
Intervenant à distance, le Dr Rama Krishna Sithanen, Gouverneur de la Banque de Maurice, a insisté sur l’importance d’adopter des politiques adaptées à la diversité des économies africaines, tout en mettant en avant les défis communs tels que la hausse de la dette, les impacts climatiques et les tensions géopolitiques.
Il a souligné que des initiatives comme la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) peuvent jouer un rôle crucial dans le renforcement de la résilience économique. M. Sithanen a également mis en avant le rôle croissant des technologies financières tout en appelant à une régulation prudente pour en minimiser les risques, notamment dans le domaine de la cybersécurité.
Les discussions de cette première matinée ont mis en lumière des problématiques variées, allant des impacts climatiques à la gestion des actifs complexes, tout en soulignant l’urgence d’une coopération renforcée entre les régulateurs. Les intervenants ont unanimement appelé à des actions concertées pour relever les défis géoéconomiques et climatiques, tout en exploitant les opportunités offertes par la digitalisation.
Le symposium continue avec des panels approfondissant les thèmes de la finance durable, de la cybersécurité et des cryptoactifs, avec des contributions prévues de plusieurs experts internationaux.
Selim Benabdelkhalek