Le président srilankais Ranil Wickremesinghe (d) reçoit le chef de la mission du FMI au Sri Lanka Peter Breuer (2e à g) à Colombo, le 1er septembre 2022
Le Fonds monétaire international a annoncé jeudi que le Sri Lanka, plongé depuis des mois dans une profonde crise économique, recevrait une aide conditionnelle de 2,9 milliards de dollars pour assainir ses finances mais devra aussi obtenir des « assurances financières » de ses créanciers.
Le conseil d’administration du FMI devra en outre ratifier l’accord conclu par les services de l’organisation internationale jeudi.
« Les objectifs du nouveau programme du Sri Lanka, soutenus par le Fonds, sont de rétablir la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette », a affirmé le FMI dans un communiqué, après neuf jours de négociations à Colombo.
« C’est une étape importante dans l’histoire de notre pays », a déclaré le président Ranil Wickremesinghe dans son bureau jeudi.
« Les débuts seront difficiles », a-t-il ajouté, « seul notre engagement compte à présent, car nous devons non seulement atteindre les objectifs fixés, mais aussi les dépasser ».
Le pays de 22 millions d’habitants est ravagé par une crise économique historique, marquée depuis des mois par de sévères pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments.
« Le Sri Lanka est confronté à une crise aiguë (…) supportée de manière disproportionnée par les populations pauvres et vulnérables », a fait valoir le FMI.
L’île d’Asie du Sud a fait défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars à la mi-avril.
– « Sacrifices importants » –
Le chef de la mission du FMI au Sri Lanka, Peter Breuer, n’était pas en mesure de dire jeudi aux journalistes quand le financement serait disponible, mais a souligné que les besoins du Sri Lanka étaient « urgents ».
Il a précisé que le soutien financier du FMI ne suffirait pas à résoudre la crise du pays, tout en exprimant l’espoir qu’un programme supervisé par le FMI serve de « catalyseur » pour obtenir davantage d’aide.
« Un financement supplémentaire de la part des partenaires multilatéraux sera nécessaire pour combler les écarts de financement », a-t-il ajouté.
Selon le FMI, le Sri Lanka a accepté d’augmenter ses recettes, de supprimer les subventions, d’assurer un taux de change flexible et de reconstituer ses réserves de devises asséchées.
« Nous devrons faire des sacrifices importants », a averti jeudi le Premier ministre Dinesh Gunawardena au Parlement.
Le président Ranil Wickremesinghe, qui a pris ses fonctions en juillet, a annoncé cette semaine une hausse de la TVA de 12 à 15% pour tous les biens et services à partir de ce jeudi.
Son gouvernement avait déjà multiplié par plus de trois les prix du carburant et de l’électricité et supprimé les subventions à l’énergie, une condition préalable essentielle au renflouement par le FMI.
– « Faire beaucoup plus » –
A cet égard, M. Breuer a rappelé qu’il fallait que le Sri Lanka obtienne de ses créanciers, principalement la Chine, l’Inde et le Japon, des « assurances financières », entre d’autres termes des décotes.
« Si les créanciers ne sont pas disposés à fournir ces assurances, cela aggravera effectivement la crise au Sri Lanka et sapera sa capacité de remboursement », a-t-il prévenu.
« Il est donc vraiment dans l’intérêt de tous les créanciers de travailler avec le Sri Lanka sur ce front », a ajouté M. Breuer.
La Chine est le premier créancier bilatéral détenant plus de 10% de la dette extérieure du Sri Lanka.
Des fonctionnaires impliqués dans le processus avaient déclaré au début du mois qu’il était crucial de conclure un accord avec Pékin. La Chine n’a cependant pas publiquement varié de position depuis son offre de prêts supplémentaires, pour éviter une décote de ses créances.
Pour l’analyste financier W. A. Wijewardena, ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale du Sri Lanka, Colombo devra procéder à des ajustements douloureux.
« Le Sri Lanka va devoir faire beaucoup plus pour satisfaire aux exigences du FMI afin que le MDCE (mécanisme de crédit élargi) soit approuvé par le conseil d’administration », a déclaré M. Wijewardena à l’AFP, « la viabilité de la dette est le point crucial ».
Il a ajouté que l’augmentation des recettes publiques constituait également un sérieux défi, compte tenu du piètre état de l’économie.
L’activité économique de l’île subira cette année une contraction plus grave que prévu, de 8%, a annoncé la Banque centrale la semaine dernière. Et l’inflation a battu un nouveau record en août, s’élevant à 64,3% sur un an.
Le Sri Lanka impose des restrictions aux importations depuis mars 2020 afin d’économiser les devises et permettre de financer en priorité l’importation de produits de première nécessité.
Plusieurs mois d’agitation et de manifestations d’une population exaspérée par les privations ont eu raison de Gotabaya Rajapaksa, le prédécesseur de M. Wickremesinghe, contraint de fuir en juillet à l’étranger où il a démissionné.
LNT avec Afp