L’Entreprise, indifféremment de sa taille, même s’il y a toujours un plus petit que soi, a été l’acteur économique le plus incompris de la crise conséquente et multiforme qui a sévi à grande vitesse au Maroc depuis l’apparition du COVID-19 dans notre pays.
En effet, elle a connu tout simplement un arrêt d’activité associé à d’énormes difficultés de recouvrement.
Et pour cause, car elle ne pouvait exiger de ses clients d’honorer le paiement de ses factures échues quand elle même se trouvait dans l’incapacité de payer ses fournisseurs, qui sont nombreux à intervenir dans son activité, du fait de l’assèchement de sa trésorerie.
En effet, pour sa continuité, et par ordre d’importance, elle a poursuivi le versement des salaires de ses employés même s’ils ne travaillaient plus, subi tous les prélèvements automatiques engagés qui vont des échéances de crédits, de crédits-bails et de loyers, au paiement des opérateurs téléphoniques, des distributeurs d’eau et d’électricité, puis payé les fournisseurs partenaires de son activité.
Cependant, il ne faut croire que cette situation est inédite et qu’elle a été engendrée par le coronavirus. C’est une gymnastique mensuelle à laquelle l’Entreprise se livre, celle de gérer une trésorerie restreinte, espérant à chaque fois recouvrir son chiffre d’affaires échu et régler ses charges de différentes natures.
Or, la dure réalité, induite par la survenance de la crise, l’a assommée alors qu’à mi-mars, son activité de 2020 était à peine lancée, avec deux mois et demis de chiffre d’affaires, comment terminer l’année ?
Certes l’État a pris des mesures de soutien à la trésorerie de l’Entreprise, mais en les examinant de près, elles ne peuvent réellement la sauver.
Concrètement, quelles sont lesdites mesures ?
Il y a le report des échéances fiscales relatives à l’IS au 30 juin 2020 pour les entreprises qui ont réalisé un chiffre d’affaires de 20 MDHS en 2019.
Cette mesure ne concerne pas l’Entreprise marocaine moyenne car elle ne paye généralement pas d’IS tant elle travaille au jour le jour et dégage donc rarement des bénéfices.
Ensuite, il y a les mesures monétaires et financières mises en place conjointement par le Ministère des Finances, Bank Al-Maghrib, le GPBM et la CCG, lesquelles consistent à
– accélérer le paiement des fournisseurs des entreprises publiques,
– Baisser de 50 points de base le taux directeur à 1,5% pour encourager le crédit bancaire associé au rallongement des délais des instruments de refinancement de BAM,
– Reporter les échéances des crédits bancaires,
– Créer le fonds de garantie Damane Oxygène pour la couverture des besoins de découvert des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 MDHS, au taux de 2,2 %, remboursable au maximum au 31 décembre 2020.
Sans vouloir se répéter, ces instruments sont destinés à améliorer le financement de l’économie dans son ensemble, ce qui est faisable et nécessaire dans le temps car les conséquences de la crise actuelle seront très longues dans la durée, sans doute sur des années.
L’autre objectif de ces mesures, qui consistent à soulager la trésorerie des TPME et combler leurs besoins de financement sur le court et moyen termes, sont, quant à elles, illusoires.
Dans notre pays en effet, l’Entreprise ne connaît pas des besoins de trésorerie passagers qui se résoudraient d’ici le 30 juillet prochain, soit « demain » !
Son activité, qui s’est arrêtée durant plusieurs mois, ne repartira pas aussi vite qu’elle a été stoppée net alors que sa trésorerie dépend de son activité.
L’Entreprise ne pourra repartir que de zéro, comme si elle devait renaître et il lui faut donc un capital comme pour une création.
Or, les mesures prises par l’État lui demandent de se refaire des plumes dans des délais très brefs tout à la fois pour payer ses arriérés d’impôts, IS TVA IR, ses charges sociales et de personnel, tout en recommençant à honorer les échéances de ses crédits bancaires.
Comment pourra-t-elle, avec une activité en faible démarrage, comme ça ne pourra qu’être le cas, faire face à ces arriérés, tout en essayant de reprendre un rythme d’activité normale ?
Le fonds Oxygène, décidément bien nommé, de la CGG, ne suffira certainement pas à booster la TPME, mais là au moins, la Caisse Centrale de Garantie assurera par définition son rôle de garantie des crédits du genre qui ne seront pas remboursés.
Par contre, les autres outils de soulagement de la trésorerie ne font que repousser dans le temps les engagements de l’entreprise auxquels elle ne pourra pas faire face !
La PME attend aujourd’hui donc de nouvelles annonces et mesures en faveur de la reprise de son activité, sans quoi elle ne survivra pas à la crise du Coronavirus…
Afifa Dassouli