Le Maroc, face à la détérioration de sa situation extérieure et pour la préservation de sa réserve en devises a dû procéder à un tirage sur la Ligne de Précaution et de liquidité (LPL) pour 3 milliards de dollars.
Le FMI qui accompagne notre pays sur le long terme, lui a accordé des conditions très favorables compte tenu des conséquences économiques graves de la pandémie.
En effet, le prêt en question est de 5 ans avec une période de grâce de 3 ans, soit dans 8 ans.
Si la ligne de précaution et de liquidité est de nature à servir contre les chocs extrêmes, ceux provoqués par la Covid-19, en traduisent plus qu’un. Il s’agit d’une récession économique mondiale dont l’ampleur est incomensurable.
Par contre, pour le Maroc dont l’économie a des secteurs d’activités orientés vers l’extérieur, à savoir les métiers mondiaux, les recettes au titre des voyages, les transferts des marocains résidents à l’étranger et les investissements directs étrangers, la fragilité n’est pas seulement économique, elle relève aussi de ses réserves de change et donc de la solvabilité du pays en devises qui conditionne la confiance des investisseurs étrangers et des partenaires multilatéraux et bilatéraux du pays.
C’est pourquoi, le tirage sur la LCL s’est fait en devises et a profité spécifiquement à Bank Al-Maghrib qui l’a affecté essentiellement au financement de la balance des paiements donc au maintien des 5 mois de réserves de devises nécessaires mais déjà entamés, pour faire face aux importations de première nécessité et aux intrants, nécessaires à la reprise de notre économie .
Cette opération a été surtout des plus importantes pour éviter une dépréciation de notre monnaie, une inflation conséquente et des réactions en cascade, ce qui aurait transformé la crise économique en crise de solvabilité du pays.
D’autant qu’à l’origine de cette crise inévitable, il y a le recul du commerce mondial en 2020 qui a atteint 4,3% du fait du double choc de l’offre et de la demande. C’est la pire dépression depuis 2009 et déjà en 2019, il perdait 0,4 %.
Cette chute n’est pas finie, alors que les soldes extérieurs de notre pays sont doublement déficitaires au niveau de la balance commerciale et de celle des paiements et que le premier pèse naturellement sur le second, impliquant une fragilité du solde extérieur du Maroc, alors que les premiers éléments d’évaluation de l’impact du nouveau sur les principaux secteurs exportateurs sont forts.
En effet, une évaluation préliminaire des impacts attendus de la propagation mondiale du Covid-19 sur les échanges extérieurs du Maroc a été réalisé sur la base des données provisoires, de sources différentes.
Il en ressort que la pression de la crise économique exercée sur le commerce mondial, a affecté en premier les activités des entreprises dont les chaines de valeur sont fortement liées aux entreprises chinoises.
Et le Maroc en a été doublement victime, au niveau de la production économique et du commerce extérieur.
En ce qui concerne les échanges commerciaux entre le Maroc et la Chine, il faut savoir qu’ils sont très déséquilibrés, en notre défaveur.
Ils se caractérisent par une prépondérance des importations puisque celles-ci représentent vingt fois les exportations du Maroc à destination de ce pays : soit en chiffres 49,9 Mds DH d’importations contre seulement 2,5 Mds DH d’exportations en 2019.
Et surtout, la Chine a occupé en 2019 la place du troisième fournisseur du Maroc avec une part de 10,2% de nos importations.
En 2020, cette tendance reste sur la même tendance haussière au titre des deux premiers mois de l’année et se situe à des niveaux encore plus élevés par rapport à 2019, soit une hausse de 9,7% en janvier 2020 et un accroissement de 31,2% pour le mois de février. Quand, fait aggravant, les exportations à fin février à destination de la Chine enregistrent pour leur part, une baisse importante de 32%.
Par ailleurs, les mesures prises en Europe conséquentes à la crise sanitaire, freinent considérablement les perspectives commerciales mondiales et impactent encore plus la production et le commerce extérieur du Maroc.
Ainsi, en ce qui concerne la production des principaux secteurs exportateurs du Maroc, les importations d’intrants ont été freinées dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de l’électronique, le textile et cuir, les mettant en difficulté.
C’est l’Europe qui constitue le principal partenaire du Maroc en matière des échanges commerciaux avec 64% des importations et 70% des exportations. Les 3 principaux pays partenaires du Maroc étant l’Italie, l’Espagne et la France.
Selon les chiffres des prévisions dont nous disposons, les importations d’intrants de l’Italie, alors qu’il s’agissait du premier pays européen affecté par la pandémie, représentent une part importante pour le secteur textile, soit 15,3%, suivi du secteur électronique avec 7,8% et du secteur de l’automobile de 3,8%. S’agissant des exportations vers ce pays, les secteurs qui ont été les plus touchés sont l’électronique, l’automobile et dans une moindre mesure textile et cuir.
En ce qui concerne l’Espagne, elle est bien le premier fournisseur et client du Maroc !
Les échanges avec ce pays ont été les plus affectés tant en ce qui concerne les intrants des secteurs industriels que leurs exportations.
Le secteur automobile est le premier que le ralentissement drastique du trafic de marchandises a touché.
La part des intrants en provenance de ce pays s’élève à 31,8% et ce, au même titre que le secteur de l’électronique dont la part des intrants provenant de l’Espagne se situe à 44%.
Pour ce qui est des exportations du Maroc vers l’Espagne, le secteur le plus exposé a été celui du textile et cuir dont la part dans les exportations vers ce pays s’élève à 49,8%, suivi du secteur de l’électronique et de l’automobile avec respectivement des parts de 41,1% et 32,1% en 2019.
Naturellement, la France étant le second partenaire du Maroc, dans nos échanges, le secteur aéronautique a été affecté puisque 66,3% des intrants de ce secteur proviennent de la France et 83,1% des exportations s’effectuent à destination de ce pays.
En valeur, le secteur automobile est le plus exposé avec 13,3 milliards de dirhams d’intrants d’origine de la France et 23 milliards de dirhams d’exportations.
Globalement, l’impact de la pandémie sur les secteurs exportateurs provient de la rupture des approvisionnements.
Le Comité de suivi économique a accompagné ces secteurs vitaux pour les exportations marocaines qui, en se rétractant, a aggravé le déficit de la balance commerciale et de celui de la balance des paiements. D’autant que les autres sources d’équilibre de cette dernière se sont également détériorées, à savoir les recettes touristiques, les transferts des MRE et les investissements étrangers qui pour certains investis en portefeuille, se sont tout simplement retirés.
Résultat, les réserves de change de 5 mois d’importations ont fondu comme neige au soleil ! D’où l’importance du tirage de la ligne de Précaution et de liquidité (LPL), en devises qui a permis de combler ces impacts et maintenir le niveau des réserves de changes de notre Pays !
Afifa Dassouli