Au 20 ème siècle, l’Entreprise a été caractérisée par les problèmes sociaux et de pollution. Trop taxée, elle a été confrontée au conflit d’exploitation. Ce fut une entreprise à but lucratif, sans résultat. Or, les exigences des entreprises doivent être compatibles avec celles des sociétés et des États. C’est l’objet de la loi PACTE adoptée en France le 22 mai 2019 qui a introduit « l’entreprise à missions ».
Il s’agit d’une loi pour la croissance et la transformation des entreprises, qui touche de multiples domaines les intéressant comme par exemple, les seuils d’effectifs, l’épargne salariale, l’épargne retraite, les plans d’épargne en actions, le financement des entreprises, mais aussi la protection des innovations, les marchés publics, et aussi l’impact des soldes, etc. Cette loi, de par son exhaustivité, est aujourd’hui le meilleur outil parce qu’elle définit et même décrit la Nouvelle Entreprise qui répond aux besoins des consommateurs, présente un objectif de performance, tout en respectant « les biens commun ». Cette nouvelle entreprise ne s’adresse pas à un consommateur, mais à un citoyen, conscient et exigeant qui la pousse à regarder de près les intrants, et les inputs qu’elle utilise, en respect de l’humain.
Elle doit choisir son combat et se reconnecter à la nature. D’autant que les investisseurs demandent aux entreprises d’être responsables, en préservant sa performance financière tout en lui associant une performance non financière, qui prend toute son importance et qu’elle se doit de mesurer, même si les outils à cet effet sont difficiles à concevoir. Il lui faut définir des critères ou indicateurs qualitatifs qui traduisent l’infrastructure durable, les effets du climat, la réduction des inégalités sociales et la biodiversité, en un mot son environnement. D’ailleurs, les États doivent imposer ces règles par une réglementation stricte, sans laquelle les entreprises ne changeront pas ! Car, celles-ci parlent de RSE, Responsabilité sociale depuis une trentaine d’années, mais une étude récente, a démontré que si 90% d’entre elles le reconnaissent, 4% seulement voient des résultats.
C’est dire que la RSE doit être différemment appréhendée. Pour des solutions pérennes, il faudrait créer une union entre l’entreprise, l’État et les consommateurs, pour que les entreprises soient actrices du changement en accompagnant ceux de la société, réduire les inégalités, mais aussi lors des pandémies et des changements climatiques. D’ailleurs, pour incarner ce nouveau modèle d’entreprise, il y a certaines, parmi lesquelles Philip Morris, qui constituent un exemple probant. Cette multinationale, qui produit des cigarettes, a une politique contributive sur le long terme, celle de créer avec un très important budget en Recherche & Développement, des cigarettes propres moins risquées, sans combustible néfaste pour la santé des consommateurs, car ni la nicotine, ni le tabac ne sont nocifs sans combustion.
Elle travaille sur la transformation de son image avec l’externalité négative du tabac. Elle innove pour un meilleur produit à risque réduit, en agissant avec excellence et responsabilité, tout en assurant l’impact social de sa transformation. L’autre exemple, celui de Procter & Gamble, une immense entreprise multinationale également, qui a assuré une politique d’assainissement de l’eau. Consciente de l’insuffisance d’eau potable dans certaines parties du monde en particulier, elle œuvre dans ce sens, avec des projets spécifiques au profit des populations victime de carence en eau potable. Cette multinationale a obtenu à ce titre le prix s’innovation sociale. Mais les entreprises du 21è siècle n’ont pas les mêmes objectifs en fonction du niveau de développement des pays. C’est pourquoi l’exemple de Fatoumata Ba, une jeune entrepreneuse sénégalaise qui a fondé un fonds de capital-risque, JANNGO Capital, pour financer les entreprises africaines et dont le siège est à Abidjan en Côte d’Ivoire, constitue plus un exemple pour les entreprises marocaines.
Ainsi, la dernière actualité de cette jeune femme entrepreneur africaine date de la fin de 2019, ou elle a levé 60 millions d’euros dont 12,5 de la BEI pour financer 20 a 25 jeunes pousses d’ici 10 ans. Son témoignage aux journées économiques d’Aix donne une autre dimension à la PME. En effet, Mme Ba considère qu’en faisant jouer le capital pour soutenir les entreprises africaines et en particulier des startup, lui permet d’avoir un impact sur son environnement. Dans un contexte de pays en développement en général et de l’Afrique en particulier, la pression ne vient pas seulement des consommateurs ou des talents qu’il faut attirer, ou du pouvoir législatif ou des arguments attractifs pour les investisseurs. Il y a un sentiment d’urgence qui vient de l’enjeu du développement face à un contexte de pauvreté qui s’impose !
Car, il y aura 2,5 milliards d’Africains dans 30 ans a servir. De fait, quand l’Afrique triple sa population en 30 ans, l’Europe met 60 ans pour passer de 100 a 600 millions d’européens. Il nous faut donc réinventer des moyens pour fournir des services essentiels à un plus grand nombre d’habitants en électricité, services de santé, éducation et autres services financiers. Pour ce faire, dans les pays africains, l’entreprise y est un moteur pour compenser les faillites des gouvernements. Il faut savoir que 3 millions d’emplois nets sont créés chaque année sur le continent alors que le besoin est de 20 a 30 millions. Il faut savoir aussi que ce sont les entreprises qui créent des emplois en Afrique. Alors qu’elles ne représentent que 30 a 40% du PIB, elles contribuent pour 90% de la création des emplois formels et informels.
La raison d’être des entreprises qui sont souvent des startup en Afrique, c’est de donner accès à l’énergie, en connectant les exclus grâce a des systèmes de vente a crédit. D’autres fournissent des services liés à la santé car en Afrique la moyenne de lits disponible est de 2 lits pour 1000 habitants uniquement. Ou encore à l’éducation où, pour prendre l’exemple de la Côte d’Ivoire il faut créer une classe par jour pour combler le déficit et scolariser tous les enfants. Il y a 1,1 million étudiants admissibles à l’université, mais seuls 500 000 y font leur rentrée faute de places. Dès lors, la raison d’être des entreprises africaines et leur mission portent sur la nécessité de concilier une performance économique et un modèle économique viables. Car la philanthropie est catalytique, mais pas suffisante parce que derrière, les profits générés doivent assurer la viabilité des entreprises et leur impact social en créant des emplois.
De plus en Afrique, l’on ne peut pas s’offrir le luxe de ne pas prendre en compte les aspects environnementaux, on doit au contraire en accélérer le rythme. Pour toutes ces raisons, «je me suis d’abord lancée dans l’entreprenariat, témoigne Mme Ba, mon entreprise est aujourd’hui cotée en bourse, mais je n’ai pu résister à relever un second défi, celui de devenir investisseur pour être catalytique dans le financement du secteur privé. J’ai ainsi créé un fonds de capital-risque qui intervient dans 21 pays africains avec une prédominance dans 4 pays que sont le Kenya, l’Afrique du Sud , le Nigéria et l’Égypte à hauteur de 90% de nos financements, tout en les étendant dans les autres pays, notamment le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Le capital-risque africain est donc très inégalitaire.
Dans notre portefeuille, les financements varient de 50 000 a 500 000 euros. Et nous investissons 42 millions d’euros dans le financement les entreprises dirigées par des femmes alors que le taux d’activité des femmes est des plus élevé, à 26%». Cet exemple commence à prendre au Maroc comme c’est le cas de H Seven qui intervient dans ce sens en levant de la même manière des fonds à travers le monde entier pour des startup africaines dont des marocaines.
Afifa Dassouli