Network.
La crise pandémique mondiale a eu des effets multiformes dont il est certainement difficile de mesurer tout l’impact à court ou long terme. Mais, s’il y a une tendance qui a été commune à une échelle mondiale, c’est l’explosion voire la généralisation du digital ou du numérique.
Le digital est un terme désormais galvaudé qui inclut tout à la fois, les technologies de l’information liées à internet, les usages des internautes/consommateurs, les plateformes sociales de contenu, les acteurs économiques et publics qui y opèrent, la vente en ligne, bref, aucun domaine ne présente pas de dimension digitale dans le monde d’aujourd’hui.
Alors qu’est-ce que la crise pandémique a changé au Maroc en particulier et que faut-il retenir pour la suite?
Deux dimensions ont été particulièrement impactées par le Covid-19, les usages des internautes et la prise de conscience du levier que constitue le digital par les acteurs privés et publics.
Au niveau des usages, c’est une masterclass digitale dont a bénéficié la population à différents niveaux. Les particuliers n’ont jamais passé autant de temps connecté à internet et ont donc accentué leurs habitudes comme le streaming vidéo, ou la production de contenus pour les réseaux sociaux. Ils ont aussi et surtout élargi leur palette d’usages en achetant en ligne à cause du confinement, faisant faire de ce fait, un bon au marché en termes de comportement d’achat en ligne. Le Maroc jusqu’alors peinait à développer le secteur de la vente en ligne parce que les Marocains ne l’utilisaient concrètement que pour le paiement de factures ou des achats à faible valeur auprès de rares opérateurs.
Désormais, l’achat en ligne est un acquis pour les « Millenials » mais aussi et surtout pour d’autres types de consommateurs très prisés, les ménagères et plus globalement les achats destinés aux besoins de la famille.
Et cela n’est dû qu’au seul fait que ces populations d’internautes ont été exposées à la fois à plus d’offres digitales de vente en ligne et à plus de temps pour les éprouver et les tester. Les générations qui ne sont pas nées avec internet ont toujours un réflexe naturel de rejet au profit des achats réels qu’elles ont complètement dépassé pendant cette crise, avec l’aide notamment des autres générations plus connectées.
En conséquence, les opérateurs économiques privés qui cherchaient désespérément à atténuer l’impact de la crise ont également été forcés à reconsidérer leur lenteur ou leur réticence à traiter le digital comme un canal prioritaire et surtout complémentaire de leur activité.
Et on n’a également jamais autant parlé digital dans le monde de l’entreprise marocaine, de toute taille, que durant cette crise pandémique. Le management, de tout âge, a dû digitaliser d’urgence de nombreuses fonctions et process indispensables à la continuité de l’activité, le télétravail étant l’exemple le plus flagrant. Or, ce n’est pas anecdotique dans l’univers de l’entreprise, c’est une transformation digitale à marche forcée qui s’est mise en place, grâce aux outils de visioconférence par exemple.
Cela a aussi contribué à rapprocher les générations dans l’entreprise et à convaincre les ainés qui se détournaient du digital par réticence au changement, malgré la pression des plus jeunes. Dès lors, des mastodontes de la grande consommation, dans la distribution par exemple, réputés difficiles à mouvoir, se sont rapidement mis en ordre de bataille pour déployer des canaux de vente en ligne, tirant avec eux le secteur de la logistique et de la livraison à domicile.
Les entrepreneurs, petites PME et TPE n’ont pas été exclus de cette dynamique salvatrice et jouant la carte de la proximité, ils ont aussi bénéficié des évolutions de consommation des internautes marocains. A l’étranger, ce sont ces petites entreprises qui ont le plus bénéficié des ventes en ligne parce qu’elles ont pleinement adapté leur activité aux exigences de la cible digitale. Au Maroc, ce tissu d’entreprises vitales n’a pas toujours le réflexe de profiter de la portée du digital pour compenser leur taille. Le manque d’accompagnement mais aussi de moyens a été compensé pendant cette période encore une fois par le temps disponible et le benchmark du marché qui s’est digitalisé à vitesse grand V.
Les pouvoirs publics, face à la gestion de crise, ont également subi la même pression que dans le monde de l’entreprise pour pallier nombre de problèmes grâce au digital. Qui aurait pu rêver d’une école publique digitale au Maroc en deux mois ? Ou d’un tribunal en ligne ? Ou d’une application sanitaire développée par les meilleurs talents de la scène de coding marocaine en collaboration étroite avec les autorités publiques comme donneur d’ordre ?
Et encore une fois, c’est l’élargissement des usages des internautes marocains qui a permis d’accompagner cette extension au digital de l’accompagnement de l’Etat aux citoyens.
Alors, que restera-t-il de tout cela dans quelques mois, lorsque la pandémie sera maitrisée ? S’il est plus que probable que les acteurs économiques reviennent rapidement à leurs anciens réflexes et limitent leurs acquis sur le digital à la période de la crise, parce que les comportements d’achat ont évolué, des autoroutes d’opportunité se présentent désormais pour tous types d’acteurs cherchant à engager les consommateurs en ligne.
De même, le télétravail ne sera pas généralisé, mais les employeurs et les employés ont clairement acquis un nouvel outil de travail flexible et somme toute productif.
A tous les échelons de l’entreprise et du pays, parce qu’ils sont composés de ces mêmes Marocains qui ont été digitalisé pendant cette crise, le digital n’est plus une chimère ou un hobby de jeunes, c’est enfin un segment à part entière de l’économie nationale. A charge à ses différentes composantes d’en fructifier le potentiel, maintenant qu’il est réellement accessible.
Zouhair Yata