Comme chacun sait, les différents agrégats macro et microéconomiques sont étroitement liés ! Et en période de crise, leurs liens s’exaspèrent au point de déclencher un effet domino ! En effet, c’est le cas de la double crise sanitaire et économique qui, partout dans le monde, a engendré une dépression économique brutale, un déficit budgétaire aux niveaux jamais atteint lors des crises antérieures et un double déséquilibre des balances, commerciale et des paiements. Au Maroc, la pandémie du COVID-19 a exercé un double choc sur notre économie : exogène, causé par l’entrée en récession profonde de l’économie mondiale et endogène, lié aux mesures sanitaires et l’arrêt brutal de larges pans de l’activité économique.
Le plus grave de ces chocs, relève de sa position extérieure qui connait une double détérioration consécutive à la baisse de la demande étrangère adressée à notre pays et au recul des transferts des MRE, des recettes touristiques et des investissements étrangers. De ce fait, la croissance économique du Maroc est donc entrée en récession pour la première fois depuis la décennie 80. Et ce, d’autant plus que la contreperformance des secteurs exportateurs et de ceux dont l’activité est orientée vers le marché intérieur, s’ajoute à l’impact de la sécheresse. En conséquence, les recettes fiscales pâtissent du ralentissement de la consommation et de l’investissement, au moment où les dépenses budgétaires se sont sérieusement aggravées sous l’effet des mesures prises par l’État pour le soutien de l’activité économique, entrainant une hausse inéluctable du déficit budgétaire, malgré la contribution très importante du fonds spécial créé pour faire face à cette situation d’exception et qui a récolté plus de 35 milliards de dirhams.
Mais si ces constats, connus de tous, relèvent d’une fatalité contre laquelle notre pays fait face avec exemplarité, après le déconfinement, le redémarrage de notre économie dépend du niveau atteint par cette dépression. Les plans d’actions à mettre en œuvre doivent être en faveur d’une reprise d’abord domestique en attendant que nos relations commerciales extérieures se rétablissent, que les touristes et les investisseurs étrangers reviennent.
Pour ce faire, la position de l’État, en tant qu’acteur majeur de soutien à l’économie, s’associera la responsabilité des banques qui vont devoir jouer un rôle important dans le temps pour le financement de la reprise, alors même qu’elles sont déjà mises à rude épreuve ! En effet, selon un grand financier de la place, « après le confinement, la lente reprise a étranglé les entreprises sur le plan de la trésorerie ce que ni les crédits bancaires ni les apports de fonds propres des actionnaires, ne peuvent résorber. Et si une autre solution n’est pas mise en œuvre, on assisterait à une hécatombe susceptible d’engendrer une crise systémique » ! La même source précise que «la solution décidée par l’État à travers les banques, avec les crédits Oxygène et autres facilités de rééchelonnement des crédits antérieurs ne sera pas suffisante.
Il faudrait donc transformer les crédits bancaires pour les rendre perpétuels afin de permettre aux PME de faire face à la crise de liquidité qui risque de s’aggraver ». Par ailleurs, les entreprises de l’informel ne pourront pas être secourues par les banques, parce qu’elles ne sont pas bancables et finançables. Car, un grand danger pèse sur les travailleurs dans l’informel qui ont été privés de revenus pendants le confinement et qui, au-delà des aides de l’État en période de crise sanitaire, risquent de ne pouvoir redémarrer leurs activités alors que leur «population » ne peut pas être prise en charge par les banques. De plus, ceux-ci sont habituellement financés par les Institutions de Microcrédit (IMC), lesquelles souffrent beaucoup de la crise du Covid-19, car la déclaration de l’état d’urgence sanitaire a subitement tari les remboursements des crédits précédemment octroyés. De ce fait, les IMC sont à leur tour exposées à des pertes que leurs bilans ne peuvent supporter, et qui les mettent elles-mêmes en situation d’insolvabilité vis-à-vis de leurs bailleurs de fonds. On risque de se retrouver ainsi dans un cycle infernal où toute la machine d’octroi de microcrédits se grippe et qu’une grande partie des bénéficiaires soit en difficultés.
C’est exactement le même le cas des sociétés de financements pour les crédits à la consommation et autres crédits automobile, dont la situation va aussi peser sur les banques qui les refinancent. En conséquence, c’est la force de frappe du système bancaire qu’il s’agit d’évaluer pour affronter la reprise de l’économie «intra-muros» ! Les banques, même si elles ne manquent pas de liquidités et qu’elles sont bien capitalisées, s’apprêtent à affronter une conjoncture très dégradée. La Covid-19 les aura déviés de leur trajectoire, et elles devront dorénavant s’atteler à financer exclusivement la crise dans les prochains mois avec une détérioration de leur coût du risque. En effet, depuis le début de la crise en question, leur coût du risque, déjà élevé, a augmenté du fait des pertes éventuelles des prêts susceptibles de ne pas être remboursés. La constitution de provisions nouvelles leur a été imposée, sachant que la crise économique se traduira par beaucoup d’incidents de paiement. De plus, les banques souffrent aussi de la crise des opérations des marchés du fait notamment de l’effondrement de 30% du marché financier dont les indices représentatifs du comportement des actions phares sont passés de + 10% à – 23% avant de se rétablir à -15% . La dépression boursière se justifie par la suppression des versements de dividendes de 2019 et les mauvaises prévisions de résultats de 2020. Toutefois, les banques marocaines constituent le socle de la reprise économique aux côtés de l’État, leur contribution au financement de l’économie est fondamentale, quelles qu’en soient les conséquences sur leur santé financière.
À travers une politique monétaire très expansionniste, la Banque centrale facilite leur refinancement aussi longtemps que nécessaire, de même qu’elle diminue les contraintes réglementaires qui pèse sur leurs capitaux propres. Cette souplesse de BAM, leur a permis de dégager une partie de leurs capitaux propres pour augmenter leurs liquidités, tout en assurant leur solvabilité du fait de la baisse des rations réglementaires. Et, Bank Al-Maghrib va plus loin dans son soutien au système bancaire national pour renforcer son rôle dans le financement de l’économie. Au-delà d’un ensemble de mesures de politique monétaire et prudentielles visant à faciliter l‘accès au crédit bancaire au profit à la fois des ménages et des entreprises, elle a pris une mesure relative aux fonds propres des établissements de crédit. Celle-ci consiste à appeler les établissements de crédit à suspendre jusqu’à nouvel ordre toute distribution de dividendes au titre de l’exercice 2019 et plus, pour conserver leurs fonds propres à un niveau suffisant et préserver ainsi leur capacité d’octroi de financement dans ces circonstances. C’est une première qui démontre la gravité de la situation économique que la Banque centrale est bien placée pour connaître et évaluer. D’ailleurs, elle reconnaît continuer «à en suivre de près» les implications sur l’économie nationale et le système financier, pour prendre le cas échéant, les mesures nécessaires afin d’y faire face, vu l’importance du système bancaire dans la lutte contre une crise économique dont la gravité risque de se creuser !
Afifa Dassouli