Le Comité Parité et Diversité de 2M vient d’organiser une rencontre sur le thème « Violences numériques : comprendre et agir », au cours de laquelle des intervenants de différents horizons ont traité des aspects du cyberharcèlement et identifié les stratégies efficaces de prévention et de sensibilisation pour y faire face.
Pour Me Zahia Ammoumou, la violence numérique constitue un réel danger : « Si dans l’espace public, il est possible de gérer et reconnaître les violences, dans l’espace numérique, la situation devient plus difficile puisqu’elle repose sur la technologie et les plateformes de réseaux sociaux. »
Quant à Mme Imane Kendili, docteure en psychiatrie, elle estime que l’impact psychologique des violences numériques dépend de la personne. Et d’expliquer qu’il apparaît au niveau du changement de comportement de la personne et se manifeste par l’insomnie, les troubles du comportement, la dépression, l’anxiété, allant jusqu’aux idées suicidaires.
Youssef Bentaleb, Président du Centre Marocain de Recherches Polytechniques et d’Innovation (CMRPI) et Directeur de l’Espace Maroc Cyberconfiance (EMC), a confié pour sa part que « 40% des enfants ne savent pas comment configurer la confidentialité de leurs comptes, bien qu’ils sachent comment manipuler les différentes plateformes », soulignant ainsi l’importance de l’éducation dans la prévention contre les violences numériques.
Sur un autre registre, Marouane Hejjouji, Commissaire Divisionnaire et Chef du laboratoire d’analyse des traces numériques à la BNPJ, est revenu sur les efforts déployés par la DGSN pour limiter et combattre les violences numériques : « La gestion des preuves numériques est essentielle dans notre coopération internationale contre ce type de crimes. La police judiciaire doit rester vigilante et proactive dans la gestion des preuves numériques et des enquêtes. »
À l’ère numérique actuelle, les violences en ligne représentent un problème de société majeur et complexe. Si celles-ci se déroulent dans l’espace virtuel, elles ont bel et bien des conséquences réelles et souvent dévastatrices dans la vie des victimes. En dépit des lois existantes et des initiatives, à l’instar de la plateforme « E-Blagh » lancée récemment par la DGSN pour protéger les victimes de violences numériques, les cyberviolences demeurent mal comprises voire sous-estimées.
Il est important de rappeler à ce niveau que les statistiques et études nationales et internationales confirment que cette forme de violence numérique, émerge comme un problème mondial ayant de graves conséquences sur les sociétés et les économies, que ce soit dans des circonstances normales ou pendant les périodes de crises et de catastrophes.
Pour Mme Bouchra Abdou, présidente de l’Association Tahadi pour l’Égalité, explique qu’à travers notre travail de terrain, on a constaté l’émergence de nouveaux actes de cette violence, sous forme numérique de harcèlement, chantage, violation de la vie privée et diffamation, que le droit pénal n’a pas clairement inscrit dans des textes précis malgré les graves conséquences psychologiques, sociales et économiques qu’ils peuvent avoir sur la vie des individus ou des communautés.
Et de poursuivre que la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les jeunes filles, par exemple, a créé un cadre conceptuel avancé définissant les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence physique, psychologique, économique et sexuelle, mais le bilan des cinq années écoulées depuis sa mise en œuvre a révélé la persistance d’obstacles juridiques et institutionnels qui empêchent les survivants de ces violences numériques d’accéder au droit et aux recours de la justice, ce que reflètent les statistiques et les rapports publiés par les institutions officielles et les organisations de la société civile. Et ce pour plusieurs raisons, notamment l’absence de définition de la violence numérique en général, et de la violence numérique contre les femmes et les filles en particulier. ATEC explique également que les textes juridiques relatifs aux délits numériques sont éparpillés entre plusieurs articles juridiques répartis dans un certain nombre de lois et d’amendements partiels auxquels le Code pénal a été soumis… Ce qui conduit parfois les auteurs à échapper à toute sanction ou peines à leur encontre.
De la même manière, alors que les chiffres de l’UNESCO parlent d’un parent sur trois estimant que son enfant est moins sociable depuis qu’il dispose d’un smartphone, environ 31% des parents marocains remarquent une baisse de cette sociabilité, et 9 sur 10 se sentent totalement dépassés par leurs enfants dans tout ce qui touche au numérique. En parallèle, 83% des parents marocains estiment que leurs enfants sont trop souvent confrontés à du contenu violent sur Internet.
C’est dire qu’aujourd’hui plus que jamais, les multiples et nombreux avantages de la Toile cachent malheureusement de sérieux dangers, confirmant encore une fois que le sujet de la violence digitale doit être pris au sérieux.
H. Zaatit