Des manifestants soudanais devant le quartier général de l'armée à Khartoum le 30 mai 2019 © AFP ASHRAF SHAZLY
Le Soudan a ordonné la « fermeture » du bureau de la chaîne d’information quatarie Al-Jazeera à Khartoum, a annoncé jeudi le groupe, alors que des milliers de personnes ont protesté dans la capitale soudanaise contre l’absence d’avancée dans les négociations avec les militaires qui refusent de céder le pouvoir aux civils.
« Les services de sécurité soudanais ont informé le directeur du bureau d’Al-Jazeera de la décision du Conseil militaire de transition de fermer (son) bureau à Khartoum », a déclaré la chaîne sur son site.
« La décision inclut également le retrait des permis de travail pour les correspondants et le personnel du réseau d’Al-Jazeera à compter de maintenant » jeudi soir, a ajouté la chaîne qui diffuse régulièrement des images des manifestations contre l’armée qui secouent le Soudan.
Selon Al-Jazeera, aucune « décision écrite » n’a été remise au directeur du bureau.
Dans un communiqué, Al-Jazeera dénonce une « totale violation de la liberté de la presse » et assure « continuer la couverture au Soudan en dépit de l’ingérence politique des autorités soudanaises ».
Jeudi soir, des milliers de Soudanais ont manifesté devant le siège de l’armée à Khartoum, à l’appel du mouvement de la contestation.
Brandissant des drapeaux et chantant à l’unisson leur détermination à obtenir un gouvernement civil, les protestataires, surtout des jeunes, ont voulu maintenir la pression pour faire plier l’armée.
« Nous sommes ici pour affirmer notre revendication fondamentale d’un pouvoir civil pendant la période de transition afin de garantir une véritable transition démocratique », a déclaré à l’AFP Mohamed Hassan, un jeune manifestant, alors qu’un chef de la contestation haranguait la foule.
« Les objectifs de notre révolution seront atteints par notre pacifisme et non par la violence », a lancé sur scène et micro en main Wajdi Saleh, membre de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du soulèvement populaire.
Depuis le 6 avril, des milliers de manifestants campent devant le siège de l’armée à Khartoum. Après avoir demandé le soutien des militaires contre le président Omar el-Béchir, ils réclament désormais le départ des généraux qui ont pris le pouvoir après avoir évincé le chef de l’Etat le 11 avril.
Dans un communiqué publié jeudi tard dans la soirée suite à des informations faisant état d’incidents en marge de ce sit-in, le Conseil militaire de transition a adressé un message de fermeté aux manifestants.
« Face à des développements qui menacent la sécurité publique », les forces de l’ordre vont « agir selon la loi pour garantir la sécurité des citoyens et pour maîtriser les actes d’anarchie », met en garde le Conseil.
La manifestation de jeudi intervient au lendemain de deux journées de « grève générale », observée dans divers secteurs d’activité à travers le pays.
L’ALC avait appelé mercredi soir à un grand rassemblement appelé « la marche d’un million » pour faire pression sur l’armée.
– « Liberté, paix, justice! » –
Plus tôt jeudi, des centaines de femmes avaient été les premières à participer à la mobilisation. Lors d’une « marche des femmes », elle se sont dirigées vers le siège de l’armée, bannières à la main et drapeaux soudanais sur les épaules.
De tous âges et venant de divers secteurs d’activité, elles ont scandé les slogans de la révolte : « liberté, paix, justice! Le pouvoir civil est le choix du peuple! ».
« La femme soudanaise réclame de nombreux droits dont la justice, l’égalité, la démocratie, un pouvoir civil et une bonne gouvernance », a déclaré à l’AFP Hoyam al-Taj, une journaliste trentenaire qui participait à la manifestation, prévue depuis plusieurs jours.
« Nous voulons un Etat civil qui garantisse nos droits en tant que femmes et nous assure une vie digne », a indiqué à l’AFP Nada Hashem, une jeune mère de famille portant une robe et un léger voile coloré.
Les négociations entre le Conseil militaire de transition et l’ALC ont été suspendues le 21 mai faute d’accord. Les deux camps exigent de prendre la direction et d’obtenir la majorité des sièges au sein d’un futur Conseil souverain censé assurer la transition politique pour trois ans.
Le chef du Conseil militaire au pouvoir, Abdel Fattah al-Burhane, s’est rendu jeudi en Arabie saoudite où il doit assister à plusieurs sommets. « De nombreuses rencontres bilatérales avec des dirigeants de pays arabes et musulmans sont prévues », est-il indiqué dans un communiqué du Conseil.
LNT avec Afp