Des manifestants réclament des élections libres et équitables devant la Haute cour de justice le 26 mars 2018 à Freetown © AFP ISSOUF SANOGO
Quelque 3,1 millions d’électeurs sierra-léonais ont commencé samedi à choisir leur nouveau président pour un second tour très indécis entre l’héritier du président sortant et le candidat du principal parti d’opposition, arrivé de peu en tête au premier tour.
A 07H00 GMT, heure prévue de l’ouverture des 11.122 bureaux de votes répartis dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, les électeurs étaient moins nombreux que lors du premier tour, le 7 mars, où la participation avait dépassé les 84%, ont constaté des journalistes de l’AFP dans deux quartiers de la capitale Freetown.
Les bureaux doivent fermer à 17H00 GMT, les premiers résultats sont attendus en début de semaine prochaine.
« Jusqu’ici, tout est normal, ça se passe pacifiquement. Les gens vont venir plus tard », assurait Momoh Sesay, délégué par le parti au pouvoir APC pour observer le déroulement des opérations dans un petit bureau de vote du quartier d’Aberdeen, à Freetown, installé dans un immeuble en construction.
« Je viens voter pour le président qu’il faut, cela me rend fier », confiait Momoh Kamala, un agent d’entretien de 36 ans, en attendant son tour dans une petite queue d’une dizaine de personnes.
A Aberdeen, le vote a commencé avec un petit quart d’heure de retard. Après avoir présenté leur carte d’identité, les électeurs posent un doigt sur un tampon encré, puis s’isolent quelques instant avec un bulletin pour apposer leur empreinte face au nom et à la photo du candidat de leur choix.
Les électeurs doivent choisir entre le peu connu Samura Kamara, homme lige du président sortant Ernest Bai Koroma et candidat de l’APC, le parti au pouvoir, qui avait remporté 42,7% des suffrages le 7 mars, et celui du principal parti d’opposition, le SLPP, l’ancien général Julius Maada Bio, qui l’avait devancé de peu avec 43,3% des voix.
« Le duel est trop serré pour dire qui va l’emporter », a déclaré vendredi à l’AFP l’analyste politique Edmond Abu, alors que la campagne a été marquée par des violences sporadiques entre partisans des deux camps et une montée des tensions ethniques.
Les deux partis peuvent en principe compter sur le soutien de leurs fiefs respectifs, dans un pays où les affiliations politiques coïncident souvent avec l’appartenance ethnique ou régionale.
La victoire pourrait dès lors se jouer à Freetown, à la population plus diversifiée, et dans le district diamantifère de Kono, dans l’Est du pays, traditionnellement considéré comme un « swing state », souligne M. Abu.
« Il devrait y avoir un nombre assez surprenant de voix pour le SLPP à Kono et à Freetown », abonde le directeur de l’Institute for Governance Reform, Andrew Lavalie, en soulignant le poids croissant du « vote contestataire ».
Le second tour, entre les deux partis qui se succèdent au pouvoir depuis l’indépendance de cette ancienne colonie britannique en 1961, était à l’origine programmé pour le 27 mars.
Mais un recours en justice de dernière minute a suspendu les préparatifs du vote du 24 au 26 mars, obligeant la Commission électorale nationale (NEC) à reporter le second tour de quatre jours.
M. Bio, qui promet de renforcer le système éducatif et a vertement critiqué les liens trop étroits selon lui entre le pouvoir sortant et la Chine, avait fait monter la pression en accusant le président Koroma de « pousser la Sierra Leone au bord du chaos » par des manœuvres dilatoires.
Mais les deux candidats ont finalement accepté de bonne grâce le report du scrutin.
« A la NEC, nous sommes prêts à organiser des élections crédibles », a assuré vendredi le président de la commission électorale, Mohamed Conteh, dans un communiqué.
Depuis plusieurs jours, tout le pays retient son souffle. Des responsables religieux et des associations de la société civile ont multiplié les appels pour que le scrutin se tienne sans violence, à l’image du bon déroulement général du premier tour, qui combinait élections présidentielle, législatives et locales, salué par les observateurs internationaux.
Si l’administration sortante a réussi à attirer les investisseurs pour reconstruire le pays, dévasté par la guerre civile (1991-2002) qui a fait quelque 120.000 morts, l’économie reste fragile après les chocs de l’épidémie d’Ebola en 2014-2016 et de la chute des cours mondiaux des matières premières.
LNT avec AFP