Propos recueillis par Yasmin Yata
La Nouvelle Tribune : Bonjour Sarah, pourriez-vous présenter 7ACHAK à nos lecteurs ?
Sarah Benmoussa : 7achak était dans un premier temps un mouvement qui luttait contre la précarité menstruelle, créé à l’époque par moi-même, Sarah Benmoussa, et une amie, il y a bientôt 5 ans.
L’objectif de 7ACHAK était de démocratiser le ‘sang des règles’, d’apporter de l’éducation sexuelle dans certaines écoles et pensionnats. Pendant quelques années, 7ACHAK a donc été un mouvement social, pour aujourd’hui être un média alternatif, géré par moi-même et quelques amis collaborateurs comme des psychologues, avocats et autres militants bénévoles. Aujourd’hui, je définirais 7ACHAK comme une plateforme de débat, où les gens peuvent échanger, avoir le droit à la parole et se soutenir.
Qu’avez-vous appris à travers 7ACHAK sur la situation de la femme au Maroc ?
J’ai tout appris sur la situation de la femme au Maroc à travers 7ACHAK. Honnêtement, je pensais en savoir beaucoup en me lançant dans cette aventure, pour finalement ouvrir les yeux sur une situation encore plus aggravée, accompagnée de chiffres sur la précarité menstruelle, mais aussi sur le taux de chômage de la femme, des violences domestiques, etc. Tout cela grâce à la communauté engagée de 7ACHAK, qui s’informe, recherche et partage analyses et chiffres importants. On me fait part de beaucoup de témoignages de personnes dans le besoin, ce qui permet à 7ACHAK de les accompagner dans leur prise de conscience et de les aider à sortir de leur situation de précarité ou d’abus – à l’aide d’avocats et psychologues bénévoles.
Par quels biais 7ACHAK fait-elle avancer les choses ?
7ACHAK est avant tout un lanceur d’alertes. On va alerter, informer, sur une problématique donnée, puis par la suite nous allons trouver des collaborateurs qui peuvent aider sur le sujet à cœur, et par la suite même travailler avec la justice. Je pense spécifiquement à l’affaire des professeurs d’université de Tanger ; nous avons lancé l’alerte sur 7ACHAK, puis les ‘Outlaws’ ont créé le hashtag #MeTooUniv, on a travaillé avec des avocats, avec Najoua Koukouss, avec l’éducation nationale, et on a réussi à faire arrêter ces professeurs. C’est notre plus grande victoire à ce jour.
Ensuite, ayant moi-même travaillé dans l’évènementiel, et les relations publiques, j’utilise mes compétences professionnelles pour ‘aider ma prochaine’. L’objectif serait de créer des évènements à but non lucratif, autour d’un sujet ou débat précis, de trouver une association et des donateurs pour faire exister ce type d’action. Puis derrière, je ferai en sorte de faire perdurer l’action médiatiquement, en espérant inspirer d’autres personnes à faire développer ce genre d’initiatives et à faire bouger les choses.
Pensez-vous que les associations et initiatives comme 7ACHAK, à terme, devraient travailler main dans la main avec les ministères et autres institutions gouvernementales pour faire avancer les choses ?
Je pense que dans certains cas il pourrait être bénéfique de s’allier avec les ministères, comme ça a été le cas avec #MetooUniv. Toutefois, afin de pouvoir garder un discours libre et militant, je pense qu’il est préférable que chacun joue son rôle et de faire avancer les choses de façon autonome, tout en ayant le même but.
Quel bilan faites-vous de l’impact de la Moudawana sur la situation des femmes au Maroc ?
En ce qui concerne la réforme de la Moudawana, il y a malheureusement encore beaucoup de travail à faire ! Dans un premier temps, on veut des règles beaucoup plus strictes contre les violences à l’égard des femmes, spécifiquement les violences domestiques. Mieux définir et être plus stricts sur les viols conjugaux, qui restent un des principaux problèmes des violences domestiques.
Revoir aussi les droits de l’enfant, il doit savoir qu’il peut contacter la police s’il se fait violenter, seul ou avec sa mère. Essayer d’éduquer les jeunes et leur expliquer leurs droits.
Et de ce fait, quelles évolutions attendez-vous de la Moudouwana de 2004?
Il y a principalement le problème de l’héritage, à un moment donné il va falloir ouvrir les yeux. La femme travaille autant que l’homme, voire plus, parce qu’elle subit aussi la pression culturelle de devoir être maman, et en charge de l’éducation des enfants, ce qui rend son rôle de femme beaucoup plus lourd, du moins pour l’instant, jusqu’à qu’on arrive à un stade de réelle égalité Homme / Femme.
Aussi en ce qui concerne les emplois, il faudrait avoir une certaine égalité des genres dans le salariat, le tout pour essayer de montrer que la femme a sa place dans la société, qu’elle n’emploie pas que des postes de genre.
En dernier lieu, se pose la question de la garde des enfants, c’est d’ailleurs l’une des lois de la Moudouwana qui me fait le plus de mal. Le fait qu’un homme puisse se remarier et avoir la garde, mais qu’une femme (la mère) ne bénéficie pas des mêmes droits, c’est dur.