Crédits : La Nouvelle Tribune
Par Afifa Dassouli
La Loi de Finances 2023 porte une grande réforme fiscale, dans l’objectif de plus de justice et d’efficacité, qui touche principalement les impôts directs, IS et IR. Celle-ci a introduit différentes dispositions nouvelles à ces deux impôts pour une unification et un élargissement de leur assiette fiscale. Après avoir traité du « Nouvel IS, ses taux et exonérations », dans un article daté du 01 février dernier, c’est donc au tour de l’IR, Impôt sur le Revenu, d’être mis en exergue.
L’IR, qui concerne en premier chef les salaires, s’étend à différentes catégories professionnelles dont les déclarations étaient particulièrement insignifiantes. C’est le cas de la profession d’avocats par exemple, dont le régime a connu une révision significative pour plus de justice fiscale. Il s’agit concrètement des bénéfices réalisés par les avocats, personnes physiques, relevant de la catégorie des revenus professionnels imposables à l’impôt sur le revenu (IR), qui font l’objet d’une déclaration annuelle dite « du revenu global ».
Les nouvelles dispositions applicables à cette profession dès 2023, reposent principalement sur l’option d’un paiement spontané d’acompte provisionnel, au titre de l’IR, selon l’un des deux modes suivants : soit le paiement spontané auprès du secrétaire-greffier à la caisse du tribunal, au profit de la DGI d’un acompte provisionnel de 100 dirhams pour chaque dossier dont l’avocat a encaissé entièrement ou partiellement les honoraires s’y rapportant, couvrant l’ensemble des étapes du procès, ou le paiement spontané d’un seul acompte provisionnel auprès du receveur de l’administration fiscale, avant la fin du mois suivant l’exercice concerné, déterminé selon le nombre de dossiers inscrits au nom de l’avocat pendant l’année et pour lesquels il a encaissé entièrement ou partiellement les honoraires s’y rapportant, multiplié par 100 dirhams et ce, sur la base des listes des dossiers communiquées par l’avocat à l’administration fiscale. Ces acomptes provisionnels seront bien sur imputés sur le montant de l’IR au titre de la cotisation minimale sachant que le montant du reliquat éventuel reste acquis au Trésor. Toutefois, les avocats nouvellement identifiés auprès de l’administration fiscale, sont exonérés du paiement des acomptes provisionnels pendant les 60 premiers mois de l’exercice de leur activité.
Sachant que la DGI bénéficie des listes des dossiers inscrits au nom de chaque avocat auprès de l’autorité gouvernementale chargée de la justice.
La loi de finance 2023 introduit par ailleurs un allègement de l’IR sur les revenus salariaux et assimilés et les retraités.
La révision de leur régime d’imposition porte sur le relèvement du taux forfaitaire de déduction des frais inhérents à la fonction ou à l’emploi de 20% à 35%, pour les personnes dont le revenu brut annuel imposable n’excède pas 78 000 dirhams. Ce taux forfaitaire a été fixé à 25% pour les personnes dont le revenu brut annuel imposable est supérieur à 78 000 dirhams tout en relevant le plafond de déduction de 30.000 à 35.000 dirhams.
Pour les retraites, le relèvement du taux d’abattement forfaitaire applicable en matière de pensions et rentes viagères est passé de 60% à 70% sur le montant brut imposable desdits revenus ne dépassant pas 168 000 dirhams.
Par ailleurs, dans le cadre des mesures d’encouragement et de soutien à l’emploi et d’amélioration de la compétitivité des entreprises, la LF 2023 a prorogé le délai d’application de ce dispositif aux entreprises, associations ou coopératives créées, jusqu’au 31 décembre 2026. Et donc, par ce procédé elle proroge le délai de l’exonération de l’IR pour les employés nouvellement recrutés pour un salaire mensuel brut plafonné à 10 000 dirhams versé par les entreprises créées durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022, dans la limite de 10 salariés.
Cet avantage est accordé, pour une période de 24 mois, à compter de la date de recrutement du salarié, sous réserve du respect des conditions suivantes : que le salarié doit être recruté dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et que le recrutement doit être effectué dans les deux premières années à compter de la date du début d’exploitation de l’entreprise, de l’association ou de la coopérative.
Pour ce qui est de l’enseignement et de la formation professionnelle, les enseignants qui ne font pas partie du personnel permanent, ont perdu leur bénéfice d’un taux de la retenue à la source au titre des rémunérations et indemnités qui leurs sont versées d’un taux libératoire de 17% alors qu’il était de 30% pour toutes les autres entreprises. Afin d’assurer l’équité fiscale entre tous les contribuables, la LF pour l’année budgétaire 2023 a révisé le taux de la retenue à la source au titre desdites rémunérations et indemnités en relevant ce taux libératoire de 17% à 30%.
Révision du régime d’imposition des revenus fonciers
Les revenus fonciers versés par les personnes morales de droit public ou privé ou les personnes physiques dont les revenus professionnels sont déterminés selon le régime du résultat net réel ou simplifié, étaient passibles de l’IR, par voie de retenue à la source, selon le taux libératoire de 10% ou 15%.
Dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de la loi-cadre portant réforme fiscale, qui vise le principe de l’imposition du revenu global des personnes physiques, la LF en question a introduit des modifications sur le mode d’imposition des revenus fonciers, la conservation du mode de recouvrement actuel par voie de retenue à la source applicable sur le montant brut de ces revenus, en précisant que les taux de cette retenue sont non libératoires. La réinstauration de l’abattement de 40% au titre des revenus provenant de la location des immeubles bâtis et non bâtis avec l’exclusion des revenus provenant de la location d’immeubles agricoles, afin que la détermination du revenu foncier net imposable lors du dépôt de la déclaration annuelle du revenu global soit significative et donc a abrogé l’option pour le paiement spontané.
La déclaration annuelle du revenu global est le véhicule de premier ordre utilisé par la réforme fiscale qui est traduite dans la loi de finance 2023. A ce titre toute la dispense du dépôt de la déclaration annuelle du revenu global au titre des revenus agricoles exonérés, a été supprimé.
En effet, les contribuables qui avaient des revenus agricoles exonérés étaient dispensés du dépôt de la déclaration annuelle du revenu global au titre desdits revenus. Ce qu’ils doivent faire dorénavant au titre de la mise en œuvre du principe de l’imposition du revenu global des personnes physiques.
L’IR est certes un impôt à verser par les contribuables personnes physiques mais il devient aussi une incitation à la constitution de l’épargne national, un agrégat de mesure important de la formation brute de capital fixe en faveur des investissements.
C’est le cas de l’Incitation à l’épargne dans les contrats d’assurance-retraite, la LF 2023 a introduit des mesures pour encourager l’épargne dans les contrats d’assurance-retraite et ce, à travers la réduction de la condition d’âge requis pour que l’assuré bénéficie de son épargne de 50 ans à 45 ans et le rehaussement du taux de l’abattement appliqué au capital imposable servi à la fin du contrat de 40% à 70%, pour un montant inférieur ou égal à 168 000 dirhams et l’application de 40% pour le surplus, cet abattement permettant de réduire la base d’imposition. Par ailleurs, la retenue à la source sur les montants bruts des rachats des primes et cotisations se rapportant aux contrats précités effectués avant l’âge de 45 ans ou avant le délai de 8 ans est fixée au taux non libératoire de 15% et ce, sans aucun abattement ou étalement.
Toutes ces nouvelles dispositions relatives à l’Impôt sur le Revenu contenues dans la loi de finance 2023, sont conformes à l’esprit de la grande réforme fiscale en cours qui consiste en la généralisation des régimes fiscaux directs à tous les contribuables sociétés et personnes physiques, l’harmonisation de l’application de ces impôts, par, en l’occurrence pour l’IR, de la déclaration annuelle du revenu global au titre de tous les revenus, et enfin et surtout d’efficacité fiscale, qui repose sur les deux axes précédents. Car sans élargissement de l’assiette fiscale et sans justice fiscale par la suppression des exonérations et exceptions, il ne peut y avoir de justice sociale et d’équité.