Depuis nombre d’années déjà, le mois d’avril est crucial pour la question du Sahara occidental marocain puisque c’est à la fin dudit mois que le Conseil de Sécurité est appelé, par voie d’un vote, à se prononcer sur le renouvellement du mandat de la Minurso, cette force d’observation et d’interposition mandatée par l’ONU dans les territoires de nos provinces du Sud et ses alentours…
Ce vote s’exprime à partir d’une résolution dont les termes sont rédigés par un membre permanent du Conseil de sécurité, les États-Unis en l’occurrence, et désigné sous le terme de « pen holder », littéralement le « porteur du stylo », c’est-à-dire le rédacteur.
Un processus bien huilé
Cependant, cette responsabilité s’exerce en coordination avec un groupe, informel mais influent au sein de l’ONU, celui « des amis du Sahara occidental » composé des États-Unis, de la Russie, du Royaume Uni, de l’Espagne et de la France.
Avant que le texte de la résolution ne soit adressé au Conseil de Sécurité, pour approbation, amendement ou même rejet, le Secrétaire général de l’ONU présente devant cet éminent aréopage un rapport qui dresse le bilan des activités de la Minurso au cours de l’année écoulée, porte appréciation de ses efforts en vue de dégager une solution à ce « conflit » (artificiel, suscité et constamment alimenté par l’Algérie), et propose le renouvellement pour une période déterminée de ce mandat onusien.
Cette démarche est elle-même précédée d’un autre rapport, celui de l’envoyé personnel du SG de l’ONU, M. Horst Köhler, qui y expose l’état de ses initiatives destinées à dégager une issue politique, pacifique et négociée de ce « différend ».
Ce petit rappel « pédagogique » souligne donc l’importance des enjeux qui, à chaque mois d’avril, sont soumis à l’attention de la communauté internationale des États, membres de l’ONU, qu’ils soient membres permanents du Conseil de Sécurité, membres non-permanents de cette instance ou encore pays d’influence au sein de cette Organisation des Nations Unies.
Et, comme on a pu le remarquer dès le début de cette semaine, le tempo s’est accéléré, avec le déploiement d’initiatives destinées à assurer une bonne préparation de la réunion du Conseil de Sécurité à la fin du présent mois.
Le porte-voix de M. Bolton
Il y a eu, tout d’abord, la visite de M. David Hale, sous-Secrétaire d’État américain, à Rabat où il s’est entretenu avec M. Nasser Bourita, ministre des AE, avant de se déplacer en France et à Bruxelles.
M. Hale est un haut fonctionnaire du State Department, sous les ordres directs donc de M. Mike Pompeo certes, mais plus précisément en charge du dossier Sahara.
Il ne fait point de doute que son action et ses démarches se font sur instructions personnelles de M. John Bolton, Conseiller à la Sécurité du Président Trump, qui chapeaute ce dossier et impose généralement ses vues sur la question.
M. Hale s’est donc rendu à Rabat pour, supposons-nous, « prendre le pouls » de la partie marocaine alors que les États-Unis, globalement, apprécient la politique extérieure du Royaume et ses positions sur tous les grands dossiers de l’actualité régionale et internationale.
Mais la question du mandat de la Minurso est perçue différemment à Rabat et à Washington, notamment parce que M. Bolton est le maitre d’œuvre de la théorie minimaliste appliquée par la Maison Blanche depuis l’arrivée de M. Trump, celle de n’accorder qu’au compte-gouttes les financements internationaux destinés aux diverses forces onusiennes d’interposition ou de maintien de la paix.
Ce faisant, le Conseiller à la Sécurité entend activer les solutions négociées et concertées au motif que le renouvellement automatique des mandats onusiens génère la perpétuation des statu quo !
Voilà pourquoi d’ailleurs, à l’initiative des États-Unis, le mandat de la Minurso est renouvelé tous les six mois depuis la résolution onusienne pertinente du 30 avril 2018.
Or, dès le départ de M. Hale de Rabat, son interlocuteur privilégie, M. Bourita, porteurs de messages royaux, a entamé une tournée des États du Golfe, d’abord à Koweït City, puis à Ryad où il a notamment rencontré le Prince héritier, Mohamed Ben Salman, avant d’être reçu par le Roi Salman.
Nasser Bourita, le missionnaire
Certes, cette démarche est certainement sous-tendue par la volonté royale d’apurer « un contentieux » avec ces deux États qui jouent un rôle clé dans plusieurs questions sensibles qui intéressent la communauté arabe et islamique.
Mais elle revêt également un caractère bilatéral dans la mesure où on avait pu percevoir ces derniers mois une certaine « froideur » entre Rabat, Ryad et d’autres, exprimée notamment par des initiatives ou des gestes qui avaient heurté le sentiment national sur notre cause sacrée d’unité et d’intégrité territoriale.
Le Royaume, en dépêchant auprès de ces capitales le ministre des AE, veut, sans nul doute, rétablir les voies d’un dialogue productif et d’une coopération exemplaire, mais aussi compte sur celles-ci pour qu’elles pèsent dans le sens voulu par le Maroc en termes de soutien à notre position sur la Question nationale dans tous les fora internationaux.
Enfin, question subsidiaire mais non moins stratégique, l’actuelle situation qui prévaut en Algérie. Officiellement bien entendu, cette question ne saurait être abordée avec les uns et les autres en respect du sacro-saint principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État.
Mais, en réalité, les préoccupations générées par la situation intérieure algérienne sont présentes dans nombre de capitales, dont celles de la région, et aussi Paris, Washington, Moscou, etc.
L’Algérie, dans tous les esprits.
M. Hale a-t-il abordé ce volet avec M. Bourita ? En off, très certainement, comme son déplacement à Paris, puis Bruxelles, lui aura permis de recueillir les vues des Européens sur l’Algérie. Et M. Bourita aura peut-être également évoqué ce dossier avec ses homologues du Golfe…
Cela, alors que l’esquisse d’une reprise en main par le Système, matérialisée par l’usage de la force contre des manifestants à Alger tout récemment, se dessine, exprimant la volonté du général Ahmed Gaïd Salah et de son entourage de mettre fin à « la récréation populaire et démocratique » entamée le 22 février dernier.
Dans quelle mesure tout cela impactera-t-il les délibérations du Conseil de Sécurité en fin de mois ? La réponse sera livrée avec le vote et son contenu !
Fahd YATA