La récente cession de la totalité du capital de Saham Assurance au sud-africain Sanlam, ne constitue pas seulement une très belle opération financière, (Cf. l’article de Afifa Dassouli « Moulay Hafid Elalamy, un Tycoon africain », https://lnt.ma/moulay-hafid-elalamy-tycoon-africain/).
En effet, les implications, conséquences, mais surtout soubassements de ladite opération sont tout aussi importants que le formidable pactole qui permettra désormais à MHE d’aller encore plus loin et plus amplement dans sa stratégie d’externalisations africaines (entre autres).
Une alliance de géants
Mais, avant toute chose, on notera que la prise de contrôle de Saham Assurance par le Groupe Sanlam, leader des assurances en Afrique, exprime avec force la volonté du Royaume de confirmer l’ouverture de son économie à des opérateurs étrangers, africains, arabes, européens, ou autres.
Certes, les grandes entreprises marocaines s’externalisent, en Afrique et ailleurs, telles les banques, les compagnies d’assurances, les opérateurs de télécommunications, les promoteurs immobiliers et autres cimentiers.
Mais en retour, le marché intérieur marocain est ouvert aux investisseurs qui cherchent des opportunités de développement et qui, de surcroît, ont parfaitement compris l’atout énorme que constitue la position géographique du Maroc, à quelques encablures de l’Europe et de son marché de 500 millions de consommateurs.
Les constructeurs automobiles européens et leurs écosystèmes, les businessmen chinois, les fonds souverains du Golfe et, désormais, les grands groupes financiers africains se pressent au portillon marocain, avec ou sans Casablanca Finance City !
Pour l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui, le partenariat entre les groupes marocain Saham et sud-africain Sanlam, plusieurs remarques méritent d’être faites.
Aux plans géographique et géostratégique d’abord, il exprime le rapprochement de deux grands opérateurs situés aux antipodes l’un de l’autre, mais qui possèdent en commun la volonté de s’étendre et de se développer en Afrique, considérée comme le champ d’expansion naturel, en réalisant en quelque sorte le mot d’ordre, « l’Afrique aux Africains » !
MHE et Motsepe, au top de la diplomatie financière
Et ce qui paraît le plus révélateur, c’est que Saham et Sanlam réalisent aux plans économique et financier, ce qui s’esquisse à peine aux plans politique, diplomatique et géostratégique entre le Maroc et l’Afrique du Sud, les deux géants qui, au Nord pour le premier et au Sud pour le second, recèlent les plus forts potentiels et les plus grandes ambitions pour le continent africain.
Ainsi, comme très souvent dans l’Histoire, la marchandise a précédé le pavillon, car la présence d’un leader sud-africain des assurances et des services financiers au Maroc n’est pas une opération politiquement neutre !!!
Moulay Hafid Elalamy, en réalisant un deal qui rapporte à son groupe, le holding Saham, plus d’un milliard de dollars, a reçu très certainement au préalable le feu vert des plus hautes autorités du Royaume.
Et ce, d’autant que l’actionnaire principal de Sanlam n’est autre que M. Patrice Motsepe, le beau-frère du nouveau président de la République sud-africaine, l’ancien leader syndicaliste sud-africain, Cyril Ramaphosa, devenu businessman richissime avant de partir à la conquête de l’ANC et de pousser le très corrompu président Zuma à la démission.
On notera également que Sanlam avait décidé de geler ses investissements dans son pays d’origine tout au long de l’année dernière, en privilégiant les opérations d’externalisation comme au Kenya (Pine Bridge Investments, Tavistock Financial en Grande-Bretagne, Zimnat au Zimbabwe, outre Saham au Maroc).
On soulignera également que le Groupe Sanlam dispose comme un autre actionnaire d’importance la Public Investment Corporation, institution gouvernementale sud-africaine de placements financiers…
Un proche du président de l’Afrique du Sud et un établissement public de ce pays deviennent des investisseurs directs dans l’économie marocaine en s’associant à un flamboyant financier, mais aussi ministre apprécié pour ses compétences, son dynamisme et largement considéré comme « bien en cour ».
Cela relèverait-il seulement du hasard ou bien a-t-on voulu, à Pretoria comme à Rabat, commencer par la finance et l’économie, c’est-à-dire le concret et le sérieux, avant de s’aventurer plus avant dans la diplomatie ?
Rien ne l’interdit de le penser, d’autant que le pragmatisme et l’esprit d’entreprise sont aujourd’hui parmi les valeurs et les caractéristiques au-devant des scènes sud-africaine et marocaine.
Lorsque des intérêts croisés, communs, partagés uniront fortement les milieux économiques et financiers du Maroc et d’Afrique du Sud, il sera plus facile d’adopter le même processus au plan des relations étatiques, ce qui a d’ailleurs commencé à s’esquisser à la faveur du retour du Royaume au sein de l’Union Africaine depuis janvier 2017.
Saham et Sanlam sont les bras financiers de ce rapprochement inéluctable qui répond aux véritables intérêts stratégiques des deux grands Etats du continent.
Et on pourrait parier que cette opération, financière a priori, aura fait grincer bien des dents, à Alger et à Tindouf où l’on observe avec inquiétude les avancées de la diplomatie économique et financière marocaine, autrement efficace que celle de M. Bourita, sans doute !
Fahd YATA