A seulement 23 ans, Rita Mounir est co-fondatrice et COO d’une start-up brillante dans le domaine de la cyber-sécurité en Californie à Santa Barbara. Fière d’être marocaine, femme et entrepreneure dans un domaine plus que réservé aux hommes, elle nous présente son parcours inspirant dans cet entretien.
Mme Rita Mounir, nous vous remercions de participer à notre numéro spécial dédié à l’entreprenariat au féminin. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous expliquer ce qu’est Allthenticate ?
Je m’appelle Rita Mounir, je suis co-fondatrice et COO d’Allthenticate, une entreprise de cyber-sécurité basée à Santa Barbara, en Californie. Notre activité se concentre sur le domaine du « Employee Identity Management », management des identités des employés d’une entreprise, c’est-à-dire gérer tout ce qui représente l’identité d’un employé que ce soit physique ou digitale. Ce que je veux dire par là, c’est que dans une entreprise aujourd’hui quand un employé est embauché, on lui donne des clés sous forme de cartes magnétiques, qui lui permettront d’accéder à l’entreprise, ouvrir les portes, monter dans l’ascenseur, accéder au garage etc, ainsi que de nombreux mots de passe, pour l’ordinateur, l’email, les logiciels. Avec Allthenticate, on a créé une application mobile, qui permet d’ouvrir automatiquement toutes les portes, et autres besoins sécurisés. Les employés n’ont plus qu’à avoir cette application sur leur téléphone, sans même avoir à le sortir de leur poche, pour que tous les mots de passe s’activent au besoin. Chez Allthenticate, nous partons du principe que les employés doivent se concentrer sur leur travail, plutôt que de perdre des heures à refaire leurs cartes ou perdre du temps avec le département IT pour récupérer leurs mots de passe oubliés. Allthenticate va venir solutionner ces problèmes. La grande différence c’est que nous ne sommes pas un simple « password manager », nous avons fondamentalement changé les choses, il n’y a plus du tout de mots de passe, on utilise le téléphone directement pour intégrer notre fonctionnement au hardware de celui-ci. Du coup c’est beaucoup plus sécurisé, d’ailleurs le co-fondateur Chad, a travaillé pendant 10 ans à faire de la recherche sur cela, il était hacker professionnel et a même travaillé pour le gouvernement américain au MIT Lincoln Laboratory, à hacker les systèmes les plus sécurisés au monde, où il a découvert qu’il y avait des structures, ‘patterns’ dans tous ces systèmes, et pour résoudre ces problèmes de cyber-sécurité il fallait mettre en place une solution intégrée directement à l’infrastructure du téléphone.
Comment est née l’idée de fonder Allthenticate ?
Comme je l’expliquais, Chad mon associé et co-fondateur d’Allthenticate a passé de nombreuses années à s’intéresser à ce type de cyber-solutions et était à la recherche de talents pour l’accompagner dans cette aventure. Il a trouvé mes coordonnées sur le site de l’Université. J’ai d’abord hésité parce qu’il avait déjà une équipe, je craignais de rentrer dans une structure déjà figée, mais finalement l’idée était tellement intéressante, et innovante, que j’ai accepté avec enthousiasme de m’associer avec lui. Ainsi, lors de ma dernière année à l’Université, alors que j’avais encore un visa étudiant, nous nous sommes investis à temps plein dans ce projet. Il y’avait une compétition pour start-up à l’université où j’étudiais qui s’appelle New Venture Competition et Chad avait essayé de remporter le prix 3 années d’affilées, mais en vain, alors qu’il obtenait son doctorat (PhD) dans le domaine de la cyber-sécurité. Malgré le fait que j’ai un background différent, parce que j’ai étudié les mathématiques et les statistiques, je voulais aussi participer à cette compétition. Nous avons formé l’équipe Allthenticate et avons remporté le 1er prix.
Est-ce que vous vous attendiez à une retombée aussi importante ?
A cette période-là, nous étions très fiers de notre accomplissement sans plus attendre de cette récompense. Pourtant, grâce à toute la couverture médiatique que nous avons eu dans la région de Santa Barbara, de nombreux investisseurs nous ont contacté pour nous proposer des fonds. C’était complétement fou, parce que nous n’avions même pas encore de structure légale, et nous recevions beaucoup d’appels pour rencontrer ces investisseurs et prendre leur argent. On a bien sûr été très heureux de l’engouement autour d’Allthenticate, mais avions besoin de temps pour structurer nos idées et mettre en place l’entreprise et surtout de comprendre quel engagement leur investissement représentait à notre niveau. Est-ce qu’on aurait toujours la main sur notre projet, ou est-ce que d’accepter cet argent nous obligerait à répondre à des demandes constantes et pressantes. Donc pendant un an, nous avons fait attendre ces investisseurs, le temps d’être prêts à répondre à leurs attentes. En juin 2020, nous avons levé nos premiers fonds et l’aventure a réellement commencé.
Comment avez-vous géré la forte demande en rapport avec Allthenticate?
Quand cela a commencé à devenir plus sérieux, et que nous avons lancé le produit fin novembre 2021, nous avons eu beaucoup de demandes, au point où nous avons dû décélérer, et refuser des potentiels contrats, parce que nous n’avions pas encore la capacité de répondre à leurs attentes. Il y a une expression dans le milieu des ‘starteupeurs’, qui dit « Startups usually try to run before they can walk ». Chez Allthenticate, on aimerait marcher avant de courir, mais c’est extrêmement encourageant de voir autant d’engouement.
Avez-vous pensé à étendre votre projet au Maroc ?
Oui, à l’avenir, parce que nous sommes encore une petite équipe à l’heure actuelle, et qu’il faudrait en avoir une localement pour s’assurer du bon déroulé de la mise en place des projets. Mais bien évidemment, pouvoir étendre Allthenticate au Maroc serait une grande fierté. En ce qui me concerne personnellement, quand on me rencontre, au bout de quelques phrases d’introduction, j’explique que je suis marocaine, parce que j’en suis vraiment fière, surtout en tant que femme dans cette industrie qui est majoritairement masculine. Je pense que c’est un très beau challenge, d’être une femme, marocaine de plus, dans un monde professionnel aussi masculin et majoritairement blanc et où les femmes représentent seulement 5% des emplois. On pense souvent que mon rôle dans l’entreprise est dans le marketing, ou la communication, on imagine très rarement que je puisse être experte dans les aspects techniques d’Allthenticate, simplement parce que je suis une femme. Du coup c’est toujours une satisfaction de voir leurs réactions changer, et de participer à l’ouverture des esprits même aux États-Unis, qui pourraient paraître plus avancés dans ces questions d’inégalités Homme/Femme.
Propos recueillis par Yasmin Yata