Les CCDR (Rapport sur le climat et le développement) sont un nouvel outil de diagnostic de la Banque mondiale ayant pour objectif d’étudier les liens entre climat et développement et de cerner les interventions prioritaires pour renforcer la résilience et atténuer les émissions de carbone tout en soutenant la croissance économique et en réduisant la pauvreté. En octobre 2022, la BM a publié la version de ce rapport consacrée au Maroc, réalisé sous la direction de Carole Megevand, Javier Diaz Cassou et Moez Cherif, qui est le premier publié pour un pays de la région MENA.
Selon le rapport, près de 78 milliards de dollars, en valeur actuelle, est le montant total des investissements nécessaires pour ancrer solidement le Maroc sur une trajectoire de résilience et bas carbone à l’horizon 2050. Investir maintenant dans l’action climatique procurera d’ »importants bénéfices au Maroc », en permettant de créer de nouveaux emplois, de redynamiser les zones rurales et de transformer le pays en un pôle industriel « vert » tout en l’aidant à atteindre plus largement ses objectifs de développement, indique le rapport, présenté lors de sa publication à Rabat, par Carole Megevand, Leader de secteur Développement durable pour les pays du Maghreb.
La réalisation de ces investissements sera progressive, mais leur rentabilité sera considérable, faisant ainsi du Maroc un environnement attractif pour les investissements étrangers directs et un centre d’exportations, en plus de stimuler la croissance économique.
Et de souligner que si les investissements dans les infrastructures hydrauliques revêtent une importance capitale, ils doivent s’accompagner de réformes dans le secteur de l’eau et de changements de comportement chez les consommateurs.
Selon les estimations du rapport, un niveau optimal d’investissements dans la gestion du risque de catastrophe permettrait de couvrir l’équivalent de 15 à 20% des pertes moyennes annuelles, soit un montant annuel d’investissement moyen compris entre 67 et 90 millions de dollars.
Par ailleurs, afin de décarboner l’économie du pays à l’horizon 2050, le rapport met l’accent sur la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et le déploiement massif de l’énergie solaire et éolienne.
Selon les projections du rapport, plus de 85% de l’électricité pourrait être produite à partir d’énergies renouvelables d’ici 2050, contre 20% en 2021. Avec, à la clé, la création d’au moins 28.000 emplois nets par an (soit 140.000 emplois en cinq ans) dans les seuls secteurs du renouvelable et de l’efficacité énergétique.
Les gains sur le front de l’emploi pourraient même être supérieurs en tenant compte du développement de l’hydrogène vert, de la mobilité électrique ou d’autres investissements industriels verts dans le Royaume.
Le rapport évalue à environ 53 milliards de dollars le coût de la décarbonation au cours des trois prochaines décennies, sachant que ces investissements seront en grande partie pris en charge par le secteur privé, sous réserve de la mise en œuvre de politiques sectorielles adaptées.
L’impact économique net serait cependant positif : réduction des importations de combustibles fossiles et d’ammoniac, sécurité énergétique accrue, diminution de la pollution atmosphérique et moindre vulnérabilité aux chocs internationaux sur les prix des hydrocarbures.
La décarbonation pourrait permettre au Maroc de devenir un exportateur net d’énergie verte et d’hydrogène vert et de faire du Royaume un pôle d’investissements et d’exportations industriels verts, notamment vers l’Union européenne.
Les besoins d’investissement en matière d’atténuation et d’adaptation nécessiteraient environ 23,3 milliards de dollars d’ici 2030 (dont les deux tiers consacrés à l’adaptation), 25 milliards de dollars entre 2031 et 2040, et 29,5 milliards de dollars entre 2041 et 2050.
Le rapport identifie trois enjeux prioritaires en soutien à une action climatique urgente : lutter contre la pénurie d’eau et les sécheresses, améliorer la résilience aux inondations, et décarboner l’économie. Le rapport se penche également sur les enjeux transversaux que constituent le financement, la gouvernance et l’équité.
SB
Un prêt de 350 M$ pour l’action climatique
Le Conseil d’administration de la Banque mondiale a approuvé en juin 2023 un prêt de 350 millions de dollars en faveur du Maroc afin de soutenir les mesures prises par le Royaume pour lutter contre le changement climatique et améliorer la résilience face à l’aggravation des impacts climatiques. Dans un communiqué, l’institution financière internationale souligne que le Maroc a réalisé « des progrès considérables » grâce à ses programmes sectoriels, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’énergie.
Le financement du « Programme pour les résultats » encourage les efforts d’intégration des politiques climatiques au sein du gouvernement et le renforcement des mécanismes de coordination permettant d’accélérer la transition climatique, a indiqué la même source qui précise que ce programme complète et renforce les autres engagements et financements de la
Banque mondiale en faveur de la transition climatique au Maroc au niveau sectoriel, notamment dans les domaines de
l’eau, l’agriculture, la protection sociale et la santé.
« La conception du programme s’appuie sur les recommandations émanant du Rapport national sur le climat et le développement du Maroc (CCDR) 2022, qui identifie une série de principes directeurs pour des actions urgentes, notamment le besoin d’une approche pangouvernementale, la création d’un système solide de données climatiques facilitant la prise de décision, et la nécessité absolue de protéger les groupes vulnérables et les écosystèmes contre le changement climatique », explique la Banque Mondiale.