Les réserves de changes, dites réserves extérieures nettes, du Maroc constituent par définition la « caisse » des devises de notre pays.
Celle-ci est alimentée par tout solde excédentaire de la balance des paiements de même qu’elle sert à compenser tout creusement ou aggravation de son déficit.
Les faits
Or, à fin juillet 2017, au niveau de la balance commerciale du Maroc, les importations ont enregistré un accroissement de +20 Mds DH, plus important que celui des exportations, lesquelles se sont limitées à +13,4 Mds DH.
Cela s’est traduit par un accroissement du déficit commercial de 6,6 Mds DH qui s’établit donc à -68,7 Mds DH contre -62,1 Mds DH à fin juillet 2016, dégradant ainsi un tant soit peu le taux de couverture qui se situe à 74,9% contre 75,5% un an auparavant.
Ce déficit de la balance commerciale est susceptible de s’aggraver au niveau de la balance des paiements en fonction des entrées et sorties de devises.
Or, celles provenant des MRE se sont stabilisées à fin juillet 2017 à 35,3 Mds DH contre 35,1Mds DH en juillet 2016.
Pour sa part, le flux des IDE a enregistré une progression de 35,6%, soit + 4,4 Mds DH.
Ainsi, à ce niveau, la baisse des réserves de change du pays semble être contenue, saut qu’à fin juillet 2017, les dernières statistiques des réserves internationales nettes du Maroc détenues par Bank Al Maghreb se sont détériorées à 204,1 Mds DH contre 249,2 Mds DH à fin 2016, en baisse donc de 45 milliards de dirhams.
Des questions embarrassantes ?
Comment expliquer une telle perte de près de 50 milliards de dirhams des réserves de change du pays alors qu’elle ne se justifie pas au niveau de la balance des paiements ?
Serait-ce parce que les réserves de change du Maroc sont soumises à une pression à la baisse causée par une augmentation du prix du pétrole qui, de 36 dollars, son plus bas, évolue actuellement sur un palier de 55 dollars ?
Serait-ce parce que le paiement des dividendes intervient à cette période et que la croissance externe de deux banques, (AWB et BP) s’est matérialisée par d’importants investissements et donc des sorties de devises au second trimestre 2017 ?
La réponse à cette question se trouve ailleurs !
Les réserves de change détenues par Bank Al-Maghrib ont diminué au profit de réserves en devises constituées par les banques.
En effet, la réglementation bancaire permet au système bancaire de constituer des réserves en devises à hauteur de 20% des capitaux propres.
Et, l’on a pu constater, au premier semestre 2017, une tendance à la constitution de réserves de changes par le système bancaire.
Il faut savoir que les banques commerciales marocaines ne constituaient plus de réserves en devises en propre pendant la crise financière internationale !
Des matelas confortables
Et pour cause. Avec la baisse des taux d’intérêt en dessous de 0% en Europe et aux Etats-Unis, leurs perspectives de rentabiliser cette manne de devises, étaient très faibles.
Avec la sortie de crise en Europe, les banques marocaines ont recommencé à constituer leurs propres réserves de devises, sur la base des fonds en monnaies étrangères qui leurs sont déposés par les exportateurs et qu’elles n’ont pas cédés à la Banque Centrale
En effet, on constate, à travers les chiffres des réserves bancaires en devises, qu’au cours du premier trimestre 2017, les réserves de changes constituées par les banques étaient négatives respectivement au cours des trois premiers mois de l’année : à -1,09, Mds DH en janvier, -2,5 Mds en février et -0,9 milliard de dirhams en mars 2017.
Cela signifie que les banques recourraient systématiquement à la Banque centrale pour leurs besoins de devises.
Depuis, les créances nettes des intermédiaires autres que les banques sur les non résidents, ont connu une croissance nette et continue.
De 2 milliards de dirhams en avril dernier, celles-ci se sont établies à 30 milliards de dirhams à fin juillet, comme le montre le tableau ci-après.
C’est à croire que les opérateurs internationaux n’ont pas été les seuls à craindre une dévaluation de notre monnaie avec l’entrée en vigueur de la réforme de la cotation du Dirham, en prenant des couvertures de change sur des mois et mois !
Des banques ont elles-mêmes douté des conséquences de ce tournant et ont constitué des réserves de devises.
En conséquence, c’est un véritable jeu de vases communicants qui s’est produit entre les réserves nettes de BAM et celles des banques commerciales.
Si on devait additionner celles détenues par les banques, à fin juillet 2017, la perte des réserves globales du Maroc se limiterait à 15 milliards de dirhams uniquement.
Voilà une bonne nouvelle même si les réserves en devises étrangères des banques ne peuvent être prises en compte par les agrégats macroéconomiques du Royaume. En effet, elles sont considérées par le FMI et la Banque Mondiale comme étant privées.
Toutefois, avec le renforcement actuel de l’euro et son impact sur le dirham, lequel s’est déprécié de 6%, alors que le régime de change flottant prévoyait une fourchette de – 2,5 à +2,5%, ce qui aurait pu cantonner l’impact de l’envol de l’euro sur le dirham, on est en droit de se demander quelle politique les banques commerciales vont adopter. S’agira-t-il de continuer à renforcer leurs réserves de change ou non ?
Inversement, leur position conditionnerait- elle l’avenir du dirham ?
Ni perdant, ni gagnant
Quant à l’impact de ces réserves bancaires en devises sur les réserves nettes internationales de BAM, il est certain que les banques, en constituant leurs propres réserves de change, auront moins recours à la Banque centrale pour certains de leurs besoins ou demandes de leurs clients. Et BAM économiserait en partie ses propres réserves de change assimilées à celles du Maroc.
Ainsi, arithmétiquement, si les banques ont causé une perte des réserves internationales constituées chez Bank Al-Maghrib, c’est parce qu’elles recommençaient à zéro la constitution de leurs propres réserves de change.
Reste à savoir si les 30 milliards en devises qu’elles détiennent aujourd’hui représentent les 20% de leurs capitaux propres et donc jusqu’où pourraient-elles continuer à réserver des devises ?
Mais, in fine, l’essentiel réside dans la bonne interprétation de la baisse importante des réserves internationales du Maroc à fin juillet, proche de 50 milliards de dirhams !
Et de comprendre que cette baisse n’est pas effective parce que les banques détiennent désormais une partie des devises, ce constitue un soulagement en soi !
On peut affirmer qu’il ne s’agit plus d’une baisse des réserves extérieures, mais d’un simple partage de ces dernières entre le système bancaire et BAM. Ouf !
Afifa Dassouli