
Des employés font la queue le 10 février 2020 à Shanghai alors qu'ils reprennent le travail © AFP NOEL CELIS
Près de la Grande muraille, l’auberge de la famille Li n’accueille plus aucun hôte et le supermarché voisin est désert. Dans une Chine paralysée par l’épidémie de coronavirus, la reprise de l’activité économique prévue lundi s’avère très compliquée.
D’habitude, pour les congés du Nouvel an lunaire, l’auberge de la Ferme Yingfangyuan, entourée d’idylliques collines enneigées au nord de Pékin, ne désemplit pas: « Nous avions jusqu’à dix tables de convives à cette période », confie la tenancière Wang Li, 35 ans.
« Mais là, il n’y a personne », se désole-t-elle auprès de l’AFP. L’établissement proche de la Grande muraille a dû fermer ces deux dernières semaines.
Débutés le 24 janvier, les congés du Nouvel an lunaire ont été prolongés au-delà des sept jours fériés initiaux pour tenter d’endiguer l’épidémie de coronavirus, en incitant les gens à rester sur leur lieu de séjour. Dans quasiment toute la Chine, entreprises et usines ne pouvaient redémarrer qu’à partir du 10 février.
Mais pour Mme Wang, comme pour d’innombrables entreprises familiales à travers le pays, il sera compliqué de rattraper les pertes et de faire face à des coûts fixes qui s’accumulent, alors qu’un peu partout les restrictions de déplacement persistent.
Dans le village voisin de Heishanzhai, des barrages routiers bloquent les accès dans l’espoir d’empêcher la propagation du virus. M. Yang, gérant du supermarché local, reste avec sur les bras ses stocks de kakis, cadeau traditionnel du Nouvel an: « Cette année, personne ne rend visite à personne », soupire-t-il.
La fréquentation n’est guère meilleure dans les grandes villes: dans les centres commerciaux les clients restent rarissimes. Dans ce contexte, la populaire chaîne de fondue Haidilao maintient fermés sine die sa centaine de restaurants.
– Fièvre de télé-travail –
Certes, à Pékin ou Shanghai, la circulation reprenait un peu lundi après deux semaines d’interruption presque totale, mais elle restait loin du trafic habituel.
La municipalité shanghaïenne encourage à favoriser le travail à distance. Vendredi, la Chambre américaine de commerce à Shanghai a indiqué que sur 127 entreprises sondées parmi ses membres, 60% prévoyaient d’imposer lundi « un télé-travail obligatoire ». Presque toutes autorisent à travailler à domicile.
La banque de M. Cao, croisé aux aurores à Shanghai, privilégie les horaires alternés: une partie des employés se rend au bureau le matin, laissant la place à l’autre moitié des effectifs l’après-midi. « Cela complique notre travail, car nous avons besoin d’accéder aux systèmes informatiques », regrette M. Cao.
Signe de cette fièvre du télé-travail: DingTalk, une appli de communications et audio-conférences en entreprise, revendiquait la semaine dernière presque 200 millions d’utilisateurs actifs connectés.
– Quarantaines à l’usine –
Dans ces conditions, et avec des transports toujours perturbés, difficile d’évaluer quand les 300 millions de travailleurs migrants, rentrés dans leur région d’origine pour les congés, pourront – et voudront – regagner leurs usines.
Le géant taïwanais de l’électronique Foxconn, principal assembleur d’iPhones, a annoncé imposer une quarantaine à ses employés regagnant son usine géante de Zhengzhou (centre). Et suite à des consignes officielles, Foxconn maintenait fermées lundi ses usines chinoises, selon le média japonais Nikkei.
Dans l’automobile, les usines de la coentreprise Volkswagen-SAIC ne redémarreront que le 17 février, à l’exception d’un site shanghaïen rouvert lundi, selon un porte-parole du constructeur allemand.
Les usines chinoises de l’américain Ford redémarrent progressivement à partir de lundi, mais le groupe prévoit une montée en puissance graduelle de la production sur plusieurs semaines, selon un porte-parole.
La sortie du tunnel reste lointaine en revanche pour les sites industriels de Wuhan, à l’épicentre de l’épidémie, la ville demeurant complètement à l’arrêt. Pour le constructeur automobile Dongfeng, la reprise des usines « dépendra des mesures de prévention de l’épidémie », selon une porte-parole.
Certes, le commerce en ligne pourrait tirer son épingle du jeu, mais le retour à la normale logistique est là aussi délicat: la firme de livraison Shentong Express a expliqué avoir « repris ses activités sur l’ensemble de son réseau », mais prévenu qu’elle réservait la priorité aux acheminements de matériels médicaux.
LNT avec Afp