Le Jeudi 29 Septembre 2016, eu lieu, à l’INPT (Institut National des Postes et Télécommunications de Rabat, la 21ème édition du cycle de conférences « Echanger pour mieux comprendre » de la Fondation Attijariwafa bank.
Co-organisé avec le SOFT CENTRE sous le thème « Innovation technologique et performances sectorielles : études de cas et retour d’expériences », cette rencontre a été une occasion très intéressante de rencontrer les différents acteurs marocains impliqués dans l’écosystème d’innovation mis en place par cette association d’utilité publique.
Pour avoir déjà interviewé son directeur, Jamal Benhamou, j’étais personnellement curieux de voir concrètement les différentes réalisations effectuées ainsi que quelques unes des « success stories à la marocaine » !
Retour sur l’expérience Softcentre…
Après quelques mots de bienvenue de la part du directeur de l’INPT, Mr Benameur et de Mme Saloua Benmehrez, Directeur Exécutif du groupe Attijariwafa bank et aussi responsable de la Fondation Attijariwafa Bank, le ton a très vite été donné par le pragmatisme de l’intervention de Jamal Benhamou.
Ce dernier, après avoir expliqué à l’audience la mission principale du Softcentre (qui est de construire un « pont de l’innovation » entre le monde universitaire et celui de l’entreprise privée pour aboutir à des solutions logicielles commercialisables sur le marché de l’IT), est revenu sur les différents challenges auxquelles il a du être confronté au début de l’aventure de l’association.
Il s’agissait notamment de trouver la bonne formule pour faire coopérer deux entités qui, auparavant ne se parlaient pas : l’entreprise, qui a des obligations de résultats (rentabilité et profit) et l’université qui est plutôt orientée recherche fondamentale !
Le défi était donc double : trouver un objectif commun à ces deux structures pour qu’elles puissent collaborer de manière durable et efficace et avoir un impact réel sur le marché avec le développement et la commercialisation de produits innovants 100% marocains.
L’une des clefs, selon Jamal Benhamou, pour faire aboutir cet écosystème, a été de se baser sur les 3 postulats suivants :
- Une innovation n’a de sens que si elle répond à un besoin métier tangible exprimé par les donneurs d’ordres publics et privés nationaux.
- Une innovation n’a de sens que si elle repose sur un véritable know how local
- L’innovation doit être constamment remise en question car les problématiques changent et évoluent rapidement avec le développement exponentiel des nouvelles technologies.
Ce n’est en effet qu’en exprimant de manière claire un besoin pour les utilisateurs finaux que toute la dynamique de travail collaboratif entre tous ces acteurs peut être véritablement enclenché.
Force est de constater qu’en 2016, cette démarche a été plutôt fructueuse : depuis la création du Softcentre, ce ne sont pas moins de 66 projets qui ont vu le jour impliquant 40 entreprises marocaines et 250 ressources universitaires.
Pourtant, ces succès n’ont pas été aussi simple à produire. Jamal Benhamou a eu raison d’insister sur le fait que, suite à un repositionnement par rapport au secteur choisi, il y’ a de cela une dizaine d’année, beaucoup de personnes ont douté de la pertinence du choix du mobile comme levier de croissance,
« C’est ridicule, ça ne marchera jamais » disait-on, ou encore « C’est dangereux ! tu risques de te casser la gueule !»
Le marché du mobile ayant par la suite explosé, ces mêmes personnes ont ensuite dit, devant le succès des nombreux projets encadrés par le Sofcentre : « C’est évident ! ».
Je suis totalement d’accord avec Jamal lorsqu’il dit que « l’innovation au Maroc, a vraiment besoin de s’affranchir des scénarios pessimistes qui découragent et empêche la prise de risque ! ».
Ne pas avoir peur de l’échec mais plutôt capitaliser dessus est le « mindset » qu’il faut mettre en avant si l’on veut vraiment voir l’innovation se développer efficacement dans notre pays.
Tous les acteurs présents à cette rencontre ont adopté cette culture américaine du « Try, Fail…Try Again, Succeed ». Leur retour d’expérience était donc plus que pertinent pour prouver la valeur de cette démarche !
Mohcine Lakhdissi : « la data est le nouvel engrais des agriculteurs ! »
L’un des premiers à être venu témoigner de son expérience est Mouhsine Lakhdissi, directeur d’AGRIDATA Consulting et grand contributeur bénévole de l’écosystème de l’entrepreneuriat et de l’innovation au Maroc (il est aussi Président de l’association des anciens de l’ENSIAS, coah mentor à Mowgli Monitoring et Start Up Maroc, …).
Ce fils d’agriculteur a su très rapidement mettre en pratique ses connaissances en logiciel informatique (Mouhsine est titulaire d’un diplôme d’ingénieur d’état, en génie logiciel, et d’un Doctorat d’État de l’ENSIAS, ainsi que d’un Master en Génie logiciel de l’Université d’Ottawa au Canada) en travaillant d’abord pour diverses institutions (Cap INFO, ODEP, Axa Assurances Maroc, Omnidata) en qualité de Chief IT Architect puis de chef de projet, avant de s’engager vers la voie entrepreneuriale qui l’a mené à la création de sa startup.
Selon Mouhsine, « la data est le nouvel engrais des agriculteurs ! ». Connaitre l’historique des cultures, les statistiques sur les bonnes pratiques de production, les prévisions météo, les process de récolte,) peut en effet aider ces derniers à mieux gérer leurs exploitations et à améliorer considérablement leur productivité et rentabilité !
Mouhsine a su expliqué à l’audience le rôle important que peut jouer au Maroc une agriculture innovante et moderne (décomplexé du rôle archaïque que l’on a toujours voulu lui imposer) en mettant en avant les différentes technologies qu’il a développé pour les agriculteurs !
Le LG All In One, par exemple, est un progiciel qui se veut être la première solution complète de gestion agricole au Maroc.
C’est un outil innovant et performant, capable de fournir de précieuses informations à l’agriculteur (intrants nécessaires à la croissance des plantes, moments d’application des engrais, risques de ravageurs, etc.) pour l’aider à améliorer la productivité de ses parcelles tout en optimisant son process de production !
Pour étayer ses propos, Mouhsine a pu faire partager à l’audience (via un message whatsapp diffusé dans toute la salle !) le témoignage de Mme Khadija El Kalii, l’ancienne responsable financière du groupe DELASSUS, un de ses prestigieux clients qui a acheté son produit et qui a confirmé que ce dernier avait effectivement connu une hausse significative de sa productivité suite à l’utilisation de sa solution.
A noter que LGA a reçu le prix du Futur Agro Challenge. Ce qui le classe parmi les 5 meilleurs produits de gestion agricole du monde.
LGA est aujourd’hui déployée sur plus de 60 000 ha de terrain agricole au Maroc et se prépare a être commercialisé bientôt en Afrique !
Omar Bencherki : la voiture connectée 100% marocaine
Plus besoin de vous présenter Omar Bencherki. Ce jeune entrepreneur à la tête de NavCities et de Magnav, est l’un des acteurs majeurs du développement de l’écosystème « voiture connectée 100% marocaine ».
Omar a eu le culot de venir défier les 2 deux grands géants Google et Apple sur un terrain qu’ils dominent pourtant largement (le marché des systèmes connectés pour voiture) en proposant un système totalement ouvert pour permettre l’implémentation d’applications marocaines et africaines adaptées à l’industrie automobile.
De nombreux concessionnaires lui ont fait confiance et le système Magnav est aujourd’hui déjà déployé dans toutes les voitures de la marque Hyundai ainsi que dans de nombreux autres modèles distribués au Maroc (Chevrolet, Opel, etc.)
Pour en savoir plus sur ce projet, vous pouvez lire mon article spécial voiture connectée 100% marocaine.
Zouhair Lakhdissi, Dial Technologies, pionnier du mobile
Zouhair Lakhdissi, l’un des derniers acteurs venus témoigner de sa collaboration avec le Softcentre n’est autre que le frère jumeau de Mouhsine Lakhdissi et qui est aussi patron d’une startup dynamique, Dial Technologies !
Durant son intervention, Zouhair est revenu sur l’offre de service sur mobile qu’il a développé pour Wafa Assurance. Une solution qui était en fait à l’époque, la première application mobile 100% marocaine développée pour un grand groupe.
Elle a permis de changer et de reconsidérer de manière plus positive la relation entre les assurés et leur assureur en les rapprochant via une interface simple, pratique et éducative.
Avec My Wafa Assurance Maroc, l’utilisateur dispose désormais d’informations pertinentes telles que la géolocalisation en cas d’accident ou de panne, l’annuaire d’urgence, l’accès à l’actualité du monde des assurances, etc.
Zouhair a démarré sa startup dans les années 2000 et a acquis, depuis, énormément d’expérience.
Deux conseils précieux, prodigués par ce pionnier du mobile au Maroc aux jeunes étudiants de l’INPT et autres entrepreneurs présents dans la salle, ont retenu mon attention :
1) Le produit dans sa conception et son utilité doit toujours être pensé et orienté vers l’utilisateur final.
2) Pour faire face aux soucis de trésorerie et se développer rapidement, une jeune startup devrait privilégier le financement de ses innovations directement par ses clients !
En développant cette stratégie, la startup peut générer du revenu immédiatement tout en testant son produit sur le marché quitte à le faire évoluer par la suite pour l’adapter encore plus au besoin de ses clients.
Séances Questions/réponses avec la salle
Lors de la séance des questions réponses, j’ai pu poser une question à Mouhsine Lakhdissi concernant sa solution LGA :
« Quel stratégie avez-vous adopté pour pouvoir commercialiser votre solution technologique auprès des agriculteurs marocains qui ne sont pas forcément tous habitués à manipuler des produits high-tech ? »
Sa réponse a été assez édifiante :
« Étant moi-même fils d’agriculteur, j’ai été particulièrement interessé par toucher le plus grand nombre d’agriculteurs marocains, quel que soit la taille de leur exploitation.
Il faut savoir que de plus en plus d’agriculteurs marocains sont aujourd’hui au courant des bienfaits de la Data pour améliorer la productivité de leurs exploitations. Certains sont fils d’agriculteurs et donc plutôt à l’aise avec la technologies tandis que d’autres sont des ingénieurs agronomes qui ont loué des terres pour mettre en pratique leurs connaissances théoriques.
Il existe même des groupes Facebook qui a été crée par des agriculteurs connectés pourr s’entraider dans la gestion de leur exploitations agricoles.
Beaucoup d’agriculteurs marocains sont donc aujourd’hui parfaitement capables d’utiliser notre solution et sont même de parfaits ambassadeurs de notre produit car ils vantent ses mérites de manière naturelle et authentique !
Pour répondre à votre question par rapport à certains agriculteurs qui ne sauront pas à l’aise avec la version classique de notre produit (pour cause d’analphabétisme par exemple), je suis fier d’annoncer que je travaille actuellement pour déployer une solution adaptée car le produit sera bientôt disponible en version vocale et en Darija grâce à l’utilisation de la technologie développé par mon frère Zouhair au sein de sa startup Dial Technologies ! »
Pour conclure sur cette belle rencontre organisée par le Softcentre et la Fondation Attijariwafabank, je dirais, qu’une fois de plus, il m’a été donné de constater clairement que « l’innovation est indissociable de la passion ! »
En effet, tous les acteurs qui ont contribué au succès de l’écosystème mis en place par le Softcentre avaient pour point commun d’être des passionnés de l’entrepreneuriat et de l’innovation !
Mouhsine Lakhdissi voulait redonner ses lettres de noblesse à l’agriculture, Omar Bencherki a voulu relever un gros challenge (défier Google et Apple sur leur propre terrain), Zouheir Lakhdissi a voulu prouver que le mobile était l’avenir et Jamal Benhamou montrer à tous qu’il suffit de quelques hommes motivés pour faire émerger des solutions innovantes capables d’inspirer de nombreux autres…
Il est aussi très important de retenir de cette rencontre qu’une innovation ne peut émerger sans une réelle connaissance du métier pour lequel on veut la développer.
En effet, les étudiants PFE des universités, qui ont collaboré avec les entreprises, via le Softcentre, pour produire du logiciel aussi innovant avaient développé au préalable une vraie connaissance du secteur et avaient bien compris les besoins de leurs futurs utilisateurs.
Enfin, je suis content de voir que de plus en plus de grands groupes soutiennent la démarche de l’entrepreneuriat et de l’innovation, à l’image ici de la Fondation Attijari Wafabank.
Cette dernière a d’ailleurs récemment mis en place Dar Lmoukawil, un programme destiné à appuyer les jeunes entrepreneurs dans leur démarche de création et de développement de leur entreprise.
Souhaitons donc bonne chance à tous ceux qui veulent intégrer l’écosystème d’innovation marocain…
Omar Amrani.