La robotique jouera un rôle majeur dans nos sociétés dans les années à venir. Les pays développés (Japon, Etats-Unis, Allemagne et France) qui l’ont compris ont déjà pris une bonne longueur d’avance sur nous; leurs investissements dans le secteur privé et dans la recherche scientifique connaissant une croissance exponentielle.
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Au Maroc, la robotique est une matière qui n’existe même pas dans les écoles d’ingénieurs ou les facultés des sciences des universités. Cela est en partie dû au fait qu’il n’y a pas encore de professeurs formés spécifiquement à la robotique.
Pourtant, un phénomène très intéressant, observé ces dernières années, laisse présager un avenir prometteur dans ce secteur : le développement un peu partout dans notre pays, de clubs de robotique tenus par de jeunes étudiants passionnés.
Je suis allé à la rencontre de l’un d’entre eux, le très dynamique Club Robotique FSR. Ce club est très certainement celui qui a le plus contribué à initier ce mouvement et il est considéré aujourd’hui comme le leader dans les compétitions de robotique organisées à l’échelle nationale.
Reportage dans les locaux de ce club pionnier de la robotique au Maroc…
Historique du club
C’est dans la salle de réunion du Club Robotique de la Faculté des Sciences de Rabat (FSR) que je suis reçu par 7 étudiants (3 filles et 4 garçons) de l’Université Mohamed V, tous impatients de parler de la passion qui les réunit: la robotique.
Rihab Bousseta est celle qui me présente le club eb tant que responsable communication du FSR. C’est aussi une brillante étudiante doctorante du LIMIARF (Laboratoire d’Informatique, Mathématiques appliquées, Intelligence Artificielle et Reconnaissance de Formes). Son sujet porte d’ailleurs sur un bras robotisé d’assistance aux handicapés commandé par la pensée!
Les 5 autres membres présents sont issus de différentes branches universitaires (informatique, électronique, mécanique, etc.) et de niveaux d’études différents.
L’idée de la création du club a germé dans la tête de deux anciens lauréats de l’Université, Mohammed Serbouti et Mohamed Amine Balafrej qui créent celui-ci en 2008. qui créent celui-ci en 2008. L’intention première était de réunir tous les étudiants de la faculté des sciences autour de leur même passion pour la robotique.
Leur professeur de physique de l’époque, Mr. Mourad Gharbi, va encourager cette initiative puisque c’est lui qui arrivera à convaincre le doyen de l’Université, Wael Benjelloun, de financer le club.
Objectifs du Club
Une fois formé, le club a progressivement pu organiser son mode de fonctionnement et ses différentes activités. Voici aujourd’hui ses plus importants objectifs, résumés en 5 points :
- Former tous les étudiants intéressés par la robotique ;
- Fabriquer des robots en encourageant le travail d’équipe et l’échange de compétences ;
- Participer à des compétitions nationales et internationales ;
- Organiser, chaque année,sa propre compétition ;
- Stimuler l’esprit d’innovation à travers la réalisation de projets pilotes.
Aujourd’hui, après 7 ans d’existence, le club est considéré comme une référence en la matière. Il détient ainsi le record marocain de prix et de trophées dans les compétitions nationales.
« Do It Yourself » à la marocaine !
En les interrogeant sur la façon dont ils ont acquis leur savoir et les compétences nécessaires pour arriver à un tel niveau de résultats, je réalise que ces jeunes étudiants sont en fait de véritables représentants marocains du « Do It Yourself » ou « D.I.Y. » (« fais le toi-même »).
Ce mouvement mondial, très en vogue ces dernières années, encourage l’acquisition de compétences sans avoir recours à des études scolaires, Internet étant la principale ressource de connaissances.
« Les membres du club FSR me confient que c’est avant tout le plaisir de créer soi-même des robots comparables à ceux des étudiants d’universités prestigieuses dans le monde qui les motive le plus. »
La procédure pour la fabrication de ces robots est assez surprenante par sa simplicité :
- Les étudiants décident d’abord de la nature du robot à fabriquer (robot suiveur de lignes, éviteur d’obstacles, porteur d’objets, etc.);
- Ils se renseignent ensuite sur Internet sur le matériel nécessaire pour sa fabrication (composants électroniques, logiciels à utiliser pour la programmation, pièces mécaniques, etc.) et sur la manière de l’acquérir (marché local, importation de l’étranger, échange ou recyclage, etc.
- La dernière étape, la fabrication, est réalisée grâce aux différents tutoriels disponibles sur Youtube, dans les forums spécialisés ou par chat avec d’autres étudiants étrangers.
Les solutions viennent aussi de l’expérience du club lui-même, à force de tests et d’essais, de patience et de persévérance.
Le « Système D » qu’ils utilisent pour s’approvisionner en composants électroniques est, lui, édifiant: dans notre pays, il faut aller chercher les pièces dans les souks traditionnels (Bab El had ou Souk El Kelb à Rabat) où les pièces et composants sont en général recyclés.
« Contrairement aux pays occidentaux, le Maroc ne dispose pas de magasins de grandes surfaces spécialisés dans la vente de matériaux électroniques. »
Les membres du club sont donc constamment obligés d’utiliser des astuces pour trouver tout ce dont ils ont besoin: carte récupérée d’une ancienne télécommande, moteur pris d’un jouet, transistor, tout est bon à prendre !
« Soufiane Bousseta, un des jeunes membres du club, me confie qu’il a trouvé une fois dans un souk un composant électronique qui valait 100 dhs mais qu’il a acheté à 5dh seulement, le marchand ne se rendant pas compte de sa vraie valeur puisqu’il ne vend que très rarement ce type de pièces. »
Les composants inexistants au Maroc, sont eux, commandés et importés de l’étranger. La procédure d’importation, étant parfois complexe, les étudiants n’hésitent pas à faire appel à leurs professeurs de faculté pour débloquer la situation auprès de la douane marocaine.
Ces mêmes professeurs viennent d’ailleurs leur rendre visite parfois dans le club lorsqu’ils ont besoin de conseils particuliers. La barrière professeur-étudiant tombe alors : aucun rapport d’autorité n’existe à ce moment là, les professeurs viennent uniquement en tant qu’ami pour les aider et les conseiller dans l’avancement de leurs projets.
Les bienfaits des compétitions
Les compétitions nationales et internationales jouent un rôle très important dans le processus d’apprentissage des membres du FSR. En juillet dernier, le club a organisé, pour la première fois, sa propre compétition internationale.
Le financement de cette 7ème édition a pu se faire grâce au sponsoring de deux entreprises marocaines : Raynov, société spécialisée dans la conception et la réalisation de systèmes de haute technologie (son directeur n’est autre que le membre fondateur du club, Mohammed Serbouti). L’autre sponsor, Nextronic a aussi aidé financièrement les étudiants à acquérir les composants et le matériel nécessaires à l’organisation de la compétition.
Mais c’est certainement en 2013 que les membres du club connaissent leur plus belle expérience. En effet, quatre d’entre eux ont pu se rendre à la fameuse IDC-RoBoCon qui a eu lieu au Brésil. Cela a été possible grâce à l’intervention de leur professeur d’informatique Mourad Gharbi, qui a découvert cette compétition et a pu convaincre le doyen de l’Université, Mr Benjelloun, de financer le voyage.
L’iDC-Robocon est l’événement incontournable pour les étudiants du monde entier passionnés par la robotique. C’est un concours où les étudiants universitaires des pays du monde entier (Japon, Etats-Unis, Royaume-Uni, etc.) se réunissent, chaque année pour partager leur passion et leur culture de la robotique. Durant 2 semaines, ils échangent leurs connaissances scientifiques et technologiques acquises pendant leurs études scolaires et universitaires.
Le concours consiste à créer, par tirage au sort, des équipes multiculturelles et de les faire concourir dans diverses épreuves originales. Les équipes doivent créer sur place leur robot pour accomplir les épreuves. Les équipes les plus performantes seront désignés vainqueurs.
Les étudiants marocains qui ont participé à cette prestigieuse compétition n’ont pas démérité. L’un deux Soufiane Boussetta, a même honoré son université puisqu’il a conduit son équipe jusqu’en finale et a ainsi pu récolter le 2ème prix de la compétition !
L’expérience acquise durant ce voyage a servi d’ailleurs à organiser cette même compétition, l’année d’après, à l’Université Mohammed V-Agdal à Rabat. Là encore, les membres du club FSR furent bien représentés puisque l’un des membres du club FSR a obtenu la 3ème place du concours.
Pourquoi il faut encourager les clubs de robotique au Maroc
Apprentissage efficace et pratique
Le club robotique FSR a permis à ses membre de développer une approche d’apprentissage originale et pratique: le plaisir d’apprendre entre étudiants, sans l’intervention des professeurs. Les membres du club n’ont effectivement jamais peur de poser des questions à leur amis (questions qu’ils n’auraient peut-être pas posées en classe devant un professeur), de tester des choses, de se tromper, etc.
En ayant acquis une expérience pratique dans la fabrication de robots, ils disent se sentir beaucoup plus à l’aise dans les cours théoriques suivis à l’université : les examens dans des matières tels que l’électronique, l’informatique ou encore la mécanique sont ainsi passés haut la main chaque année, avec une facilité déconcertante.
Acquisition de compétences pédagogiques
Les sessions de formation données par les membres du club développent aussi chez eux une certaine compétence pédagogique. En effet, les cours qu’ils donnent aux autres étudiants les obligent à structurer leurs connaissances et à les vulgariser au mieux afin de transférer efficacement leur savoir.
« Il est intéressant de noter que ces formations se font en darija et en anglais, combinaison idéale, selon les membres du club, pour bien faire passer les messages! »
Chaque année, ils sont ainsi plus d’une centaine d’étudiants à bénéficier d’une formation théorique et pratique en robotique.
Les membres du club ont même l’intention d’aller plus loin en 2016 en envisageant de créer un concept d’Open classroom. Ce dernier utilisera la plateforme Youtube pour diffuser leurs cours et autres tutoriels sur Internet et toucher ainsi plus de marocains qui s’intéressent à la robotique.
Stimulation de l’esprit d’initiative et de débrouillardise
Un autre point très positif de ce club est l’esprit de débrouillardise qu’il inculque à ses membres. Très peu encadrés et laissés à eux-mêmes, les étudiants sont obligés de se creuser les méninges et de trouver des solutions innovantes et astucieuses pour résoudre leurs problèmes.
Conclusion
Le niveau des membres de ce club robotique que j’ai eu le plaisir de découvrir n’a rien à envier aux autres pays. Les robots qu’ils fabriquent sont semblables à ceux de leurs homologues japonais ou américains. Leur aspect esthétique est certes moins réussi, mais leurs fonctions motrices et réceptrices sont tout aussi efficaces !
Ce n’est donc pas le talent et les compétences qui sont le problème dans notre pays pour développer le secteur de la robotique mais le manque de financement et la disponibilité des matériaux.
Le prestige dont jouit aujourd’hui le club robotique FSR a permis de faire connaitre l’Université Mohammed V et sa faculté des sciences. Considérés comme les pionniers de la robotique au Maroc, de nombreux établissement scolaires à travers le pays (Université Al Akhawayne, Lycée Descartes, collèges, etc.) viennent aujourd’hui les voir directement à Rabat pour leur demander d’avoir des formations et des conseils pour pouvoir créer, eux- aussi, leurs propres clubs de robotique.
L’Université Mohammed V a donc très bien fait de croire au projet initial de création de ce club en 2008. C’est aujourd’hui un investissement sûr qui lui permet de bénéficier d’une bonne publicité et de mettre en avant ses autres facultés et ses différents instituts de recherche.
Espérons que son nouveau doyen, Mr.Said Amzazi, continuera, lui aussi, à encourager le club. Cela montrera l’exemple à d’autres universités et écoles d’ingénieurs, qui seraient très inspirés de suivre ce modèle de réussite qui dure depuis maintenant près de 8 ans.
Ce n’est qu’avec ce genre d’initiatives que l’on pourra espérer un jour voir apparaître dans nos universités des cours de robotique. Ces derniers pourraient bien être donnés par d’anciens étudiants membres du club robotique FSR, désireux de transmettre avec passion leurs savoirs et compétences aux prochaines générations d’étudiants…
Omar Amrani.
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