Le mercredi 22 février, EMINOV (club d’innovation de l’école Mohammedia des Ingénieurs) organisait une conférence sous le thème « L`innovation a l’ère du numérique : comment créer une culture digitale propice a l’innovation au sein de l’entreprise marocaine. »
Les invités de cette conférence, Omar Balafrej (ex-directeur du Technopark), Nabil El Hilali (enseignant-chercheur à l’ESCA et consultant), Yasser Monkachi (CEO Social Impulse et resilience.ma), Reda Taleb (DG de Officium Maroc), Tarik Fadli (Fondateur de Algo Consulting et de La marocaine des e-Services) et un invité d’honneur, Mehdi Alaoui (CEO de ScreenDY) sont des personnalités très impliquées dans l’écosystème de l’innovation et du digital au Maroc.
Invité aussi à participer et à échanger autour du sujet, j’ai pu constater que l’innovation passionne et enthousiasme de plus en plus de marocains !
La forte participation, le nombre de questions et d’interventions au débat et l’heure tardive à laquelle a fini la soirée nous ont tous rappelé qu’un autre Maroc est en marche : un Maroc entreprenant, positif et résolument tourné vers l’avenir !
Retour et impressions sur cet évènement très enrichissant…
« La data » : élément clé de l’innovation
Ces dernières années, le rythme des innovations dans le monde s’est particulièrement accéléré. La raison principale: Un accès démocratisé et gratuit a l’information ou data !
Autrefois, l’innovation sortait essentiellement des laboratoires d’université et des départements de recherche et développement des entreprises. Ces derniers disposaient aussi bien du savoir que du financement pour développer leurs produits.
Aujourd’hui, n’importe qui dans le monde ayant un accès à internet (donc au savoir) peut innover !
Il suffit de le vouloir en étant curieux, attentif aux changements de son environnement et en profitant de l’énorme quantité d’informations disponible sur le net !
Le nombre d’auto-didactes ou « self-maid men (ou women) » ayant réussi à innover durablement ne se compte plus !
Le digital pour diffuser l’innovation à grande échelle !
Comme l’a rappelé Omar Balafrej lors de son intervention en tout début de conférence, « le digital s’est naturellement imposé tout simplement parce qu’il simplifiait la vie !»
Le digitalisation de nos sociétés a, en effet, permis de rendre plus accessibles de nombreux biens et services !
Contrairement à une invention, une innovation est, par essence, utile pour la société ou pour les individus puisqu’elle vient répondre à un besoin non comblé.
Malheureusement, plusieurs innovations n’ont pas connu les succès qu’elles méritaient faute d’outils de communication ou de marketing suffisamment efficaces pour toucher le plus grand nombre.
Grâce aux différents vecteurs digitaux de communication d’aujourd’hui (apps stores, réseaux sociaux, médias digitaux, etc), une innovation a maintenant beaucoup plus de chances d’être diffusé massivement dans le monde sans forcément dépenser d’énormes quantités d’argent.
De plus, avec la mondialisation et l’ouverture des marchés, il est devenu beaucoup plus facile de cibler les marchés extérieurs !
Yasser Monkachi est venu rappeler, à juste titre, que,
« Les innovateurs marocains devraient être ambitieux et voir grand dès le début de leurs projets ( » Il faut viser la lune » ) pour ne pas se limiter au seul marché local. »
Une « culture de l’échec » encore à développer
Bien sûr, dans les pays ou existent des écosystèmes dynamiques propices à favoriser l’innovation de manière durable comme la Silicon Valley aux États-Unis ou la French Tech en France), les « success stories » de startups sont beaucoup plus importantes que dans des pays comme le nôtre où l’environnement est encore naissant…
Pourtant, fait assez surprenant, le taux d’échec des startups au Maroc est, selon les intervenants, sensiblement le même que la moyenne mondiale :
Si le chiffre avancé (90 % des startups échouent avant la 3ème année d’existence ) pourrait en effet en faire rebuter plus d’un, il faudrait, selon eux, apprendre à accepter l’échec et à l’utiliser pour mieux réussir par la suite !
C’est en tout cas ce qu’a fait Tarik Fadli, brillant entrepreneur qui a travaillé longtemps aux États-Unis avant de rentrer entreprendre au Maroc.
« Le risque de l’échec ne devrait pas empêcher les gens de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ! L’échec fait partie du succès ! Il est même parfois nécessaire pour mieux innover et réussir ! »
Selon lui, ce qui freine l’innovation au Maroc c’est cette « culture encore persistante qui condamne l’échec ! »
Celle-ci existe d’ailleurs aussi dans certains pays européens comme la France par exemple, un pays partenaire culturel et économique historique du Maroc !
Au lieu de le considérer comme une étape nécessaire au succès, la majorité des marocains, selon lui, voient l’échec d’un « mauvais œil » :
« Au Maroc, on ne favorise pas la prise de risque et l’échec est perçu comme une faute ! »
Cette culture engendre forcement une distance par rapport aux responsabilités de chacun et tue tout esprit d’initiative !
Pour ne pas être « montré du doigt » par rapport à un échec ou une faute commise, les marocains auraient donc cette fâcheuse tendance à dire « ce n’est pas moi le responsable ! »
Les « success stories » existent au Maroc !
Pourtant, malgré ces barrières culturelles, de nombreuses entreprises ont quand même réussi à innover et même à s’imposer aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale !
Lorsque la question « Y’a-t-il des success stories de startups et entreprises marocaines dans le digital ? » est posée, Omar Balafrej, en tant qu’ex directeur du Technopark, y répond non sans avec un certain enthousiasme et une certaine fierté :
«Bien sûr qu’il y’en a et même pas mal !!!»
«CIH Bank est un cas d’école dans la transformation digitale dans le monde, HPS est une startup pionnière dans la monétique et qui est devenue aujourd’hui un leader mondial présent dans plus de 80 pays ! Il existe plusieurs autres acteurs marocains qui ont, eux aussi, réussi dans ce secteur comme M2M, H2M, etc.»
Il poursuit :
« La jeune coopérative COPAG, née à Taroudant dans le Sud du Maroc, est aussi devenue un acteur et exportateur majeur dans l’ agroalimentaire. Dans le domaine de la cybersecurité, vous avez Data Protect, LMPS. Nos amis ici présents, Algo Consulting et ScreenDY, sont aussi de très bons exemples ainsi que elbotola qui s’est très bien exporté au moyen-orient ou encore Ryms Games qui sont dans le jeu video. »
En fait, la plupart des startups qui ont pu bénéficier de bons programmes de soutien et d’accompagnement (Réseau Entreprendre par exemple) et su éviter les pièges que commettent les jeunes entreprises, ont su rapidement se développer grâce a un réseau de partenaires (Maroc MNF, fondation pour l’innovation en Afrique, Startup Maroc, etc.) construit et fédéré au sein d’un même lieu : le Technopark
Même l’État connait, selon lui, quelques succès dans l’innovation comme la Direction Générale des Impôts qui a réussi à digitaliser ses services pour les citoyens et entreprises !
Toujours selon Omar Balafrej, nous sommes aujourd’hui à un rythme de création de 70 startups par année ! Cela est certes encore très faible si l’on veut avoir plus de success stories dans notre pays.
Mais, heureusement, notre écosystème autour de l’innovation et de l’entrepreneuriat grossit de jour en jour et de nouveaux acteurs viennent l’enrichir à l’image du fond Maroc Numeric Fund.
Au Maroc et partout dans le monde, le digital a permis d’augmenter significativement les innovations et leur diffusion auprès de leurs utilisateurs.
Malheureusement, pour l’entreprise comme pour l’humain, le changement est toujours une étape assez difficile à franchir.
La peur de la transformation digitale semble universelle et n’est pas spécifique au Maroc (69% des dirigeants aux USA hésitaient encore à effectuer cette transformation par manque de visibilité sur le retour sur investissement ! ).
Il est en pourtant devenu vital pour l’entreprise (quelle que soit sa taille) d’innover si elle veut survivre et rester compétitive dans un environnement où la disruption peut frapper à sa porte à n’importe quel moment !
Se poser encore la question de la transformation digitale n’est donc, plus une option mais une obligation !
Au Maroc, l’innovation est une chance car tout est encore à faire et à construire !
L’innnovation, si elle est bien installée,, permettra de « réduire le GAP » avec les pays développés en faisant des sauts technologiques et structurels qui nous permettront de rapidement rattraper notre retard (dixit Nabil El Hilali).
La « culture de l’innovation » associée à un écosystème solide et durable sont les éléments clés qui permettront de multiplier les initiatives entrepreneuriales et la création de startups à fort potentiel !
Merci en tout cas à EMINOV pour l’organisation de cette conférence très riche qui a accueilli des intervenants de très haut niveau.
Ce n’est qu’avec ce genre d’évènement que cette culture de l’innovation pourra justement continuer à se diffuser…
à propos de l’auteur :
Omar Amrani est un entrepreneur passionné d’innovation et d’éducation.
Il dirige un cabinet de formation et de conseil en innovation pour les grandes entreprises et les PME et enseigne le cours « Culture de l’innovation » à l’école Com’Sup à Casablanca.
Vous pouvez suivre ses articles sur la page Facebook de son blog Chroniques du futur