Réorganisation du Conseil national de la presse : le CESE formule des réserves et recommandations sur le projet de loi n°026-25
Saisi le 16 juillet 2025 par la Chambre des représentants, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu un avis sur le projet de loi n°026-25 relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse (CNP). Adopté à la majorité lors de l’assemblée générale du Conseil tenue le 25 septembre 2025, cet avis s’inscrit dans le cadre d’une approche participative, appuyée par des auditions menées auprès des principales parties prenantes du secteur.
Le CESE rappelle que l’autorégulation du secteur de la presse et de l’édition au Maroc, incarnée par une institution indépendante, élue et autonome, constitue une avancée majeure pour la protection des droits et libertés. À ce titre, il souligne que la liberté de la presse, consacrée par l’article 28 de la Constitution, ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable. Le Maroc figure ainsi parmi les pays arabes et africains pionniers dans l’adoption de ce mécanisme, à travers la création du CNP, chargé notamment de promouvoir l’éthique journalistique et d’accompagner le développement du secteur dans un cadre démocratique.
Toutefois, le CESE relève que, à l’issue du premier mandat du CNP, ses instances n’ont pas pu être renouvelées en raison de l’absence, dans le texte fondateur, d’une disposition précisant l’autorité compétente pour convoquer les élections. Face à cette situation, le département chargé de la communication a jugé nécessaire d’abroger la loi en vigueur et de soumettre un nouveau projet de loi visant à la réorganisation du Conseil.
À l’examen du projet de loi n°026-25, objet de la saisine, le CESE identifie plusieurs points suscitant des interrogations. Il relève notamment la suppression, dans la composition institutionnelle, des représentants de la société civile ou du public, ainsi qu’une asymétrie dans les modalités de désignation des membres, avec un mode de vote pour les journalistes et une désignation pour les éditeurs. Le Conseil pointe également un déséquilibre numérique entre les représentants des éditeurs, au nombre de neuf, et ceux des journalistes, au nombre de sept.
Par ailleurs, le CESE estime que le projet de loi accorde une attention excessive aux sanctions disciplinaires, alors que les notions de faute professionnelle et de violation de la charte d’éthique ne sont pas suffisamment explicitées, et que la mission de médiation entre professionnels n’est pas suffisamment mise en avant. Il considère également que le texte ne prend pas pleinement en compte les transformations économiques et technologiques affectant le secteur de la presse, fragilisé notamment par la crise sanitaire et par la concurrence accrue des plateformes numériques et des réseaux sociaux.
Sur la base de ces constats, le CESE formule plusieurs recommandations visant à renforcer l’efficacité, l’inclusivité et la légitimité du CNP. Parmi celles-ci figurent le renforcement de la représentation du public au sein du Conseil, l’ajout d’une quatrième catégorie dite des « sages » afin de préserver l’équilibre entre journalistes et éditeurs, l’adoption de modes de scrutin favorisant la représentativité et le pluralisme, ainsi que le renforcement des mécanismes de médiation et d’arbitrage.
Le CESE recommande également d’accélérer l’élaboration ou la mise à jour de la charte d’éthique professionnelle, en associant l’ensemble des catégories représentées, et d’envisager un élargissement des missions du CNP, notamment en matière d’études prospectives, d’amélioration de la situation sociale et économique des journalistes et d’encadrement des nouveaux acteurs du contenu numérique.
Enfin, le Conseil souligne l’importance d’inscrire la réforme du CNP dans une vision globale et concertée, intégrant l’ensemble des textes régissant le secteur de la presse et de l’édition, afin d’accompagner les évolutions normatives en matière de libertés d’expression et de répondre aux défis déontologiques et économiques auxquels est confronté le secteur.
LNT
